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Citations sur le l'autre - Page 16
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En revanche, Pascal, absent de l'autre livre, apparaissait dans celui-ci, à titre de curiosité...
Romain Rolland — Jean-Christophe, La Révolte -
[...] l'une prétendait qu'il ne fallait jamais entrer dans le temple de Mithra que du pied gauche ; l'autre avait cette coutume en abomination et n'entrait jamais que du pied droit.
Voltaire — Zadig ou la Destinée -
La moitié d'entre nous est abolitionniste mais l'autre moitié considère que les prostituées sont des travailleuses du sexe pour qui il faut, à court terme, obtenir des droits sanitaires et sociaux.
Le Monde — "Prostitution : l'Assemblée affirme "la position abolitionniste de la France" -
Le problème est (...) l'un de ceux où l'on semble avoir pris plaisir à amonceler les difficultés, en opposant l'une à l'autre deux conceptions de l'amour essentiellement irréductibles (...). D'une part, un amour conçu à la manière gréco-thomiste, fondé sur l'inclination naturelle et nécessaire des êtres à rechercher avant tout leur propre bien. Pour qui se réclame de cette conception physique, il y a une identité foncière entre l'amour de soi et l'amour de Dieu (...). La conception extatique, au contraire, postulerait l'oubli de soi comme condition nécessaire de tout amour véritable, de celui qui met littéralement le sujet « hors de lui-même » et libère en nous l'amour d'autrui de toutes les attaches qui semblent l'unir à nos inclinations égoïstes.
Étienne Gilson — L'Esprit de la philosophie médiévale -
Elle avait toujours été régulière avec lui, et bonne gagneuse, avec ça, là-dessus, il avait pas à se plaindre. Ensuite ? La môme accuse le coup, et crac Elle s'effondre. Ginette, c'est une tendre. Elle la ramasse. L'autre lui sanglote sur l'épaule. Et voilà Ginette tourneboulée. Un vrai cœur d'artichaut. Une pomme oui. Elle mollit, change le disque. Et de fil en aiguille, Lema devient le chevalier blanc. Celui qui avait voulu la remettre dans le droit chemin. Sûr qu'elle n'était pas une femme...
Patrick Pécherot — Belleville-Barcelone -
Car s'il est vrai qu'à force de passer d'une ville à l'autre pour gagner ma vie de mes imitations, à force de m'égosiller dans les noces, les banquets et les cafés en racontant des histoires, je n'ai jamais eu l'heur de choisir une épouse, cela ne veut pas dire que j'ignore tout de la gent féminine.
Orhan Pamuk — Mon nom est Rouge -
Va chez la duchesse de Maufrigneuse ou chez Mme de Sérizyd, que l'une ou l'autre voie Lucien avant son interrogatoire, et qu'elle lui donne à lire le papier ci-inclus. Enfin, il faut trouver Europe et Paccard, que ces deux voleurs soient à ma disposition, et prêts à jouer le rôle que je leur indiquerai.
Honoré de Balzac — La Comédie humaine -
Ut pictura poesis : erit quae, si propius stes,Te capiat magis; et quaedam, si longius abstes :Haec amat obscurum; volet haec sub luce videri,Judicis argutum quae non formidat acumen ;Haec placuit semel, haec decies repetita placebit.La poésie est comme la peinture : telle œuvre, c'est de prèsQu'elle te séduira, et telle autre, de loin.L'une aime le clair-obscur et l'autre exige la pleine lumière,Sans craindre du tout l'œil acéré du critique.Celle-ci n'aura plu qu'une seule fois, quand celle-là, vue dix fois, plaira toujours.
