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Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal : La Chevelure

les fleurs du mal Charles Baudelaire

Les Fleurs du mal est un recueil de poèmes de Charles Baudelaire, englobant la quasi-totalité de sa production en vers, de 1840 jusqu'à sa mort survenue fin août 1867. Publié le 25 juin 1857, le livre scandalise aussitôt la société contemporaine, conformiste et soucieuse de respectabilité. C'est une œuvre majeure de la poésie moderne. Ses 163 pièces rompent avec le style convenu. Elle rajeunit la structure du vers par l'usage régulier d'enjambements, de rejets et de contre-rejets. Elle rénove la forme rigide du sonnet.

Ce poème est dans la section « Spleen et idéal ».

Pour citer l'œuvre : Les Fleurs du mal (1868) Michel Lévy frèresŒuvres complètes, vol. I (p. 119-120).

XXIV

LA CHEVELURE


Ô toison, moutonnant jusque sur l’encolure !
Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir !
Extase ! Pour peupler ce soir l’alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l’air comme un mouchoir !

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !
Comme d’autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum.

J’irai là-bas où l’arbre et l’homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l’ardeur des climats ;
Fortes tresses, soyez la houle qui m’enlève !
Tu contiens, mer d’ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :


Un port retentissant où mon âme peut boire
À grands flots le parfum, le son et la couleur ;
Où les vaisseaux, glissant dans l’or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D’un ciel pur où frémit l’éternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoureuse d’ivresse
Dans ce noir océan où l’autre est enfermé ;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercements du loisir embaumé !

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m’enivre ardemment des senteurs confondues
De l’huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde !
N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?


Commentaire de texte de Charles Baudelaire : La Chevelure

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L'auteur : Charles Baudelaire

Charles Baudelaire est un poète français. Né à Paris le 9 avril 1821, il meurt dans la même ville le 31 août 1867. À la croisée entre le Parnasse et le symbolisme, chantre de la « modernité », il occupe une place considérable parmi les poètes français. Les Fleurs du mal (1857) et Les Paradis artificiels (1860) sont ses deux recueils de poésie les plus connus.

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