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Poser un lapin : définition et origine de l’expression

Cette fois-ci, c’est au règne animal qu’emprunte la langue française pour enrichir son dictionnaire des expressions. « Poser un lapin » est une expression populaire que la majeure partie d’entre-nous comprend (et pratique peut-être… ), sans pour autant en connaître les origines.

Rassurez-vous, rien à voir avec un tour de magicien, mais plutôt avec notre cher argot. Nous vous invitons le temps d’un article à retracer l’évolution de cette expression. Bonne lecture !

Définition de l’expression « poser un lapin »

Vous attendez votre rendez-vous depuis plus d’une heure. Vous venez de vider votre troisième cocktail et pas l’ombre d’un chat en vue… Pas de doute, on vous a posé un lapin ! L’expression « poser un lapin » désigne une situation dans laquelle une personne n’honore pas un rendez-vous préalablement fixé avec quelqu’un, et ce, souvent de manière intentionnelle.

L’opacité de l’expression vient de l’analogie avec un geste pour le moins étonnant : celui de déposer un animal. En guise de réconfort pour se faire pardonner d’un manquement ?  Pas vraiment. Le lapin, dans l’argot du XIXe siècle, est un refus de paiement. En évoluant, le fait de « poser un lapin » voulait donc dire laisser derrière soi un refus, non plus de paiement, mais de rendez-vous.

Evolution historique de l’usage de l’expression « poser un lapin »

L’étude des occurrences dans les ouvrages publiés montre l’évolution de l’usage de l’expression « poser un lapin » au fil du temps. Cette expression est désormais très populaire.

poser un lapin usage
Occurrences de « poser un lapin » dans les textes publiés. Source : Google Ngram.

Origine de l’expression « poser un lapin »

L’expression « poser un lapin » a laissé la porte ouverte à plusieurs interprétations quant à ses origines. En effet, on aurait pu d’une part tenter de trouver une explication de par l’image même du lapin, animal symbolisant la fertilité dès l’antiquité, mais le sens de l’expression n’en aurait pas été plus clair. D’autre part, il a été souligné que « faire poser » signifiait « faire attendre quelqu’un ». Malgré tout, l’expression « poser un lapin » ne provient d’aucune de ces deux sources.

En 1783, un lapin désignait un homme qui voyageait de manière clandestine ou en surnombre, dans les voitures publiques, et donc sans payer. De là, probablement, l’ancêtre de notre expression, apparu aux alentours des années 1870 : « faire cadeau d’un lapin (à une fille) », qui signifiait ne pas payer ses faveurs. Ainsi, chose étonnante, l’expression se construit sur une antinomie : elle laisse comprendre que quelque chose est laissé en guise de paiement, de rétribution, quand le « lapin » en question symbolise l’absence de cette rétribution. La première occurrence de l’expression telle qu’on la connaît aujourd’hui apparaît aux alentours de 1880, avec le sens élargi et figuré de : ne pas honorer (ou cesser d’honorer), non plus les faveurs, mais un rendez-vous. En voici un exemple dans l’Immortel, livre écrit par Alphonse Daudet en 1888 : « Lui n’attend que le décret de l’Officiel pour filer à l’anglaise et, après quinze ans d’un bonheur sans mélange, poser à la duchesse un de ces lapins ! ».

Pour aller plus loin : Le lapin est un animal qui a du succès dans le monde symbolique des animaux, mais aussi dans le grand panel des expressions, dont voici une sélection :

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  • « Courir comme un lapin » : qui signifie courir à toute vitesse ou prendre la fuite.
  • « Ne pas valoir un pet de lapin » : ne pas avoir une grande valeur
  • « Faire le coup du lapin » : attaquer par derrière, comme un traître

Le lapin a aussi été l’animal de prédilection pour qualifier les divers penchants des hommes allant de l’expression « un fameux lapin, un vrai lapin » qui désigne un homme résolu et brave, ou encore « une mère lapine, une bonne lapine » pour désigner une femme prolifique, à « un vieux lapin », qui désigne un homme qui a plus d’un tour dans son sac, rusé. Vous trouverez aussi la fameuse expression « chaud lapin » qui qualifie un homme porté sur les plaisirs sexuels.

Exemples d’usage de l’expression « poser un lapin »

 Je demandai à Badu que nous remettions notre rencontre au samedi suivant, me préparant ainsi à poser un lapin à Jaareetu, car, dans mon esprit, il n’était pas question qu’une tierce personne soit présente ce jour-là à notre tête-à-tête.

Khadi Fall, Senteurs d’hivernage, 1992

Supposons, par exemple, que John ait un rendez-vous avec Mary, mais elle n’arrive pas à l’heure fixée. Combien de temps John devrait-il attendre avant de décider qu’elle lui a posé un lapin ?

Ken Binmore, Jeux et théorie des jeux, 1999

Quelle suspicion, comme si j’avais l’habitude de me décommander ou de poser des lapins !