Horace — Art poétique -
Aller de nuit en masque, en masque deviser,Se feindre à tous propos être d'amour saisie,Siffler toute la nuit par une jalousie,Et par martel de l'un, l'autre favoriser
Joachim du Bellay — En mille crespillons les cheveux se friser -
…c'est Laurie qui a le code du coffre, Laurie, la seule héritière du peu que je possède, la seule ayant droit que je me reconnaisse, ainsi que je l'ai en bonne et due forme consigné sur mon testament dont un exemplaire se trouve ici et l'autre chez mon avocat, cette petite Laurie qui est si empêchée et qui les dépasse tous cent fois, sauf Denver.
Christian Garcin — Du Bruit dans les arbres -
Sur une route, derrière la grille d'un vaste jardin, au bout duquel apparaissait la blancheur château frappé par le soleil, se tenait un enfant beau et frais, habillé de ces vêtements de campagne si pleins de coquetterie. Le luxe, l'insouciance et le spectacle habituel de la richesse rendent ces enfants-là si jolis, qu'on les croirait faits d'une autre pâte que les enfants de la médiocrité ou de la pauvreté. A côté de lui, gisait sur l'herbe un joujou splendide, aussi frais que son maître, verni, doré, vêtu d'une robe pourpre, et couvert de plumets et de verroterie. Mais l'enfant riche ne s'occupait pas de son joujou préféré, et voici ce qu'il regardait : De l'autre côté de la grille, sur la route, entre les chardons et les orties, il y avait un autre enfant, sale, chétif, fuligineux, un de ces marmots-parias dont un œil impartial découvrirait la beauté, si, comme l'œil du connaisseur devine une peinture idéale sous un vernis de carrossier, il le nettoyait de la répugnante patine de la misère.
Charles Baudelaire — Petits poèmes en prose -
Elle a bien soixante dix ans et elle doit avoir les cheveux blancs; je n'en sais rien; personne n'en sait rien, car elle a toujours un serre-tête noir qui lui colle comme du taffetas sur le crâne; elle a, par exemple, la barbe grise, un bouquet de poils ici, une petite mèche qui frisotte par là, et de tous côtés des poireaux comme des groseilles, qui ont l'air de bouillir sur sa figure.Pour mieux dire, sa tête rappelle par le haut, à cause du serre-tête noir une pomme de terre brûlée et, par le bas, une pomme de terre germée: j'en ai trouvé une gonflée, violette, l'autre matin, sous le fourneau, qui ressemblait à grand tante Agnès comme deux gouttes d'eau.
Jules Vallès — L’enfant -
Elle resta adossée à une portière, croisa les bras en attendant que l'un des deux crétins comprenne avant l'autre que la balade était terminée.
Tonino Benacquista — Malavita -
Le Vieillard et ses enfantsToute puissance est faible, à moins que d'être unie :Écoutez là-dessus l'esclave de Phrygie.Si j'ajoute du mien à son invention,C'est pour peindre nos mœurs, et non point par envie ;Je suis trop au-dessous de cette ambition.Phèdre enchérit souvent par un motif de gloire ;Pour moi, de tels pensers me seraient malséants.Mais venons à la fable ou plutôt à l'histoireDe celui qui tâcha d'unir tous ses enfants.Un vieillard prêt d'aller où la mort l'appelait :« Mes chers enfants, dit-il (à ses fils il parlait),Voyez si vous romprez ces dards* liés ensemble ; (*lances, flèches)Je vous expliquerai le nœud qui les assemble. »L'aîné les ayant pris et fait tous ses efforts,Les rendit, en disant : « Je le donne aux plus forts. »Un second lui succède, et se met en posture ;Mais en vain. Un cadet tente aussi l'aventure.Tous perdirent leur temps ; le faisceau résista :De ces dards joints ensemble un seul ne s'éclata.« Faibles gens ! dit le père, il faut que je vous montreCe que ma force peut en semblable rencontre. »On crut qu'il se moquait ; on sourit, mais à tort :Il sépare les dards, et les rompt sans effort.« Vous voyez, reprit-il, l'effet de la concorde :Soyez joints, mes enfants, que l'amour vous accorde. »Tant que dura son mal, il n'eut autre discours.Enfin, se sentant prêt de terminer ses jours :« Mes chers enfants, dit-il, je vais où sont nos pères.Adieu, promettez-moi de vivre comme frères ;Que j'obtienne de vous cette grâce en mourant. »Chacun de ses trois fils l'en assure en pleurant.Il prend à tous les mains ; il meurt ; et les trois frèresTrouvent un bien fort grand, mais fort mêlé d'affaires.Un créancier saisit, un voisin fait procès :D'abord notre trio s'en tire avec succès.Leur amitié fut courte autant qu'elle était rare.Le sang les avait joints ; l'intérêt les sépare :L'ambition, l'envie, avec les consultants,Dans la succession entrent en même temps.On en vient au partage, on conteste, on chicane :Le juge sur cent points tour à tour les condamne.Créanciers et voisins reviennent aussitôt,Ceux-là sur une erreur, ceux-ci sur un défaut.Les frères désunis sont tous d'avis contraire :L'un veut s'accommoder, l'autre n'en veut rien faire.Tous perdirent leur bien, et voulurent trop tardProfiter de ces dards unis et pris à part.
Jean de La Fontaine — Fables -
En effet, j'espérais vous trouver posté devant L'Agneau mystique, mais on m'a dit que vous ne bougiez pas de l'autre Musée où vous faites la cour à cette grosse Madame qu'illustre à jamais le pinceau de Carolus-Duran. J'ai tort. Les absents ont toujours tort. Moi, je crois qu'ils ont toujours raison.
Paul Claudel — Oeuvres en prose -
Je vais à Chicago pour voir Hefner. Hugh Hefner. Playboy. Oh, tout le monde connaît Hefner. Pas plus tard que l'autre jour, je lisais dans le Wall Street Journal qu'il fait un chiffre d'affaires de cent cinquante millions par an.
Philip Roth — Zuckerman enchaîné -
Les Boches étaient au diable Vauvert, quelque part devant Roye, et n'occupaient que la nuit un petit bois, de l'autre côté de la ravine et d'où partaient leurs patrouilles qui venaient tâter, une nuit sur trois, notre petit poste.
Blaise Cendrars — La main coupée -
Elle éclata encore de rire, en la voyant ainsi accoutrée, nageant dans le pardessus de son homme, le feutre bois-de-rose vissé sur son front, laissant échapper une mèche blonde. Là, tu es belle, le vrai baigneur ! L'autre jeta un coup d'œil mi-figue, mi-raisin à l'image d'elle que lui renvoyait la grande glace du fond.
Ange Bastiani — Le pain des jules -
Ne vous ai-je pas dit toute la sympathie que ma mère avait pour vous ? Souvent femme varie, a dit François Ier; la femme, c'est l'onde, a dit Shakespeare. L'un était un grand roi et l'autre un grand poète, et chacun d'eux devait connaître la femme. Oui, la femme; mais ma mère n'est point la femme, c'est une femme.
A. Dumas — Le Comte de Monte-Christo (1844) -
Il l'attendait, comme convenu. Ils étaient allés l'un vers l'autre et ils s'étaient d'abord serré la main, plutôt maladroitement.
Dominique Barbéris — L'Heure exquise -
L’un dans les champs du ciel, pointe une cime aigüe, que couronne en tout temps une sombre nuée, et rien ne l’en délivre ; ni l’été, ni l’automne, il ne plonge en l’azur ; aucun homme mortel, quand bien même il aurait vingt jambes et vingt bras, ne saurait ni monter ni se tenir là-haut ; la roche en est trop lisse ; on la croirait polie. A mi-hauteur, se creuse une sombre caverne, qui s'ouvre, du côté du noroît, vers l'Erèbe. […] En cette cave, où Skylla, la terrible aboyeuse, a son gîte. […] L'autre Écueil, tu verras, Ulysse, est bien plus bas. Il porte un grand figuier en pleine frondaison ; c'est là-dessous qu'on voit la divine Charybde engloutir l'onde noire : elle vomit trois fois chaque jour, et trois fois, ô terreur ! elle engouffre. Ne va pas être là pendant qu'elle engloutit, car l'Ébranleur du sol lui-même ne saurait te tirer du péril...