Martial Maury, Le secret des Restiac, 2006

Vous vous rendez compte, lui expliqua le relieur, qu’il n’est pas question une seconde que vous me posiez un lapin. Vous vous dites qu’une fois sorti d’ici… oui… mais supposez que ce soir vous manquiez au rendez-vous. Hein ? et que je veuille absolument vous retrouver ?

Jules Romains, Les Hommes de bonne volonté, 1932

Il est toujours avantageux de porter un titre nobiliaire. Etre "de quelque chose", ça pose un homme, comme être "de Garenne", ça pose un lapin.

Alphonse Allais, Le Chat noir, 25 Janvier 1890

N'hésitez pas à compléter cet article si nécessaire et à ajouter vos réflexions sur cette expression française en commentaire.

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Violaine Epitalon

Violaine Epitalon

Violaine Epitalon est journaliste, titulaire d'un Master en lettres classiques et en littérature comparée et spécialisée en linguistique, philosophie antique et anecdotes abracadabrantesques.

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Commentaires

BITOTA

c’est intéressant;

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Ingrid

Bonsoir,

Merci pour la petite histoire. Juste un détail, dans votre introduction, vous écrivez : « la majeure partie d’entre-nous ». Or, je pense ne pas me tromper en affirmant qu’il ne faut pas de trait d’union entre « entre » et « nous ».

Bien à vous,

Ingrid

Répondre
Roger Rivière

Bonjour Nicolas,
Non, vous faites erreur est ce qui est écrit dans votre texte explicatif—— et que vous auriez dû corriger au vu de votre réponse à C. Lannette pour être  »raccord » avec vous-même—— est juste, correct : ‘’quelque chose’’ est bien une locution à valeur de pronom indéfini du genre masculin, plus exactement du genre neutre donc assimilé à un masculin dans la grammaire française, et la preuve en est, à part les définitions des dictionnaires qui en attestent, que l’on dit par exemple « je t’ai préparé quelque chose de bon » et non pas ‘’de bonnE’’, ou en parlant d’une personne « je lui trouve (UN) quelque chose de plaisant/d’attirant » et non pas ‘’(UNE) quelque chose de plaisantE/d’attirantE’’ !

Par contre, si l’ensemble ‘’quelque chose’’ est bien un ensemble nominal formé avec le substantif ‘’chose’’ et le pronom indéfini ‘’quelque’’ valant pour une quantité égale à 1 —emploi désuet—, alors ‘’chose’’ garde sa valeur de substantif féminin et donc régit, gère également le genre du qualificatif qui se rapporte à lui.
Toutefois, j’avoue que je ne trouve pas d’exemple avec un qualificatif mais pour l’emploi ‘’normal’’ je peux citer ceci :  »quelque chose qu’il vous manque, n’hésitez pas à me le faire savoir’’ ce qui équivaut à  » quelle que soit la chose qui vous manque, etc. »

Et puisqu’on parle de fautes supposées en voici une, faite sans aucun doute par ‘’lapsus clavis’’ comme on dit. Elle se trouve dans le 3e § de Origine de l’expression  »poser un lapin » et je mets le terme fautif entre crochets => ’’ Pour davantage de précisions, nous vous [ invitions ] à vous rendre sur notre dictionnaire pour consulter la définition de lapin ’’ : un malheureux ‘ i ‘ s’est glissé, faisant de l’approprié présent de l‘indicatif un inadéquat imparfait.

Cela dit, Nicolas, dans vos exemples d’expressions avec ‘’lapin’’ vous avez écrit :  »’’  » un fameux lapin, un vrai lapin » qui désigne un homme résolu et brave  »’’ ; je doute fort de l’exactitude de la signification car si les expressions et les proverbes naissent de la sagesse populaire le lapin n’est pas connu pour être un brave, un courageux mais plutôt un poltron comme son cousin le lièvre. Par contre, j’ai personnellement entendu cette expression pour parler d’un garçon, d’un homme et elle équivaut à  »un chaud lapin », notre Jeannot des clapiers ayant cette réputation.

De même,’’ Faire le coup du lapin ’’ m’est inconnue avec la signification que vous en donnez, par contre je la connais comme pour signifier ’’ Donner un coup (coup de poing, coup du revers ou du ‘tranchant’ de la main) derrière la nuque ‘’ à la manière dont on tue, ou on tuait autrefois les lapins chez soi ou dans les fermes. Et le fameux ’’coup du lapin’’ employé en jargon d’accidentologie automobile reprend métaphoriquement la même image d’un choc violent derrière la tête.

Cordialement.

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Charles LANNETTE

Bonjour,
J’ai un doute…
Ainsi, chose étonnante, l’expression se construit sur une antinomie : elle laisse comprendre que quelque chose est laissé en guise de paiement, de rétribution, quand le « lapin » en question symbolise l’absence de cette rétribution.

Laissé ou laissée ?

Bien cordialement.

C. Lannette

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La langue française

On parle ici d’une chose (féminin) donc « laissée » 😉

Nicolas.

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