Chant XII — v. 73-85 et v. 101-107 -
...elle citait souvent, en prenant un air finaud « Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. » Le bonheur, c'était ici et maintenant qu'elle le voulait, palpable et dégustable; du bon bonheur du terroir à consommer sur place, parce que, celui de l'autre monde, on ignorait quelle consistance et quelle saveur il avait, et quelle part on en recevrait.
Sylvie Germain — Chanson des mal-aimants -
Je reçois 2 lettres de M. Zimmermann, l'une du 2, l'autre du 4 janvier 1890, cette dernière ci-joint. Ci-joint aussi la copie du reçu que j'ai dû donner au Harar pour les sommes ou marchandises touchées.
Arthur Rimbaud — Correspondances -
« Petit poisson deviendra grandPourvu que Dieu lui prête vie.Mais le lâcher en attendant,Je tiens pour moi que c'est folie ;Car de le rattraper il n'est pas trop certain.Un carpeau qui n'était encore que fretinFut pris par un pêcheur au bord d'une rivière.Tout fait nombre, dit l'homme en voyant son butin ;Voilà commencement de chère et de festin :Mettons-le en notre gibecière.Le pauvre carpillon lui fit en sa manière :Que ferez-vous de moi ? je ne saurais fournirAu plus qu'une demi-bouchée.Laissez-moi carpe devenir :Je serai par vous repêchée.Quelque gros partisan m'achètera bien cher :Au lieu qu'il vous en faut chercherPeut-être encor cent de ma taillePour faire un plat. Quel plat ? croyez-moi, rien qui vaille.Rien qui vaille et bien soit, repartit le pêcheur :Poisson mon bel ami, qui faites le prêcheur,Vous irez dans la poêle ; et vous avez beau dire ;Dès ce soir on vous fera frire.Un tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l'auras ;L'un est sûr, l'autre ne l'est pas. »
Jean de La Fontaine — Fables -
Nous nous donnâmes ainsi deux logements, l'un à la ville et l'autre à la campagne. Ce changement mit bientôt le dernier désordre à nos affaires, en faisant naître deux aventures qui causèrent notre ruine.
Abbé Prévot — Manon Lescaut -
« Parmi les personnes considérables de l'un et de l'autre sexe mortes depuis peu de temps, nous nommerons dame Marguerite de la Vergne. Elle était veuve de M. le comte de la Fayette, et tellement distinguée par son esprit et son mérite qu'elle s'était acquis l'estime et la considération de tout ce qu'il y avait de plus grand en France. Lorsque sa santé ne lui a plus permis d'aller à la Cour, on peut dire que toute la Cour a été chez elle, de sorte que, sans sortir de sa chambre, elle avait partout un grand crédit dont elle ne faisait usage que pour rendre service à tout le monde. On tient qu'elle a eu part à quelques ouvrages qui ont été lus du public avec plaisir et avec admiration. »
Mercure Galant — juin 1693 -
Attirée, peut-être à son insu, par la force de l'un ou par la beauté de l'autre, mademoiselle Taillefer partageait ses regards furtifs, ses pensées secrètes, entre ce quadragénaire et le jeune étudiant; mais aucun d'eux ne paraissait songer à elle, quoique d'un jour à l'autre le hasard pût changer sa position et la rendre un riche parti. D'ailleurs aucune de ces personnes ne se donnait la peine de vérifier si les malheurs allégués par l'une d'elles étaient faux ou véritables. Toutes avaient les unes pour les autres une indifférence mêlée de défiance qui résultait de leurs situations respectives.
Honoré de Balzac — Le Père Goriot -
Pour vivre cachés, vivons heureux. On y est, au bout de la nuit, de l'autre côté des ombres. Rien à découvrir de plus perdu ni de plus absurde, de plus isolé pour rien en ce monde ou dans l'autre. Un pas de plus dans le désespoir, bien au fond, bien au bout, et tout se renverse : tu choisis l'espace, le temps ; ton espace, ton temps. Je dis la nuit, parce que écrire c'est tou- jours la nuit, « la nuit est aussi un soleil », « infracassable noyau de nuit », « soleil noir d'où rayonne la nuit », etc. La trace d'une ligne est la nuit.
Philippe Sollers — Carnet de nuit -
J'arrête la voiture sur les hauteurs, de l'autre côté du fleuve; je descends, je regarde la ville allongée... Silence. Brume. Port de la lune... Croissant argenté dans l'eau... Garonne miroitante blanche... Air d'ailleurs. D'où, au fait ? Voiliers vers Londres, Amsterdam. Anvers, cales bourrées de claret... Arrivées de Montevideo ou Valparaiso... Aliénor d'Aquitaine, mariage avec Louis VII, le 25 juillet 1137, dans la cathédrale Saint-André... Et puis, trahison, à nous l'Angleterre... Nous sommes des traîtres-nés... Nous avons nos bateaux, nos vins, ils n'appartiennent à personne... Palais de l'Ombrière, L'Ormée... Avocats, marchands, étendard blanc à croix rouge... Spectres sortis du gravier... La France? Méfiance. Taxes, commissions, limitation des libertés... A bas Jeanne d'Arc, Louis XIV, Mazarin, les Jacobins, Napoléon et l'Empire... Vivent les princes Condé ou Conti. Louis XV et l'Angleterre, toujours... L'Espagne, s'il le faut... La Fronde... "Caractère frondeur" ..... David contre Goliath... Girondins écrasés. mémoire niée, latérale, transmise à mots couverts contre la version scolaire, militaire... Entrepôts gardant l'odeur des Antilles, gingembre, cannelle, girofle, tiédeur du sucre imprégnant les murs... C'est ici qu'ils viennent se réfugier, ces emmerdeurs de Français, quand ils ont des ennuis à l'Est... Allemands? Russes? Pareils
Philippe Sollers — Portrait du joueur -
Un universitaire, l'autre jour, à la télévision, me traite brusquement de "papillon médiatique". Je me demande s'il a bu, mais non.
Philippe Sollers — Littérature et politique -
Voie étroite, en écrivant, entre la réhabilitation d'un mode de vie considéré comme inférieur, et la dénonciation de l'aliénation qui l'accompagne. Parce que ces façons de vivre étaient à nous, un bonheur même, mais aussi les barrières humiliantes de notre condition (conscience que "ce n'est pas assez bien chez nous"), je voudrais dire à la fois le bonheur et l'aliénation. Impression, bien plutôt, de tanguer d'un bord à l'autre de cette contradiction.
Annie Ernaux — La place -
Voie étroite, en écrivant, entre la réhabilitation d'un mode de vie considéré comme inférieur, et la dénonciation de l'aliénation qui l'accompagne. Parce que ces façons de vivre étaient à nous, un bonheur même, mais aussi les barrières humiliantes de notre condition (conscience que "ce n'est pas assez bien chez nous"), je voudrais dire à la fois le bonheur et l'aliénation. Impression, bien plutôt, de tanguer d'un bord à l'autre de cette contradiction.
Annie Ernaux — La place -
J'ai glissé dans cette moitié du monde où l'autre n'est qu'un décor.
Annie Ernaux — La place -
Mais les signes de ce qui m'attendait réellement, je les ai tous négligés. Je travaille mon diplôme sur le surréalisme à la bibliothèque de Rouen, je sors, je traverse le square Verdrel, il fait doux, les cygnes du bassin ont reparu, et d'un seul coup j'ai conscience que je suis en train de vivre peut-être mes dernières semaines de fille seule, libre d'aller où je veux, de ne pas manger ce midi, de travailler dans ma chambre sans être dérangée. Je vais perdre définitivement la solitude. Peut-on s'isoler facilement dans un petit meublé, à deux. Et il voudra manger ses deux repas par jour. Toutes sortes d'images me traversent. Une vie pas drôle finalement. Mais je refoule, j'ai honte, ce sont des idées de fille unique, égocentrique, soucieuse de sa petite personne, mal élevée au fond. Un jour, il a du travail, il est fatigué, si on mangeait dans la chambre au lieu d'aller au restau. Six heures du soir cours Victor-Hugo, des femmes se précipitent aux Docks, en face du Montaigne, prennent ci et ça sans hésitation, comme si elles avaient dans la tête toute la programmation du repas de ce soir, de demain peut-être, pour quatre personnes ou plus aux goûts différents. Comment font-elles ? [...] Je n'y arriverai jamais. Je n'en veux pas de cette vie rythmée par les achats, la cuisine. Pourquoi n'est-il pas venu avec moi au supermarché. J'ai fini par acheter des quiches lorraines, du fromage, des poires. Il était en train d'écouter de la musique. Il a tout déballé avec un plaisir de gamin. Les poires étaient blettes au coeur, "tu t'es fait entuber". Je le hais. Je ne me marierai pas. Le lendemain, nous sommes retournés au restau universitaire, j'ai oublié. Toutes les craintes, les pressentiments, je les ai étouffés. Sublimés. D'accord, quand on vivra ensemble, je n'aurai plus autant de liberté, de loisirs, il y aura des courses, de la cuisine, du ménage, un peu. Et alors, tu renâcles petit cheval tu n'es pas courageuse, des tas de filles réussissent à tout "concilier", sourire aux lèvres, n'en font pas un drame comme toi. Au contraire, elles existent vraiment. Je me persuade qu'en me mariant je serai libérée de ce moi qui tourne en rond, se pose des questions, un moi inutile. Que j'atteindrai l'équilibre. L'homme, l'épaule solide, anti-métaphysique, dissipateur d'idées tourmentantes, qu'elle se marie donc ça la calmera, tes boutons même disparaîtront, je ris forcément, obscurément j'y crois. Mariage, "accomplissement", je marche. Quelquefois je songe qu'il est égoïste et qu'il ne s'intéresse guère à ce que je fais, moi je lis ses livres de sociologie, jamais il n'ouvre les miens, Breton ou Aragon. Alors la sagesse des femmes vient à mon secours : "Tous les hommes sont égoïstes." Mais aussi les principes moraux : "Accepter l'autre dans son altérité", tous les langages peuvent se rejoindre quand on veut.
Annie Ernaux — La femme gelée -
Après, il ne nous a plus vus que de loin en loin. On habitait une ville touristique des Alpes, où mon mari avait un poste administratif. On tendait les murs de toile de jute, on offrait du whisky à l'apéritif, on écoutait le panorama de musique ancienne à la radio. Trois mots de politesse à la concierge. J'ai glissé dans cette moitié du monde pour laquelle l'autre n'est qu'un décor. Ma mère écrivait, vous pourriez venir vous reposer à la maison, n'osant pas dire de venir les voir pour eux-mêmes. J'y allais seule, taisant les vraies raisons de l'indifférence de leur gendre, raisons indicibles, entre lui et moi, et que j'ai admises comme allant de soi. Comment un homme né dans une bourgeoisie à diplômes, constamment " ironique ", aurait-il pu se plaire en compagnie de " braves gens ", dont la gentillesse, reconnue de lui, ne compensait jamais à ses yeux ce manque essentiel : une conversation spirituelle. Dans sa famille, par exemple, si l'on cassait un verre, quelqu'un s'écriait aussitôt, « n'y touchez pas, il est brisé ! » (vers de Sully Prud'homme).
Annie Ernaux — La place -
Après, il ne nous a plus vus que de loin en loin. On habitait une ville touristique des Alpes, où mon mari avait un poste administratif. On tendait les murs de toile de jute, on offrait du whisky à l'apéritif, on écoutait le panorama de musique ancienne à la radio. Trois mots de politesse à la concierge. J'ai glissé dans cette moitié du monde pour laquelle l'autre n'est qu'un décor. Ma mère écrivait, vous pourriez venir vous reposer à la maison, n'osant pas dire de venir les voir pour eux-mêmes. J'y allais seule, taisant les vraies raisons de l'indifférence de leur gendre, raisons indicibles, entre lui et moi, et que j'ai admises comme allant de soi. Comment un homme né dans une bourgeoisie à diplômes, constamment " ironique ", aurait-il pu se plaire en compagnie de " braves gens ", dont la gentillesse, reconnue de lui, ne compensait jamais à ses yeux ce manque essentiel : une conversation spirituelle. Dans sa famille, par exemple, si l'on cassait un verre, quelqu'un s'écriait aussitôt, « n'y touchez pas, il est brisé ! » (vers de Sully Prud'homme).
Annie Ernaux — La place -
Je suis allée vers les garçons comme on part en voyage. Avec peur et curiosité. Je ne les connaissais pas. Je les avais laissés en train de me jeter des marrons au coin d'une rue en été, et des boules de neige à la sortie de l'école en hiver. Ou de nous crier des injures de l'autre côté du trottoir et je répondais bande d'idiots ou de cons suivant les circonstances, la présence ou non de témoins adultes. Des êtres agités, un peu ridicules. Il avait fallu toute la grâce d'un après-midi de patins à roulettes pour en transfigurer un. Ils devaient avoir changé autant que moi. J'allais vers eux avec mon petit bagage, les conversations des filles, des romans, des conseils de l'Echo de la mode, des chansons, quelques poèmes de Musset et une overdose de rêves, Bovary ma grande sœur. Et tout au fond, caché comme pas convenable, le désir d'un plaisir dont j'avais trouvé seule le chemin. Bien sûr qu'elle était mystère pour moi l'autre moitié du monde, mais j'avais la foi, ce serait une fête. L'idée d'inégalité entre les garçons et moi, de différence autre que physique, je ne la connaissais pas vraiment pour ne l'avoir jamais vécue. Page 82, Folio, 2018.
Annie Ernaux — La femme gelée -
Mon oncle et ma tante racontaient volontiers leurs promenades ... l'enterrement auquel ils avaient assisté d'un frère du maharajah de Jodhpur qui portait le titre enivrant de maître des éléphants. Ces irrésistibles animaux lui étaient si attachés que, le jour des obsèques, au passage du cercueil qui défilait devant eux, ils levaient l'un après l'autre leur trompe en signe d'adieu et les spectateurs bouleversés voyaient des larmes couler de leurs yeux. P. 60-61
Jean d'Ormesson — Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit -
Les femmes m'ont toujours beaucoup plu. Je crois qu'il m'est arrivé de plaire un peu à des hommes. Bien des années plus tard, en khâgne à Henri- IV ou à l'Ecole de la rue d'Ulm, j'ai beaucoup aimé Jean Beaufret . Il m'épatait. Nous nous promenions tous les deux le long du boulevard Saint-Michel et il me faisait en toute simplicité des propositions qui n'étaient guère dissimulées. Je bredouillais que non, franchement, ca ne me disait pas grand-chose. Mais il insistait : - Ce n'est pas parce que je t'enculerai trois ou quatre fois... - Tant que ca ? demandai-je. - ... que tu passeras de l'autre côté. (pp.60,61)
Jean d'Ormesson — Je dirai malgré tout que cette vie fut belle -
Les religions servent à ça : donner de l'espoir que tout ne sera pas fini après notre fin inévitable. Et imposer du même coup, par un système de punitions et de récompenses dans l'autre monde, une morale collective à l'humanité.
Jean d'Ormesson — Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit