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Terre

Variantes Singulier Pluriel
Féminin terre terres

Définitions de « terre »

Trésor de la Langue Française informatisé

TERRE, subst. fém.

I. − Planète, milieu où vit l'homme.
A. − [Gén. avec majuscule] Élément de l'Univers s'opposant à d'autres corps célestes, d'autres mondes ou éléments.
1. [P. réf. aux astron., aux cosmogonies anc.] Ce milieu considéré généralement comme le centre du monde. L'évêque d'Hippone (...) croyait la terre plate, parce qu'il lui semblait la voir telle (Proudhon, Propriété, 1840, p. 137).[Philolaos] (...) distingue l'Olympe renfermant les éléments les plus purs, puis le Monde contenant jusqu'à la Lune les astres tournant autour du feu central, et enfin, entre la Lune et le centre, une « région où se trouvent les choses soumises à la génération, apanage de ce qui anime les transmutations ». Ainsi fut formulée pour la première fois avec précision cette division polaire de l'univers entre le monde de la pureté et de l'éternité, et le monde « sublunaire » de l'impureté et de la corruption, dont la Terre faisait partie (Astron., 1962, p. 13 [Encyclop. de la Pléiade]).
MYTH. Élément primordial, divinisé, conçu comme la mère universelle. Union du Ciel et de la Terre; les fils de la Terre (les Titans, les Géants). Si, frappé d'un second coup du trident d'Éole, la terre déchaîne l'Eurus sur l'humide Empire, quoiqu'agitées par ce nouveau tiran les Ondes sont toujours dociles à leur premier maître (Chênedollé, Journal, Append., 1833, p. 181).Kronos d'un coup de serpe lui tranche les parties sexuelles [à Ouranos]. Cet acte de violence aura des conséquences cosmiques décisives. Il éloigne à jamais le Ciel de la Terre, il le fixe au sommet du monde comme le toit de l'édifice cosmique (Mythol.t. 11981, p. 258).Terre(-)mère. Culte des puissances élémentaires traduisant la lassitude des bêtes forcées que nous sommesdes bêtes écrasées, usées, laminées par le bruit forcené, par le dynamisme forcené de milliers de machines qui nous obsèdent. Résurrection compensatrice d'une sorte de culte de la Terre Mère sur le sein de qui il est si bon, le soir, d'allonger filialement ses membres endoloris (L. Febvre, La Sensibilité et l'hist., [1941] ds Combats, 1953, p. 238).[Un patient] voyait les étoiles naître et briller dans la terre. Elles sortaient du sein de la terre; la terre n'était pas en cette obsession une simple image du ciel étoilé. Elle était la grande mère productrice du monde, productrice de la nuit et des étoiles. Dans le rêve de son patient, Neumann montre la force de l'archétype de la terre-mère (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 49).
Poét. [Par personnification] La terre dort, s'éveille; flancs, sein, colère, respiration de la terre. Ô Nuit magicienne, ô douce, ô solitaire, Le Paysage avec sa flûte de roseau T'accueille; et tes pieds nus posés sur le coteau Font tressaillir le cœur fatigué de la terre (Samain, Chariot, 1900, p. 133).L'étonnant printemps rit, viole... On ne sait d'où Venu? Mais la candeur ruisselle à mots si doux Qu'une tendresse prend la terre à ses entrailles... (Valéry, J. Parque, 1917, p. 103).
2. ASTRON., cour. Planète du système solaire, ayant la forme d'une sphère légèrement aplatie aux pôles, parcourant une orbite elliptique autour du Soleil en un an et tournant sur elle-même en vingt-quatre heures environ, formée de roches dont la surface est en grande partie recouverte d'eau, entourée d'une enveloppe de gaz, et qui est le seul corps céleste connu à ce jour où se manifeste la vie. Je revoyais la nébuleuse primitive, puis la terre détachée d'elle, et la lune détachée de la terre. Cette lune était morte aujourd'hui, et la terre mourrait aussi. Elle allait, se glaçant de seconde en seconde (Bourget, Disciple, 1889, p. 175).La terre est bleue comme une orange (Éluard, Œuvres compl., L'Amour la poésie, Paris, Gallimard, t. 1, 1968 [1929], p. 232).La pleine terre coïncide avec la nouvelle lune. (...) Le clair de terre, beaucoup plus intense que le clair de lune, est suffisant pour rendre visible la partie du sol lunaire qui ne reçoit pas l'éclairement direct du soleil (Danjon, Cosmogr., 1948, p. 215):
1. Il fallut plusieurs siècles de recherches en Mécanique pour étayer l'hypothèse du mouvement de la Terre sur elle-même et autour du Soleil et prouver ainsi que Copernic (et avant lui Aristarque) avaient raison contre « l'évidence ». En effet, l'un des arguments opposés par le bon sens à cette hypothèse était que si la Terre tournait, les habitants le sentiraient! Kourganoff, Astron. fondam., 1961, p. 7.
SYNT. Étude, sciences de la Terre; origine, âge, histoire de la Terre; axe, masse, diamètre, rayon (polaire, équatorial), pôle, orbite, croûte, noyau de la Terre; champ électrique, magnétique de la Terre; champ de gravité de la Terre; force d'attraction de la Terre; constitution, forme de la Terre; climat de la Terre; satellites tournant autour de la Terre; système Terre-Lune, Terre-Soleil.
Expr. Et pourtant, la terre tourne; cela n'empêche pas la terre de tourner. [Pour exprimer que rien ne peut arrêter le cours des événements] Vous pensez qu'un tremblement de terre en Nouvelle-Guinée n'empêche pas la vigne de pousser en France, les fromages de se faire et la terre de tourner (Prévert, Paroles, 1946, p. 16).Voici deux jours que je l'ai sur le dos et qu'elle n'a pas arrêté de me raconter des horreurs sur son mari. Dire qu'il y a des femmes pareilles et que la Terre tourne! (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 51).
P. anal. Planète, corps céleste semblable à la Terre. L'univers est peut-être alors comme un énorme dossier où chaque feuille est un monde analogue à celui que nous connaissons, avec ses étoiles, ses lunes et ses terres (Gds cour. pensée math., 1948, p. 140).Anaxagore fut traduit devant les juges pour avoir soutenu que la Lune était une Terre semblable à la nôtre et le Soleil une pierre incandescente (Astron., 1962, p. 11 [Encyclop. de la Pléiade]).
B. −
1. Milieu physique où l'homme vit et exerce ses activités, où existent différentes formes de vie.
a) Surface du globe terrestre. Description, exploration de la terre; représentation de la terre par la cartographie; parcourir la terre; faire le tour de la terre; les habitants de la terre. La terre entièrement reconnue, explorée, équipée, je dirai même entièrement appropriée (Valéry, Variété III, 1936, p. 196).La séismologie a montré qu'en plus des tremblements de terre dont les foyers se situent dans l'écorce terrestre, au voisinage des côtes et des fosses océaniques, il existe sous les continents des foyers allant jusqu'à 700 km de profondeur (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 497).
Expr. (liées à la représentation plane du globe). Au bout, aux confins, aux extrémités de la terre. Très loin. On est étonné quand on entre à Londres dans les habitations où siègent les directeurs de ces établissements dont le poids se fait sentir au bout de la terre (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 114).Aux deux bouts, aux deux extrémités de la terre. Très éloigné. Vous étiez plus loin l'un de l'autre que deux exilés aux deux bouts de la terre, séparés par le monde entier (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 357).D'un bout à l'autre, aux quatre coins, à tous les coins de la terre. Partout. Il ira séduire les nations qui sont aux quatre coins de la terre et les rassemblera pour la guerre contre les saints (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 338).
b) Séjour de l'homme. Synon. monde1.Julien fut saisi d'une envie démesurée de purger la terre d'un de ses plus lâches coquins... (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 388).Moi, je suis syndicaliste-socialiste, commença-t-il. Je suis citoyen de la terre. Camarade Soleil brille pour tout le monde (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p. 146).
Locutions
Remuer ciel* et terre.
Les grands, les princes, les puissants, les rois... de la terre. Ceux qui ont le pouvoir, tous les avantages. Tel est le cantique des modernes pauvres, à qui les heureux de la terrenon satisfaits de tout posséderont imprudemment arraché la croyance en Dieu (Bloy, Journal, 1892, p. 66).S'il parlait souvent d'une façon vague de ce que l'on appelle les grands de la terre, c'était avec la modestie qui sied lorsqu'on parle de soi (Radiguet, Bal, 1923, p. 30).Les déshérités, les damnés de la terre. Ceux qui n'ont rien. V. damné ex. 4.
Les enfants, les fils de la terre. Les hommes. Les Enfants de la Terre veulent actuellement que la Philosophie aide les hommes à s'enrichir (Nizan, Chiens garde, 1932, p. 167).Du fond du monde accourez tous (...), Libres pour cette extrême guerre! Les dieux grondent: Fils de la Terre. Peuples innombrables, Marteaux, Debout!... (Muselli, Ballades contradiction, 1941, p. 113).
Sur la terre, sur terre. Au monde, dans le monde. J' suis seule sur la terre, M'sieu... j' n'ai personne à qui parler... personne à qui compter mes ennuyances... Je n'ai pu d' père, pu d' mère, ni frère, ni sœur, personne! (Maupass., Contes et nouv., t. 2, R. Prudent, 1886, p. 644).On finit par oublier qu'il existe d'autres choses sur terre, dit Louis (...): « Des choses qui s'appellent la beauté, la poésie, la vérité (...) » (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 252).Nom abstr. + venu sur terre.Incarné. N'a-t-il pas dit à madame Roguin qu'il ne m'avait jamais fait d'infidélité, même en pensée. C'est la probité venue sur terre, cet homme-là (Balzac, C. Birotteau, 1837, p. 7).
[Dans des tournures hyperboliques pour renforcer un superl. rel., un coll.]
Le plus + adj. + de la terre, que la terre ait porté.L'homme le plus heureux de la terre; la plus charmante femme de la terre; la plus belle chose de la terre. C'était le plus grand menteur de la terre (Goncourt, Journal, 1887, p. 640).Compréhensif et magnanime, tel est le caractère officiel de la plus grande loque de père que la terre ait portée (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 173).
Tous les, toutes les + subst. + de la terre.Ces deux misérables qui avaient toujours dormi sur la paille, mangé du pain noir, travaillé comme des bêtes, souffert toutes les misères de la terre, allaient mourir! (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Mis. hum., 1886, p. 651).La tortue, ce mets recherché par tous les gourmands de la terre (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 128).En partic. [Dans une tournure nég. pour exprimer que rien ne pourra changer les faits] En supposant un revers en Espagne, nous avions une révolution en France, et tous les Cosaques de la terre ne nous auraient pas sauvés (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 144).Enfin tous les alibis de la terre ne prévaudront point contre ceci: que lady Falkland et Cernuwicz se sont vus (Farrère, Homme qui assass., 1907, p. 342).
[Pour exprimer une totalité, un haut degré] Verbe + la terre entière.Voilà ce qui, pour moi, vaut la terre entière. Il tira deux portraits (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 162).Subst. + de la terre entière.L'odeur pointue de la poudre et du soufre nous restait comme pour tuer les punaises et les puces de la terre entière (Céline, Voyage, 1932, p. 23).
c) P. méton. L'ensemble des êtres humains; l'humanité entière. Régner sur toute la terre; soumettre toute la terre; être connu, craint de la terre entière; avoir la terre à ses pieds. Le règne de Marie-Louise a été fort court, disait l'Empereur; mais elle a dû bien en jouir; elle avait la terre à ses pieds (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 414).Celui qui, du haut de la montagne, cria vainement à la terre inattentive: « Tu ne tueras pas. Tu ne jugeras pas » (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 112).
Le ciel et la terre. Les dieux, Dieu et les hommes. Défier le ciel et la terre. Héraklès ramène Prométhée dans l'Olympe et réconcilie la terre et le ciel (L. Ménard, Rêv. païen, 1876, p. 70).Gervaise trouvait honteux qu'une femme de cet âge, ayant trois enfants, fût ainsi abandonnée du ciel et de la terre (Zola, Assommoir, 1877, p. 522).
Attester le ciel et la terre; prendre le ciel et la terre à témoin. La Guillaumette dut prendre le ciel et la terre à témoin de sa bonne foi, sortir la croix et la bannière et en appeler à Croquebol. (..) Bout (...) finit par être convaincu (Courteline, Train 8 h. 47, 1888, p. 138).Leurs plaidoyers différaient comme leurs tempéraments. L'un d'eux fut tragique, grandiloquent, il attesta le ciel et la terre (Vogüé, Morts, 1899, p. 293).
À la face du ciel et de la terre. Au grand jour; ouvertement. Tirer la chose au clair, par-devant un tribunal de justice, tenu à la face des cieux et de la terre (Marat, Pamphlets, Relation fid. affaires Nancy, 1790, p. 251).
Exclamations
Terre et ciel/cieux! Synon. plus cour. ciel!Mais, terre et ciel! qu'a donc cette union de si fatal? Dites-moi ce qui vous rend si farouche? (Borel, Champavert, 1833, p. 145).Seule, une tenture de velours cramoisi lui barrait encore le passage. Y toucher, à celle-là, terre et cieux! il n'osait pas (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 367).
Au nom de la terre. [Calqué sur au nom du ciel avec l'idée de revenir aux choses plus concr.] Au nom de la Terre, un peu de bon sens et de sincérité! (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 241).
2. Monde matériel, imparfait qui est le domaine de l'homme durant son existence, s'opposant au monde divin ou à l'univers spirituel; p. méton., la vie terrestre, temporelle. Terre corrompue; terre de perdition; la terre des hommes; élever de la terre au ciel. Sur le thème plastique de la danseuse posée en arabesque, on pourrait faire des variations symboliques à l'infini; tant de choses s'y retrouvent: attachement à la terre et nostalgie du cielDionysos et Apollon,(...), spiritualisation, par le miracle de la danse, de la matière libérée de sa pesanteur (Lifar, Traité chorégr., 1952, p. 156):
2. Le dévôt superstitieux laisse la route de la réalité, de la vie, de la nature, à l'athée; et celui-ci la bouche et la barre, lui refusant toute projection vers l'infini. La terre ainsi comprise devient pour l'athée le fini absolu, le fini sans communication avec l'infini. P. Leroux, Humanité, 1840, p. 226.
Locutions
Le maître, le créateur du ciel et de la terre. Dieu. Le Dieu de la métaphysique n'est qu'une idée; mais le Dieu des religions, le Créateur du ciel et de la terre, le Juge souverain des actions et des pensées, est une force (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 99).
De la terre, de cette terre (loc. adj.). Qui appartient, qui est propre à notre monde matériel. Synon. terrestre.Intérêts, passions, joies, choses de la terre. Dieu, ma chère sœur, vous a donné des richesses, il pourrait, par exemple, vous les retirer!... mais tous les biens de la terre ne sont rien, et Dieu, en nous les enlevant, nous délivre de la servitude du péché (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 145).On ne peut pas être heureux sans faire du mal aux autres. C'est la justice de cette terre (Camus, État de siège, 1948, 3epart., p. 289).
Royaume de la terre. La société humaine. Celui qui n'a pas cru en mon Père, celui-là n'entrera pas dans le royaume des cieux. Celui qui n'a pas cru en sa mère, celui-là n'entrera pas dans le royaume de la terre. Toute foi me semble une duperie, toute autorité un fléau, toute tendresse un calcul (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 274).
Être, tenir de la terre; avoir qqc. de la terre. Avoir les caractéristiques de notre monde matériel. La merveilleuse sérénité du visage de Morhange se fit alors telle que je ne vis plus son interlocutrice. Il n'y avait plus rien de la terre dans ce visage transfiguré (Benoit, Atlant., 1919, p. 262).On ne gouverne pas un État avec pour seule arme le chapelet. Un pape est du ciel et de la terre (...). Dieu est loin, (...) et les hommes sont proches, terriblement proches (Montherl., Malatesta, 1946, iii, 5, p. 500).
Sur (la) terre, sur cette terre. Ici-bas. Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. Elle espérait que la voix de ces messieurs, plus autorisée que la sienne, que les conseils de leur vieille expérience éclairée... ramèneraient à des idées plus saines et plus pratiques... On n'est pas sur la terre pour s'amuser!... (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 15).Ah! Ah! la belle avance de vous priver sur la Terre si c'est dans l'espoir de vous rattraper au Paradis! (Salacrou, Terre ronde, 1938, iii, 1, p. 232).
[Dans des expr. évoquant l'idée d'un monde futur meilleur] Règne céleste sur la terre; aménagement du royaume de Dieu sur terre; paradis sur (la) terre. Cette société idéale que les chrétiens appellent le règne de Dieu sur la terre, cette république fraternelle que nous voulons fonder (L. Ménard, Rêv. païen, 1876, p. 163).La religion révolutionnaire (le socialisme) promet d'installer le ciel sur la terre. On aura la justice sur la terre (Barrès, Cahiers, t. 5, 1907, p. 115).
[Dans des expr. évoquant l'existence temporelle de l'homme] Passer sur la terre; temps à vivre sur la terre. Jamais, depuis que je suis sur la terre, pareil dégoût des hommes ne m'avait étouffé! (Flaub., Corresp., 1872, p. 433).Pendant son passage sur terre il est permis à l'être humain de ne pas perdre la communication avec le monde spirituel qui est son monde véritable (Durry, Nerval, 1956, p. 154).[Pour évoquer la mort] Vivre seule, toujours seule; jamais aimée! Ô mon Dieu, ne le permettez pas! Retirez de la terre la pauvre Ourika! (Duras, Ourika, 1824, p. 123).Quand Béatrix quitta la terre, dans tout l'éclat de sa jeunesse et de la virginité, il la suivit par la pensée dans ce monde invisible dont elle était devenue l'habitante (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p. 67).
[Dans des expr. évoquant la réalité p. oppos. à l'univers spirituel, intellectuel, au rêve] Avoir les pieds sur (la) terre; ramener, rappeler, retomber sur (la) terre; tomber du ciel sur la terre; se dégager de la terre; perdre terre; être retenu à la terre; tenir à la terre. Aussi Socrate, en combattant les sophistes, en couvrant de ridicule leurs vaines subtilités, criait-il aux Grecs de rappeler enfin sur la terre cette philosophie qui se perdait dans le ciel (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p. 50):
3. ... considérons un Descartes ou un Pascal. Nous les voyons toujours qui cherchent terre. Car les pensées de tête sont un peu trop ce qu'elles veulent; et le pouvoir de combiner, qui donne tant de plaisir aux médiocres, lasse bientôt les maîtres. Ils cherchent donc la terre du pied, et relient leurs plus hautes pensées à leurs plus petites misères, afin de faire penser le corps aussi... Alain, Beaux-arts, 1920, p. 233.
II. − Couche superficielle du globe non recouverte par les mers, les océans.
A. − [P. oppos. à la mer (parfois à un lac, un fleuve) et à l'atmosphère]
1. La partie émergée de la croûte terrestre, les continents et les îles. Concentration des terres dans l'hémisphère nord; physionomie des terres émergées à une époque; relèvement des terres lors des transgressions; direction terre-mer, mer-terre des vents; courir les terres et les mers; combattre sur terre et sur mer; langue de terre s'avançant dans la mer. Le dieu qui peuple l'air d'oiseaux, la terre d'animaux, les ondes de reptiles (Volney, Ruines, 1791, p. 21).Chaque semaine, un grand oiseau blessé, une mouette ou un corbeau, venant du large ou de la terre, se faisait prendre (Queffélec, Recteur, 1944, p. 100).
[P. oppos. à de mer, de l'air] Armée, forces de terre. Armée, forces, puissance qui est/sont destinée(s) à combattre sur terre. Les forces navales françaises libres (...) se présenteront devant Beyrouth dès que les forces de terre auront franchi le col de Sofar (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 394).[P. méton.] Le Surcouf est en route pour vous rejoindre. Plusieurs officiers de terre également (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 522).
[À propos de voies de commun. et, p. méton., de transp., de véhicules] La jeune École (...) se tourne vers l'Orient, vers les pays de grand soleil, dont toutes les routes de terre et de mer conduisent en Grèce (Lemaitre, Contemp., 1885, p. 143).L'intense circulation routière de la fin du Moyen Âge explique que la voie de terre ait été préférée à la route d'eau, si couramment utilisée pendant l'Antiquité (P. Rousseau, Hist. transp., 1961, p. 73).
Par (voie de) terre. Par la route. Aller aux Indes par terre; transport par terre; voituriers par terre et par eau. Autant dire à un homme qui aurait dépensé tout son avoir à gréer un bâtiment: « Faites le voyage par terre » (Karr, Sous tilleuls, 1832, p. 185).Notre mer offre un bassin bien circonscrit dont un point quelconque du pourtour peut être rejoint à partir d'un autre en quelques jours, au maximum, de navigation en vue des côtes et, d'autre part, par voie de terre (Valéry, Variété III, 1936, p. 247).
[Dans le lang. des marins en partic.]
Loc. verb. Chasser, chercher la terre. Essayer de la découvrir. Apercevoir la terre. Perdre terre. Perdre de vue la terre. Raser, côtoyer, ranger, élonger la terre. Naviguer près des côtes. Mettre cap à terre, gagner la terre, tirer un bord à terre. S'en approcher. Aller, descendre à terre. Quitter le bord. Prendre terre. Aborder. Aller à terre avec une longue-vue. ,,Rester à bord, le navire étant au mouillage`` (Gruss 1978).
Loc. nom.
Mise à terre. Débarquement. Des paquebots « trans-Manche », aménagés en transports d'infanterie (...) et porteurs de chaloupes de débarquement pour la mise à terre de ce personnel (Le Masson, Mar., 1951, p. 53).
Brise, vent de terre. Brise, vent qui souffle de la terre vers la mer. Quand le seul empêchement vient du vent de terre, notre navire doit l'avantage surtout à l'étendue de ses nageoires (Maizière, Nouv. archit. nav., 1853, p. 64).Comme celui qui se dévêt à la vue de la mer, comme celui qui s'est levé pour honorer la première brise de terre (Saint-John Perse, Exil, 1942, p. 218).
Homme, équipe, bordée de terre. Homme, équipe qui travaille à terre. Les buissons touffus des mâtures de la flotte atterrie dépassaient le quai. Les hommes de terre halaient avec moins de peine, aidés par l'eau plus haute qui rapprochait d'eux les bateaux (Hamp, Marée, 1908, p. 21).
Gens de terre. Ceux qui vivent à terre, ne sont pas marins. Laver le pont quand les lames déferlent dessus, cela semblerait une opération très insensée à des gens de terre (Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 148).
La terre ferme. Le continent (v. aussi infra II C 1 a). Les îlots sur lesquels avaient été déposés par les pirates eux-mêmes un germe de villes, entrèrent en contact avec la terre ferme et s'y rattachèrent même artificiellement (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 170).Vers 1625 avant J.-C., la civilisation minoenne de la Crète fut transplantée sur la terre ferme; ainsi se forma la civilisation dite mycénienne (Haddon, Races hum., trad. par A. Van Gennep, 1930, p. 119).
[Dans des nom géogr.] Terre-Ferme. ,,Amérique du Sud espagnole du xvieau xviiies.`` (Lar. encyclop.). Les productions les plus communes du Mexique, du Pérou, du Brésil, de la Guiane, de la Terre-Ferme d'Amérique et des îles innombrables qui avoisinent leurs rivages (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 295).États de Terre(-)Ferme. Provinces de la République de Venise en Italie péninsulaire. Je dictais le passage sur la Venise de terre ferme (Du Bos, Journal, 1927, p. 181).
La grande terre. Continent, île importante. De l'autre côté des lagunes, c'était la grande terre (Mille, Barnavaux, 1908, p. 95).Sous divers prétextes, et parfois, sans prétexte, ils demandaient une barque pour les conduire au continent et, quitte à être malades pendant la traversée, ils gagnaient la grande terre, d'où ils ne revenaient qu'au bout de plusieurs jours (Queffélec, Recteur, 1944, p. 16).
L'intérieur des terres (p. oppos. au littoral). Il est avantageux, pour réduire les frais de transport que les ports soient situés le plus loin possible à l'intérieur des terres (M. Benoist, Pettier, Transp. mar., 1961, p. 183).
Par les terres. Par l'intérieur des terres. Nous étions descendus en Armagnac par les terres. M. Rezeau se laissa convaincre de remonter par les côtes (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 159).
Exclam. Terre! [Cri de la vigie qui aperçoit la terre] Le matelot de vigie cria: « Terre à bord! » Déjà? dit Benoît en montant sur son banc de quart.Je ne me croyais pas si près des côtes (Sue, Atar-Gull, 1831, p. 4).P. anal. Une voix forte se fit entendre: « Terre! Terre! » Le ballon (...) avait, depuis l'aube, franchi une distance considérable (...) et une terre assez élevée venait, en effet, d'apparaître (Verne, Île myst., 1874, p. 6).P. métaph. Où est le temps où j'entendais une voix en moi crier « Terre » dès que tu apparaissais (Camus, État de siège, 1948, 2epart., p. 259).
ZOOL. Courlis de terre. Œdicnème. V. ce mot ex.
2. Une île, des îles, une partie du continent. L'aspect de Longwood ne saurait être agréable qu'au voyageur fatigué d'une longue navigation, pour qui toute terre a des charmes (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 252).Il fallait, coûte que coûte, marcher droit contre le vent, à cause de terres douteuses qui pouvaient être là, derrière nous (Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 131).
MAR. Terre de beurre. ,,Nuage voisin de l'horizon donnant l'illusion d'une terre`` (Gruss 1978). Terre sous le vent. ,,Terre vers laquelle souffle le vent`` (Gruss 1978).
B. − Partie limitée de cette surface.
1. Contrée, pays, région déterminée, considérée du point de vue de certaines de ses caractéristiques. On chasse nos frères, s'écrièrent les enfans de Mahomet: on outrage le peuple du prophète! des infidèles occupent une terre consacrée, et profanent les temples de l'Islamisme (Volney, Ruines, 1791, p. 80).Sa pensée, un moment, s'égara vers ces terres lointaines qu'il ne verrait jamais, l'Azaouad, le Tafilalet, l'Iguidi, là-bas, dans les profondeurs du désert (Psichari, Voy. centur., 1914, p. 46).Ce bonnet était pour elle quelque chose d'infiniment précieux (...), peut-être comme emblème du village, comme symbole de la patrie, comme insigne des filles d'une terre adorée (A. France, Pt Pierre, 1918, p. 222).
SYNT. Terre exotique, australe, boréale; terre de culture, de forêts, de pâturage; terre de la liberté, de l'honneur; terres de mission; la terre d'Afrique, de France, d'Irlande, de Bretagne; terre autrichienne, française, italienne, polonaise; conquérir une terre.
Terre nouvelle. Terre que l'on découvre. Au XVIesiècle, là fut la pépinière des plus entreprenants découvreurs de terres nouvelles (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 375).P. métaph. On ne découvre pas de terre nouvelle sans consentir à perdre de vue (...) tout rivage. Mais nos écrivains craignent le large; ce ne sont que des côtoyeurs (Gide, Faux-monn., 1925, p. 1214).
Terre inconnue. Terre qui reste à découvrir. Des hommes intrépides (...) avaient reculé pour l'Europe les bornes de l'univers, lui avaient (...) ouvert des terres inconnues. Gama avait pénétré dans l'Inde (...) Colomb (...) avait atteint ce monde jusqu'alors inconnu, qui s'étend entre l'occident de l'Europe et l'orient de l'Asie (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p. 121).P. compar. Si mes premières années sont en arrière de moi comme une terre inconnue, ce n'est pas par une défaillance fortuite de la mémoire et faute d'une exploration complète: il n'y a rien à connaître dans ces terres inexplorées (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p. 399).
Terre natale, maternelle, paternelle. Pays, région d'origine. Émigré malgré lui, jamais il ne la fit contre nous [la guerre], sachant trop ce qu'il devait à la terre natale, et qu'on ne peut avoir raison contre son pays (Courier, Pamphlets pol., Réponses aux anon., 1, 1822, p. 152).À voir quelle douleur minait à la longue un homme toujours séparé de la terre maternelle, je me sentis une grande hâte de connaître et d'adorer la mienne (Vigny, Serv. et grand. milit., 1835, p. 179).Cette vieille tradition: défendre la terre de nos morts, accomplir la destinée de notre pays (Barrès, Cahiers, t. 11, 1917, p. 268).
Terre étrangère, d'exil. Terre où l'on n'a pas ses racines. Oh! mon Roi! Vous que j'avais vu sur la terre étrangère, je vous ai revu sur cette même terre où vous alliez mourir! (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 289).Un mort, cela ne peut plus souffrir: qu'importe désormais si son séjour en terre d'exil se prolonge plus ou moins? (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 241).
Terre(-)Sainte. La Palestine. Synon. terre promise*, terre de promission*.Il était très heureux (...) d'être enveloppé à son dernier soupir et enseveli dans le manteau qu'il avait rapporté de son pèlerinage en terre sainte, et qui avait touché le Tombeau (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 308).Sur un petit point du globe, l'extraordinaire aventure palestinienne, l'effort héroïque de pionniers qui tentent de rendre la vie à la Terre-Sainte, la terre historique et légendaire (Weill, Judaïsme, 1931, p. 6).
HIST. JUIVE. Terre de servitude. L'Égypte. Comme le peuple d'Israël dans la terre de servitude: Nous crions vers vous, Seigneur (Lamennais, Paroles croyant, 1834, p. 182).
[Dans des nom géogr.] Terre-de-Bas, Terre-de-Haut (archipel des Saintes); Basse-Terre, Grande-Terre (Guadeloupe); Terre-Neuve, Terre de Baffin (Canada); Terre Adélie, Terre de Graham, Terre de la reine Maud (Antarctique). Vers le milieu du Secondaire la bordure américaine du Pacifique se soulèvera, des Aléoutiennes à la Terre de Feu (Combaluzier, Introd. géol., 1961, p. 151).Ces services météorologiques sont implantés dans les départements et territoires ci-après: Antilles-Guyane, Réunion (...), terres australes et antarctiques françaises (Amsterdam, Crozet et Terre Adélie) (Météor. fr., 1963, p. 14).
Un coin de terre. Région, petite partie d'un pays. Jacques était partagé entre la joie de ramener son frère (...) et le regret d'abandonner ce coin de terre. Il avait connu chez les Soudanais un sentiment inéprouvé (Vogüé, Morts, 1899, p. 268).
2. Étendue délimitée, considérée comme un bien, généralement exploitée. Synon. domaine, propriété* foncière.Vivre dans une terre avec Madame de Chasteller et faire produire à cette terre les douze ou quinze mille francs nécessaires à notre luxe modeste! (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 368).Tous ses revenus passaient en achats de terres; c'est ainsi qu'il en était arrivé (...) à reconstituer dans son intégrité l'ancien domaine de La Seiglière (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 76).
Nom de terre. Beaucoup de familles nobles abandonnent leur patronyme pour ne porter que le nom de terre, le fief étant par définition le signe de la possession féodale (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 737).
SYNT. Acheter, acquérir, affermer, démembrer, exploiter, partager, tenir une terre; posséder une/des terre(s); confisquer, remembrer des terres; vente des terres des émigrés; se retirer, vivre (retiré) dans ses terres; bail, revenu, produits d'une terre; une terre de n hectares, de n francs; une belle, une bonne terre; une terre magnifique.
En partic. Partie d'un domaine en cultures. Son héritage était en propriétés, des terres, des prairies, des bois, des fermes (Zola, Nana, 1880, p. 1455).
[Avec déterm. évoquant le possesseur, le régime de propriété] Terre du roi, d'un prince, des Rohan, d'évêché; terre impériale, seigneuriale, ecclésiastique, communale, des communaux. L'égalité est le principe de l'art de l'agri mensor romain. S'il ne partage d'abord que les terres patriciennes, c'est qu'alors il n'y a point d'autre propriété (Michelet, Journal, 1831, p. 79).Avec la féodalité disparurent la distinction entre terres nobles et terres roturières, la hiérarchie des fiefs et leurs coutumes (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p. 556).
Terre allodiale, bénéficiaire, franche, salique. Les cultivateurs conservaient libres les terres qui leur avaient été concédées et qu'on appelait terres de franc-alleu (Nerval, Filles feu, Angélique, 1854, p. 553).Celui qui tient en héritage, sur terre de main-morte, la dernière héronnière (Saint-John Perse, Exil, 1942, p. 227).
[Avec déterm. évoquant l'orig.] C'est là, dans cette terre familiale, que s'était retiré le lieutenant Jacquemin (R. Bazin, Blé, 1907, p. 128).Quand il avait pris possession de la terre ancestrale, puis à la naissance de son fils, un sentiment de durée, de plénitude, l'avait pénétré (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 94).
Proverbe, vieilli. Abandonner la terre pour le cens*. Qui terre a, guerre* a.
Expr. Chasser* sur les terres de qqn.
C. − Étendue quelconque de la surface solide du globe. Synon. sol1, terrain.
1.
a) Sol considéré dans sa nature, son aspect, sa consistance. Terre blanche de neige, boueuse, durcie, gelée, glissante, inondée; la terre gèle, boit, frémit, s'ouvre, rayonne, croule, se dérobe sous les pas. Elle s'écrase contre le sol, elle sent sur sa poitrine et sur ses joues l'âcre fraîcheur de la terre (Bernanos, Joie, 1929, p. 683).Loess des grandes terres jaunes de la Chine (Brunhes, Géogr. hum., 1942, p. 134). De l'autre côté du Rhône (...) il y avait de la terre vallonnée et des vergers (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 213).
Terre basse. Plaine, vallée. La terre de la Louisiane étant basse occasionne en quelques endroits un peu trop de vase (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p. 345).Terre haute. Plateau, montagne. Les hautes terres du Mexique. En face de nous, c'était la rade (...) ceinte par des terres hautes, des collines pareilles à celles qui se dressent au-dessus de la ville (Mille, Barnavaux, 1908, p. 53).
Au fig. La terre manque sous les pas, les pieds. V. manquer II A 2 b.
Terre ferme. Sol qui ne se dérobe pas sous les pas, qui n'est pas marécageux. Malhabile encore à mesurer les distances, ou prenant pour de la terre ferme le flottant tapis de fleurs, elle a perdu pied brusquement (Gide, Symph. pastor., 1919, p. 926).[P. oppos. à l'air] Ce fut également en France, grâce à Ader, que le premier [appareil] plus lourd que l'air quitta la terre ferme (Industr. aéron. fr., 1962, p. 4).Au fig. Terre ferme. Ce qui est solide, sûr. Il y a une heure à attendre encore avant de la questionner, avant de relier cet incident dérobé à la terre ferme de nos conversations, de notre confiance (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p. 175).
b) Sol en tant que support, surface d'appui, niveau de référence, constitué de terre ou de toute autre matière. Baiser la terre; terre de fleurs. Nous sommes les deux vivants faisant tache dans ce lieu illusoire et vaporeux, ce village qui jonche la terre, et sur lequel on marche (Barbusse, Feu, 1916, p. 170).
Loc. verb. Mesurer* la terre. Raser* la terre.
Au fig. Mettre, traîner plus bas que terre. Dénigrer. Sitôt que nous sommes devenus grands, voilà que nous nous rebiffons contre eux [les instincts], que nous les étouffons, que nous les traînons plus bas que terre... Nous ne savons qu'inventer pour les déprécier (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p. 199).J'aimais mieux, tiens, l'autre, ce garçon que tu mets à présent plus bas que terre...Oh! maman!... Un imbécile! (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 16).Mettre plus haut que terre. Idéaliser. Agathe situait Paul plus haut que terre (Cocteau, Enfants, 1929, p. 139).
Soulever de terre. Élever au-dessus du sol. Dans un transport qui toucha les deux mères, la jeune Alphonsine me souleva de terre, me pressa sur son cœur et me couvrit de baisers (A. France, Pt Pierre, 1918, p. 22).Au fig. Mettre dans un état d'exaltation. Ils ne sentaient plus le froid, ces ardentes paroles les avaient chauffés aux entrailles. Une exaltation religieuse les soulevait de terre, la fièvre d'espoir des premiers chrétiens de l'Église (Zola, Germinal, 1885, p. 1380).Ce qui me gonflait, ce qui me soulevait de terre, c'était l'enthousiasmante assurance d'avoir été célestement désigné par l'oiseau. Déjà j'étais enclin à me croire une vocation (Gide, Si le grain, 1924, p. 478).
Reprendre terre, toucher terre. (Re)prendre contact avec le sol. Suspendu par les mains, les jambes ballantes cherchèrent la treille, retrouvèrent son appui rugueux. Il se laissa glisser sans bruit, reprit terre (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 47).Il agitait ses bras courts, comme s'il eût voulu aider l'avion. Celui-ci toucha terre, s'infléchit, accrocha l'extrémité d'un plan et cela sans capoter (Malraux, Espoir, 1937, p. 478).
Au fig. Ne pas toucher terre. Perdre contact avec la réalité. Capus ne touche plus terre. Il marche à dix centimètres, au moins, du sol. Il fait pour Micheau une pièce qui passera dix jours après La Veine (Renard, Journal, 1901, p. 646).Perdre terre. Même sens. Les flots de sensations nouvelles produites par un succès si étonnant faisaient un peu perdre terre au bon sens de M. Leuwen (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 312).
Bas de terre, près de terre. [En parlant d'un animal] Ayant des pattes courtes. D'admirables chevaux paissent là, partout, de ce modèle appelé hunter, massif, ramassé, près de terre, à l'ossature carrée (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 181).Haut de terre. Élevé au-dessus du sol. Le longiligne est étroit dans l'ensemble, avec des membres très longs et un tronc démesurément court. À quatre pattes, il est « haut de terre » comme le lévrier (Mounier, Traité caract., 1946, p. 216).
À fleur de terre; à/au ras de terre; à rase terre, rez de terre, rez-terre. Au niveau du sol. Tout au bout de cette allée vous rencontrerez un puits à rase terre (Borel, Champavert, 1833, p. 218).La souche devra par ailleurs être recépée rez-terre pour faciliter l'affranchissement des rejets (Cochet, Bois, 1963, p. 130).
À terre, par terre. Sur le sol. À genoux par terre; écouter l'oreille à terre; frapper un homme à terre. À terre, il y avait, comme dallage, des carreaux blancs et roses (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 653).On apercevait, par terre, des programmes froissés, des tickets de métro (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 263).Ventre* à terre. À plate terre. V. plat1II B 2 b.
[Avec des verbes indiquant une position, un mouvement] L'éclatement formidable d'un obus le jeta par terre (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 65).Il me sembla que la respiration me manquait, je vis tournoyer la maîtresse de classe et sa petite tribune, et je glissai doucement du banc à terre (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 103).
SYNT. (Se) coucher à/par terre; s'allonger, s'étendre par terre; étendre, poser qqc. à/par terre; étaler des choses par terre; assis à/par terre; accroupi par terre; jeter, laisser/faire tomber qqc./qqn à/par terre; rouler, tomber (de tout son long) à/par terre; se ficher par terre; sauter à/par terre; rideau, robe qui traîne presque à/par terre; mettre pied, genou à terre; pendre jusqu'à terre.
Laver par terre. Laver le sol. C'est moi qui fais tout! Malgré l'état où vous me voyez!... Je me décarcasse! Je lave par terre! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 490).
Regarder à terre. Loc. adj. Regard, œil, nez à terre. En direction du sol, en baissant la tête. Je bafouillai, le nez à terre (Gyp, loc. cit.). Il avait baissé les paupières et ce fut à lui désormais de tenir ses regards à terre (Vercors, Sil. mer, 1942, p. 69).
Jeter, flanquer qqc. à/par terre. Abattre, détruire. On devait flanquer les vieilles cambuses par terre et faire du moderne (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 624).Être à/par terre. Être détruit. Brest est par terre aujourd'hui et j'ai peine à imaginer la masse énorme de ses décombres (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 57).[En parlant d'un inanimé abstr.] Il vit tous ses plans par terre: faudrait-il donc se contenter d'une simple amitié? Tout semblait remis en question (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 92).Vous flanquez brutalement du premier coup mes déductions par terre (Bernanos, Crime, 1935, p. 844).
Loc. fig.
Avoir, garder les pieds par/sur terre. Être dans le réel, le concret. Mon frère, en ces temps troublés, dans ses plus graves débordements, il gardait toujours un peu les pieds sur terre (...). Il était méditatif, « posé », pensif et sensé (Bayon, Le Lycéen, Paris, Quai Voltaire, 1987, p. 45).
Ses pieds ne touchent plus à terre. Il a perdu contact avec la réalité. Ils avaient oublié le reste du monde, et leurs pieds ne touchaient plus à terre. Tout entiers à la joie de s'aimer, ils commettaient de ces terribles étourderies (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 112).
Ne pas tenir à terre. Ne pas tenir en place par impatience. Charles d'Este ne tenait pas à terre, d'impatience; il grondait, hâtait ses gens (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 208).
À ras de terre. Qui touche au concret, sans grande envergure. En juin dernier, M. André Bettencourt a proposé une série de mesures « à ras de terre » (L'Express, 11 juill. 1977, p. 95, col. 1).
Spécialement
CHASSE. [Le suj. désigne un chien de chasse] Mettre le nez à terre. Suivre la voie. Il pencha la tête et réfléchit comme un limier qui met le nez à terre pour être juste à la voie (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 568).
LUTTE. La plupart des parades de ces différentes prises à terre s'exécutent en fléchissant les bras, en s'écrasant au sol ou en s'allongeant sur le ventre (R. Vuillemin, Éduc. phys., 1941, p. 178).Dans la lutte à terre, c'est-à-dire lorsqu'un des adversaires se trouve à quatre pattes, si l'autre s'empare d'un de ses bras, c'est un ramassement de bras (Comment parlent les sportifsds Vie Lang.1954, p. 375).
DANSE. Depuis l'origine, on distingue deux grandes parties dans la danse: la danse terre à terre ou à terre et la danse d'élévation ou aérienne (Brillant, Probl. danse, 1953, p. 97).
Contre terre. Se prosterner, tomber face contre terre. Il trébucha dans son sabre, et donna du nez contre terre (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 85).L'adjudant s'était couché, l'oreille contre terre et écoutait, les yeux fermés (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 159).
Dans la terre, en terre. Dans l'épaisseur du sol. En Espagne, l'habitat dans la terre est pratiqué à Guadix (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 152).On le plantait alors [le chemin] de ses arbres; ils sont nos contemporains. Nous les avons presque tous aidés à ficher en terre (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 71).
(Mettre) le/un genou, le nez en terre. Vers le sol, sur le sol. Brusquet, le nez en terre et la queue frétillante, indiquait le gibier à son maître (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 181).Ils en aperçurent sept à la file, le genou en terre, l'arme à l'épaule, frappés comme ils tiraient (Zola, Débâcle, 1892, p. 422).
Sous (la) terre. Dans l'épaisseur du sol, au-dessous de la surface du sol. Des galopades, sous la terre ébranlaient les talus sablonneux (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 241).D'énormes racines (...) ont remué et mis au jour deux, trois blocs de pierre d'un monument antique enfoui sous terre (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 105).
Au fig.
Rentrer sous terre. Vivre dans la clandestinité. Le parti communiste et prolétarien, ayant perdu la liberté de la presse et la liberté de réunion (...) fut réduit à rentrer sous terre et à s'organiser en sociétés secrètes (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 35).
Vouloir rentrer/être sous terre. Désirer, disparaître par honte, par gêne. Se plantant droit devant Arcangeli, qui, les yeux baissés et transi, aurait bien voulu être sous terre, il lui dit, d'une voix étranglée de furie:Sortez, impudent coquin! (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 188).Vouloir rentrer/être à six/cent pieds sous terre. V. pied 2eSection I.
Sur (la) terre. Sur la surface du sol. Se coucher, dormir, s'étendre sur la terre. Une pluie douce tombe sur la terre (Lamennais, Paroles croyant, 1834, p. 224).Je couchai cette nuit sur la terre (...), et malgré l'humidité, je dormis bien (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 62).Au fig. Avoir les pieds sur terre. V. pied 1reSection I B 1 c β.
Vers la terre. En direction du sol. Pencher, courber vers la terre; regard vers la terre. L'âge s'accumule et le courbe vers la terre (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p. 210).Mouque et Bonnemort, le nez vers la terre, gardaient au milieu du tumulte un silence de profonde approbation (Zola, Germinal, 1885, p. 1262).
c) ÉLECTR. Le sol en tant qu'il constitue une masse électrique, dont le potentiel est supposé nul; p. ext., tout conducteur relié au sol par une impédance négligeable. En cas de rupture à l'un des fils de ligne (...) on pouvait toujours assurer le fonctionnement avec l'autre fil et la terre comme conducteur de retour (Soulier, Gdes applic. électr., 1916, p. 124).Une valeur anormale [de l'intensité du courant] indique un défaut dans les postes ou la ligne. À l'émission. − Le galvanomètre indique une intensité plus forte: il y a perte à la terre sur la ligne (A. Leclerc, Télégr. et téléph., 1924, p. 129).
Prise de terre. Borne électrique, constituée par une grande surface métallique enfouie dans le sol à une profondeur suffisante pour que l'humidité maintienne la conductibilité (d'apr. Électron. 1963-64). Les appareils de grande puissance et tous ceux qui sont utilisés en milieu humide (...) doivent obligatoirement être reliés à la terre par une prise de terre, afin d'éliminer tout risque d'électrocution (Bonnel-Tassan1966).
Brancher, mettre à la terre. Relier à une prise de terre. À cette heure, la Tour Eiffel envoie ses messages. Si je tendais un long fil de cuivre bien isolé, et si j'en approchais un autre fil mis à la terre, j'aurais peut-être une petite étincelle à chaque onde (Alain, Propos, 1914, p. 181).
2.
a) Étendue de sol meuble où poussent les végétaux, utilisée pour les cultures (v. aussi infra III A). Aurelle (...) admirait les bois, les calmes villages, le poil jaunissant de la terre (Maurois, Sil. Bramble, 1918, p. 251):
4. ... il prenait de plus en plus sur sa gauche, il se serrait à la chaîne qu'il venait de franchir (...); − dans de la rocaille et des neiges, puis de la glace, puis des cailloux; puis la terre a recommencé à se montrer, la terre a recommencé à être d'une belle couleur verte dans les pâturages... Ramuz, Gde peur mont., 1926, p. 200.
SYNT. Terre abondante, aride, appauvrie, avare, boisée, inculte, en friche, fertile, cultivable; bonne terre; la terre fleurit, verdoie, se couvre de fleurs, nourrit les hommes, s'épuise; terre de châtaigneraies; terre(s) à blé, à vigne, à sucre; terre d'élevage, de pacage; terres maraîchères.
La graisse* de la terre.
Les fruits de la terre. Ce qu'elle produit. L'usufruitier d'un domaine recueille, pendant toute la durée de l'usufruit, les fruits naturels ou industriels de la terre, ceux qu'elle produit spontanément et ceux qu'en obtient la culture (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 164).
[Dans des noms de plantes et de racines comestibles] Pomme de terre. V. pomme de terre.Noix de terre. Synon. terre-noix.La noix de terre, la patate sauvage, le capillaire, l'oseille sauvage (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p. 173).
Sortir de terre
[Le suj. désigne un végétal] Apparaître à la surface au cours de la croissance. M. Lorrain (...) vint se mettre à deux genoux devant le jardin pour voir si son oseille sortait de terre (Karr, Sous tilleuls, 1832, p. 235).
[Le suj. désigne un animal] Cet immense bourdonnement des insectes, qui sortent de terre aux premiers beaux jours, se fit entendre pour la première fois à ses oreilles (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p. 48).P. anal. Il surgirait de terre à la station Saint-Paul, dans les parages mêmes du rendez-vous (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p. 215).
P. ext. Apparaître soudain. Ah! c'est cruel, Champavert, de haïr ainsi une femme, et puis de sortir de terre comme un démon, deux ou trois fois l'année, pour venir lui mentir, lui dire qu'on l'aime (Borel, Champavert, 1833, p. 235).
Au fig. Naître, apparaître. Un art hybride et convulsif sort de terre, un peu débile, mais si étincelant d'ardeur qu'il trace d'un élan un sillon ineffaçable (Faure, Hist. art, 1912, p. 272).
Ver* de terre.
Terre vierge. Sol qui n'a jamais été cultivé. Des hommes nouveaux étaient venus, qui voulaient défricher les terres vierges (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 578).P. anal. L'Algérie était donc, au point de vue de la législation des mines, terre vierge (Chardon, Trav. publ., 1904, p. 334).
Terre vague. Terrain non exploité. Presque toutes les concessions faites aux monastères, dans les premiers siècles de l'Église, étoient des terres vagues que les moines cultivoient de leurs propres mains. Des forêts désertes, des marais impraticables, de vastes landes, furent la source de ces richesses que nous avons tant reprochées au clergé (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 540).
En pleine terre. Dans le sol. Dès que la terre se réchauffait, on pouvait voir l'infirme (...) transplanter des pots en pleine terre les boutures ou les plants (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 60).
Terre brûlée*.
Expressions
La terre est basse. Les travaux agricoles sont pénibles. Oh! celui-là, on ne le tiendra pas souvent ici. La terre est trop basse; c'est bon pour nous (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 252).« Qu'est-ce que c'est, la Légion?C'est des régiments où on prend tous ceux qui savent plus où se mettre. Des gars qui trouvent que la terre est trop basse pour travailler » (A. Sylvère, 1950ds Cl. Duneton, Bouquet des expr. imagées, Paris, Éd. du Seuil, 1990, p. 453).
Trouver terre rase et maison nette. Ne rien trouver. Napoléon, arrivant à la souveraine puissance, trouva donc, ainsi qu'on le dit vulgairement, terre rase et maison nette, et put composer une cour tout à fait à son gré (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 396).
[Dans des empl. évoquant le travail de l'homme] Amender, ameublir, biner, cultiver, défricher, labourer, piocher, sarcler la terre; planter une terre de; mettre des plants en terre; rotation des terres; terre abandonnée à elle-même; le dur travail de la terre; servitude du travail de la terre. Il y a entre le paysan propriétaire et la terre qu'il travaille échange de substance et de force (...). L'homme fait la terre et la terre fait l'homme (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 243).Un paysan (...) jette le grain là où il lèvera, et ne dépense pas son effort à ensemencer une terre qui lui rendra des chardons (Aymé, Jument, 1933, p. 24).
Métiers, travaux de la terre. Diverses activités agricoles. Toute l'Antiquité classique distingue comme principaux métiers de la terre le labourage et la plantation (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 135).À l'époque des grands travaux de la terre, pendant la fenaison, la moisson, les vendanges, il allait aux champs avec les siens (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 176).
Remueur de terre. Laboureur. Il songea qu'il avait toujours été seul, que personne dans le monde (...) n'avait aimé le pauvre remueur de terre et faucilleur de blé qu'il était (R. Bazin, Blé, 1907, p. 87).
Carré, planche de terre. Parcelle d'un champ, d'un jardin. Il jeta un coup d'œil aux planches de terre, pour juger de la main du laboureur et du semeur (R. Bazin, Blé, 1907, p. 96).Elle baissa les yeux et vit les carrés de terre, avec leurs semis et leurs jeunes pousses (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 163).
Région. (Canada). Faire de la terre. Défricher le sol pour le cultiver. Nous allons faire de la terre... Faire de la terre! C'est la forte expression du pays, qui exprime tout ce qui gît de travail terrible entre la pauvreté du bois sauvage et la fertilité finale des champs labourés et semés (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 39).
P. métaph. ou au fig. Du peuple il faut toujours, poëte, qu'on espère, Car le peuple, après tout, c'est de la bonne terre, La terre de haut prix, la terre de labour (Barbier, Ïambes, 1840, p. 156).Je vous défie de pénétrer l'essence profonde d'une sonate ou d'un quatuor de Beethoven, si vous n'avez au moins la subcon-science de la tragédie intérieure,de cette terre puissante et chaude, dont la musique est la fleur (Rolland, Beethoven, t. 1, 1937, p. 22).
b) Le sol en tant qu'objet de possession. Acheter de la terre, des hectares, des arpents de terre. Il souligne l'influence du genre de vie des riches. S'ils consomment de la terre (parcs, chasses, chevaux) pour leur plaisir direct, ils éliminent des hommes (Hist. sc., 1957, p. 1607).Dans les régions où la société traditionnelle est le mieux conservée, la possession de la terre demeure la source et le signe de la puissance des grands comme l'objet de la convoitise des petits (Traité sociol., 1967, p. 325).
(Petit) lopin de terre. Les blancs sont arrivés. Et alors ce n'est plus la même chose, il y a eu Tom, Jack, Dick, chacun avec son petit lopin de terre à lui (Claudel, Échange, 1954, i, p. 733).
c) P. méton. Les travaux agricoles, la nature, la campagne. Aimer la terre; la terre manque de bras. Nous allions les regarder avec ma mère, ces drôles de paysans s'acharner à fouiller avec du fer cette chose molle et grenue qu'est la terre, où on met à pourrir les morts et d'où vient le pain quand même. « Ça doit être bien dur la terre! » qu'elle remarquait chaque fois (Céline, Voyage, 1932, p. 121).
Retour* à la terre.
Hommes, gens de la terre. Les paysans, les ruraux. C'est un appel qui vient de Paris, aux travailleurs de la terre!... Après les ouvriers de l'usine on va enrôler les travailleurs de la terre (R. Bazin, Blé, 1907, p. 106).À leur aise... Il faut avoir besogné durement de l'aube à la nuit avec son dos et ses membres pour comprendre ce que cela veut dire; et les gens de la terre sont ceux qui le comprennent le mieux (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 40).
3. Sol où l'on enterre les morts dans de nombreuses civilisations. Pourrir dans la terre. Exultez, avant que l'heure vous rappelle au sein de la terre (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 383).Écoute, Félicité, l'argent et le magasin nous ne l'emporterons pas sous la terre.Bien sûr, qu'elle me dit.Et si nous faisions un petit? (Pagnol, Fanny, 1932, ii, 6, p. 136).
Mettre, porter en terre. Enterrer. Si ma mère (...) ne m'avait pas construit avec solidité, j'étais un homme à mettre en terre (About, Roi mont., 1857, p. 236).Ah! Raboliot, mauvais diable, c'est sûr que tu me porteras en terre! (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 56).
Être dans/sous la terre, retourner à la terre. Être mort, mourir. La grâce adorable des êtres qui, retournés à la terre depuis des siècles, frémissent sur la toile de jeunesse et de vie (Mauriac, Journal 2, 1937, p. 162).Le vieux est depuis bientôt quarante ans sous la terre et c'est lui, Martial, à son tour, le vieux (Bernanos, M. Ouine, 1943, p. 1432).
Terre bénite, chrétienne, consacrée, sainte. ,,Terre préparée par les bénédictions du prêtre à recevoir les corps des fidèles`` (Marcel 1938). Le fantôme resterait là, jour et nuit, autour de l'auberge, tant que le corps du vieux guide n'aurait pas été retrouvé et déposé dans la terre bénite d'un cimetière (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Aub., 1886, p. 1082).Elle s'agenouillait et offrait de donner n'importe quoi pour que son homme, après sa mort, reposât en terre chrétienne (Queffélec, Recteur, 1944, p. 223).Les nains, on en a enterré une bonne douzaine au cimetière du couvent et cela n'a pas été une petite affaire de les faire inhumer en terre sainte; il a fallu d'abord les exorciser (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 156).
4. Sous-sol dont on extrait des combustibles. Les Anglais ont adopté la dénomination de racine latine petroleum. Le mot allemand Erdol correspond à huile de terre (Chartrou, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 3).Charbon* de terre.
III. − Substance formant la partie superficielle du globe.
A. −
1. Matière friable, de composition variable, provenant de la dégradation des roches et de la décomposition des débris végétaux et animaux; au plur., une certaine quantité de cette matière. [Il] ouvrit la boîte; elle contenait du sable grisâtre...C'est la terre de Sainte-Hélène? dit-il religieusement (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 190).La rivière était rouge de terres entraînées par la crue (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1907, p. 301).
SYNT. Terre d'un chemin, d'une allée; extraire de la terre; recouvrir de terre; rejeter la terre dans un fossé; transporter de la terre; enlever des terres; soutenir des terres par un mur; la terre cède sous le pied, s'éboule; être souillé, plein de terre; mains noires de terre; brouettée, charretée, pelletée de terre; couche de terre; motte de terre; monticule de terre; banquette, digue en terre; chemin, levée de terre; sac de terre.
[P. réf. à la Genèse] Il n'est pas d'absurdités que les philosophes modernes n'aient dévorées, plutôt que de supposer l'homme sorti primitivement des mains du créateur, formé dans son corps d'élémens terrestres, puisque son corps se résout en terre, animé d'un esprit non égal, mais semblable à l'esprit divin (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 278).Comme il se voyait exclu de l'assemblée des anges, il ne put soutenir que l'homme, formé de terre, soit élevé à la dignité des anges (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 360).
[Dans les rites funéraires, p. allus. à la mort] Avec une petite pelle, chacun jette dans la fosse un peu de terre, d'une terre qu'un employé des Pompes funèbres tient sur un plateau (Renard, Journal, 1901, p. 697).Cette ombre de ton frère condamnée à errer toujours si on ne jette pas sur le cadavre un peu de terre avec la formule du prêtre (Anouilh, Antig., 1946, p. 177).Que la terre lui soit légère*.
a) Terre + déterm. indiquant un état.Terre meuble, durcie, détrempée. Cette tranchée toute neuve était ourlée de terre fraîche, comme une fosse commune (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 268).Je me suis emparé de la construction tout entière (...). Le tout, gros comme un œuf de pigeon, formé de quatre alvéoles oblongs; en terre dure comme de la brique, ou presque. Chaque alvéole (...) contenait quatre ou cinq araignées assez petites (Gide, Voy. Congo, 1927, p. 770).
b) Terre + déterm. indiquant la nature, la texture liée à une composition particulière.Terre franche. V. franc3.Terre grasse*. Terre lourde*. Terres fortes. V. fort1.Terre froide*. Terre maigre. V. maigre1.Terre légère*.
c) Terre + déterm. indiquant une couleur.Le ruisseau promenait ses eaux vives et limpides entre de hautes berges de terre rouge, dont la couleur décelait la présence de l'oxyde de fer (Verne, Île myst., 1874, p. 107).On pouvait voir les tranchées allemandes: deux lignes minces, l'une de terre brune, l'autre de marne blanche (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 42).
PÉDOLOGIE
Terres noires. Terres riches en humus, très fertiles. Le type le plus classique [des sols noirs] est celui des terres noires de l'Ukraine (Tchernoziom) dont les facteurs génétiques sont un climat continental faiblement acide et très fort en hiver, une roche mère le plus souvent assez riche en calcaire (...), enfin une végétation de steppe dense (Géol., t. 1, 1972, p. 867 [Encyclop. de la Pléiade]).
P. méton. Terre noire. Région de Russie où se trouve ce type de sol. Le prince Galitch est un des plus riches boyards de cette partie de la Russie appelée « Terre noire », féconde entre toutes, placée entre les forêts du Nord et les steppes du Midi (G. Leroux, Parfum, 1908, p. 70).
P. métaph. Des contes de fées allemands (...) composaient un climat de légende qui s'enfouit, avec la légende de ma propre enfance, dans ces terres noires où s'élaborent les végétations du rêve (Béguin, Âme romant., 1939, p. ix).Ce besoin continuel d'établir un contacttrait de caractère primordial du peuple russe (...)a contribué à faire de la terre russe la terre d'élection, la véritable terre noire du psychologique (Sarraute, Ère soupçon, 1956, p. 39).
Terres rouges. Formation argileuse, provenant de la décarbonatation des calcaires dans les climats méditerranéens. Synon. terra rossa (infra rem.).Les terres rouges (terra rossa) fréquentes dans les dépressions des chaînons calcaires du Languedoc et de Provence (...) sont (...) pour une large part des argiles de décalcification. Il s'y ajoute néanmoins presque toujours une fraction détritique importante (Géol., t. 1, 1972, p. 829 [Encyclop. de la Pléiade]).
d) Terre + déterm. indiquant la composition, le constituant le plus remarquable.Terre argileuse, calcaire, ferrugineuse, marneuse, siliceuse; terre d'alluvions; terre glaise. Pour diviser les terres limoneuses, Mariez à leur sol les terres sablonneuses (Delille, Homme des champs, 1800, p. 70).Tu as vu, sous l'éclatement des percutants, cette terre de craie de la Marne entrer en effervescence, comme les encriers où, au lycée, nous jetions un morceau de carbure de calcium (Benoit, Atlant., 1919, p. 81).
Terre d'infusoires. Synon. de kieselguhr.Au cours du temps, on a pris aussi le silex, la terre d'infusoire (farine fossile) pour faire le verre soluble (Cl. Duval, Verre, 1966, p. 39).
2. Cette substance en tant qu'élément propre à la croissance des végétaux, aux cultures. Terre arable; engraisser les terres. L'endroit fut nettoyé, sarclé avec soin, fouillé même, pour en chasser les insectes ou les vers; on y mit une couche de bonne terre amendée d'un peu de chaux (...) puis le grain fut enfoncé dans la couche humide (Verne, Île myst., 1874, p. 187):
5. Il faudra nettoyer au croissant, arracher à la pioche, niveler à la bèche, sarcler et puis passer le soc, et herser, afin d'obtenir une terre souple, ameublie, c'est-à-dire perméable à l'air, ouverte aux agents atmosphériques qui l'imprègnent d'azote, aux myriades d'infiniment petits qui la nitrifient... Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 31.
Terre de bruyère*. Terre végétale. Terre contenant une forte proportion de matières organiques. La berge (...) dépassait de plus d'un mètre la surface du courant. Il y avait, à sa partie supérieure, une bonne épaisseur de terre végétale où on voyait pendre par touffes les racines du chiendent; dessous venait une couche de sable, puis une couche de cailloux (Ramuz, Gde peur mont., 1926, p. 155).
Terre à + subst. désignant une plante.Terre particulièrement favorable à la culture de cette plante. Terre à froment, à betteraves, à vigne. La betterave demande de bonnes terres franches, profondes et fraîches sans être humides. D'une manière générale les bonnes terres à blé sont propres à la betterave (Rouberty, Sucr., 1922, p. 19).
3. Cette substance considérée dans ses emplois artistiques, artisanaux ou industriels.
a) CONSTR. Hutte, maison de terre; terre à pisé. Il était bien tel qu'il l'avait quitté, l'Oustalet, avec ses murs de terre crue et sa toiture de chaume (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 124).Ces matériaux de fortune, pisé ou terre mélangée de paille hachée, terre et cailloux roulés en couches alternantes, limon avec soubassement de silex, loess et entrecroisements de poutres, représentent des combinaisons variées pour suppléer à la pierre de taille (Vidal de Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 162).
Terre battue. Terre foulée, fortement comprimée. Wimbledon peut être considéré comme le championnat du monde de tennis (une compétition sur terre battue porta d'ailleurs, un moment, cette appellation (...)) (Jeux et sports, 1967, p. 1381).
b) CÉRAM., POT. Matière naturelle constituée par différentes argiles; cette matière telle qu'elle résulte du travail du potier. Terre plastique; terre réfractaire; terre blanche, citronnée. [Elles] font, avec une terre (...) aussi fine que celle de la porcelaine, ces jolies poteries d'un beau rouge foncé, et qui n'ont pas besoin d'être vernies (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p. 212).Les fabriques de Moustiers sont de petites entreprises (...). La production de ces manufactures est caractérisée par une terre fine et particulièrement sonore (G. Fontaine, Céram. fr., 1965, p. 48).
Terre + déterm. indiquant son usage principal.Terre à four. Le tuyau destiné à conduire la fumée au dehors donna quelque travail aux fumistes improvisés. Il parut plus simple à Cyrus Smith de le fabriquer en terre de brique (Verne, Île myst., 1874, p. 179).Argiles réfractaires, comme celles de Forges, de Bollène, etc.; très plastiques, blanches, grises, jaunâtres, noirâtres, parfois marbrées, elles constituent, selon leur pureté, la terre à creusets, la terre de pipe, la terre à poteries, grès et à faïences (Lapparent,Minér.,1899,p. 478).
Terre + déterm. indiquant sa provenance.La vaisselle (...) de terre grise de Samadet, dans les Landes, rugueuse au dehors, vernie au dedans (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 159).Il y a un départ très délicat à faire entre les produits de faïence fine de Toul, et les statuettes en terre de Lorraine, qu'elles proviennent de Lunéville ou de Niderviller (G. Fontaine, Céram. fr., 1965, p. 125).
Terre cuite*.
En/de terre (cuite) + éventuellement autre déterm.Façonné en terre. Assiette, cruche, potiche, récipient, ustensile de/en terre (cuite); pipe de terre. Un bouquet de fleurs rares s'épanouissait dans un pot de terre émaillée au milieu d'une petite table (Gautier, Rom. momie, 1858, p. 275).Ces énormes vases de terre vernissée, décorés de relief, comme tatoués, dans lesquels ils mettent l'eau, le manioc (Gide, Voy. Congo, 1927, p. 782).Des sortes de bouteilles en terre cuite très poreuse qu'on utilise dans les pays chauds pour rafraîchir l'eau (Bourde, Trav. publ., 1928, p. 145).
(C'est) le pot de terre contre le pot de fer. V. pot1.
[P. réf. à la couleur de la terre cuite commune] Il avait fait le portrait de sa concierge en passe-boule, couleur terre-cuite (Jacob, Cornet dés, 1923, p. 97).Cet homme à demi couché sur la banquette, en face de moi, là. Sa tête de terre cuite aux yeux bleus (Sartre, Nausée, 1938, p. 161).
P. méton. Objet, ensemble d'objets en terre. Une terre cuite grecque, chinoise. La terre de Strasbourg varie entre un rose plus ou moins ocré et un gris chamois; le décor de son émail blanc laiteux d'une qualité magnifique, consiste en une sorte de lambrequin que Charles Hannong exécute en bleu, mais que Paul Hannong réussit aussi en polychromie (G. Fontaine, Céram. fr., 1965, p. 54).
c) [En peint.] Cette substance colorée naturellement, utilisée comme pigment. Les terres sont obtenues par simple traitement physique des roches de couleurs généralement moins vives que celles des pigments artificiels. Elles sont constituées le plus souvent par des oxydes de fer fixés sur des minéraux voisins des argiles (Peint.1978).
Couleur, teinte qui rappelle la terre (brun, ocre) Déjà Corot, renonçant à la couleur, optait pour les valeurs dont il multipliait les nuances à l'infini (...). Dunoyer de Segonzac et Derain ont repris sa technique, à base de tons rompus (...), avec dominance de terres (Arts et litt., 1935, p. 30-9).Un chromatisme qui glisse peu à peu du bleu le Pont de Chatou 1910 à des terres et des verts relevés de noirs et de blancs livides la Maison à l'auvent 1920 (Dorival, Peintre XXes., 1957, p. 63).
Terre + déterm. indiquant généralement la région dont elle provenait à l'origine, pour désigner une couleur particulière.
Terre d'ombre* ou terre d'Ombrie.
Terre de Sienne (naturelle). Terre de couleur jaune brun, constituée par des argiles colorés par l'oxyde de fer ferrique hydraté et accessoirement du bioxyde de manganèse (d'apr. Peint. 1978). Papier teinté d'une légère couche de terre de Sienne (Goncourt, Journal, 1860, p. 739).
(Couleur) terre de Sienne. Des traces allant de la couleur terre de Sienne naturelle, moins chaude et très claire jusqu'à la terre de Sienne brûlée très puissante et très foncée (Closset, Trav. artist. cuir, 1930, p. 44).Quand on a besoin d'un mur on le trouve toujours, sale, ocre ou terre de Sienne (Malraux, Espoir, 1937, p. 470).
Terre de Sienne brûlée, calcinée. Pigment rouge foncé obtenu par calcination de la terre de Sienne naturelle (d'apr. Peint. 1978). V. supra ex. de Closset.
Terre verte. Terre allant du gris-vert au vert, constituée essentiellement par des silicates complexes colorés par des sels de fer (d'apr. Peint. 1978).
d) [Usages liés au pouvoir absorbant et décolorant de certaines argiles] Dans la fabrication des huiles de vaseline, le traitement alcalin est suivi de traitements à la terre décolorante jusqu'à ce que l'huile soit aussi claire et limpide que de l'eau (Chartrou, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 96).On emploie de plus en plus un filtre formé essentiellement d'une terre claire très fine, la terre de Kieselguhr (Industr. fr. brass., 1955, p. 9).Terre à foulon*.
Terres activées. Argiles ayant subi un traitement à l'acide qui décompose les constituants argileux, solubilise l'alumine et met en liberté la silice amorphe qui possède un grand pouvoir absorbant. La décoloration ou blanchiment se fait surtout par adsorption, sous vide, au moyen de terres naturelles ou mieux de terres activées et de charbons décolorants (Brunerie, Industr. alim., 1949, p. 49).
B. − CHIMIE
1. ALCHIM., CHIM. ANC. Une des quatre substances pures. Pourquoi pas d'autres éléments que le feu, l'air, la terre et l'eau?Ils sont quatre, rien que quatre, ces pères nourriciers des êtres! Quelle pitié! (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Horla, 1886, p. 1119).
Terre noire. Un des constituants de toute substance:
6. ... on fait dériver l'arabe El-Kimyâ (alchimie) du mot égyptien Kêm, terre noire. Cette terre noire ne doit pas, bien entendu, être considérée uniquement sous forme de boue fertilisante des crues du Nil mais, dans la pensée des alchimistes alexandrins, comme la matière originelle à laquelle il s'agirait de ramener tous les métaux avant leur conversion en or. Caron, Hutin, Alchimistes, 1959, p. 116.
Absol. Signes de terre. Les signes du Taureau, de la Vierge, du Capricorne. Un signe appartient en effet à des catégories: il correspond à l'un des quatre éléments traditionnels, air, feu, eau ou terre (Divin.1964, p. 186).
2. CHIM. [Jusqu'au xixes.] Oxyde métallique considéré comme un corps simple avant qu'on ne parvienne à le décomposer, dont les caractères principaux étaient d'être sec, inodore, insipide, insoluble, comme la chaux, la baryte, la strontiane, la potasse, la soude, la magnésie... (d'apr. Nysten 1824). [Davy] réussit à isoler successivement le baryum, le strontium, le calcium et le magnésium. D'autres terres comme l'alumine, la glucine, la silice, résistèrent à ses tentatives, mais il soupçonna la présence d'un métal dans leur composition (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 306).
[Pour désigner des corps ayant une structure partic.] Terre foliée minérale. Acétate de sodium. Terre foliée de tartre. Acétate de potassium. On emploiera les apéritifs les plus doux, tels sont le sel ammoniac, la terre foliée du tartre, le tartre martial soluble (Geoffroy, Méd. prat., 1800, p. 287).V. terbium ex. de J. Chim. Phys.
3. Terres rares. Oxydes d'un groupe de métaux (et, p. ext., ces métaux eux-mêmes) rares sur terre, semblables à l'aluminium pour beaucoup de leurs propriétés, englobant les corps des numéros atomiques 57 à 71, auxquels on adjoint souvent le scandium et l'yttrium. Durant la première partie du siècle, on s'intéressa beaucoup aux éléments des terres rares car leur étroite ressemblance posait un problème chimique assez préoccupant (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 427).
REM. 1.
Terra incognita, subst. fém. inv.Synon. de terre inconnue (supra II B 1).a) Terre non encore explorée. Au temps où l'Afrique centrale était terra incognita, la géographie s'en remettait au récit d'un explorateur unique si celui-ci offrait des garanties suffisantes d'honnêteté et de compétence (Bergson, Deux sources, 1932, p. 260).b) Au fig. Domaine inexploré. Même si l'on ne retient qu'une partie de ce qu'elle avance [la science psychique] comme certain, il en reste assez pour que nous devinions l'immensité de la terra incognita dont elle commence seulement l'exploration (Bergson, Deux sources, 1932, p. 337).
2.
Terral, subst. masc.,mar., météor. ,,Vent de terre et particulièrement, vent du nord-nord-ouest en Méditerranée`` (Villen. 1974).
3.
Terraplane, subst. masc.,transp. Aéroglisseur terrestre. C'est donc avant tout pour permettre aux pays en voie de développement d'assurer les transports terrestres que la technique des aéroglisseurs « terraplane » a été mise au point. Les terraplanes associent le coussin d'air et la roue. Le premier assure la sustentation du véhicule et la roue ne conserve que ses fonctions de propulsion et de guidage. En conséquence le terraplane peut évoluer sur tous les types de terrains (Encyclop. Sc. Techn.t. 11969, p. 174).
4.
Terrarium, subst. masc.Réservoir à paroi de verre, dont le fond est couvert de sable, de terre dans lequel on élève certains animaux: reptiles, batraciens, insectes, et où parfois on cultive des plantes. Chez les grossistes qui commercialisent des plantes d'aquarium, on trouve à la fois ces plantes et des plantes de terrarium (Magazine Aquarium, mai 1986, p. 56, col. 1).Dans sa ferme de Chizé (Deux-Sèvres), Jean-Marie Guérineau s'est lancé dans l'élevage des mygales, (...). Mesurant entre 15 et 20 cm, elles nécessitent un terrarium chauffé à 20oC et des insectes vivants pour nourriture (Ça m'intéresse, avr. 1988, p. 71, col. 1-2).
5.
Terra rossa, subst. fém. inv.,géol. Synon. de terre rouge (supra III A 1 c).Les formes [rocheuses calcaires] du type méditerranéen, avec roche nue, tout au plus accompagnée d'un peu de terra rossa dans le fond de quelques fentes (Géol., t. 2, 1973, p. 86 [Encyclop. de la Pléiade]).
6.
Terrine, subst. fém.,hapax. Petite terre, petit domaine. La famille mange plus de bouillie de marrons que de pain blanc, le papa ménage ses culottes, maman se donne à peine une robe d'hiver et une robe d'été (...). Les choses sont comme cela chez vous, si l'on vous envoie douze cents francs par an, et que votre terrine ne rapporte que trois mille francs (Balzac, Goriot, 1835, p. 120).
Prononc. et Orth.: [tε:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 980 terra « planète du système solaire habitée par l'homme » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 6); 1588 et 1671 remuer* (le) ciel et (la) terre*; 2. déb. xiies. terre « les habitants de la terre » (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, II, 10). B. 1. Ca 980 terra « surface du globe terrestre portant les êtres vivants » (Passion, 328); id. loc. a terra « sur le sol » (ibid., 60); 1160-74 metre a teree « arraser (une forteresse) » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 4503); 1176-81 a terre venir « descendre (de cheval) » (Chrétien de Troyes, Lion, éd. M. Roques, 5663), supplanté par l'expr. metre le pié a terre 1377, v. mettre; 1176-81 par terre « sur le sol » (Id., ibid., 5628); spéc. ca 980 terra « croûte terrestre » (Passion, 322); 1924 électr. prise* de terre; 2. p. oppos. à la mer ca 1050 prendre terre « aborder » (Alexis, éd. Chr. Storey, 80), supplanté par toucher* (la) terre 1623 et 1642; 1539 terre ferme « continent » (Est.); 1671 armée de terre (Pomey, s.v. armée); 1678 vent de terre (Guillet, p. 317); 3. ca 1050 terre « vaste étendue, territoire, pays » (Alexis, 112); ca 1208 Terre sainte d'outremer (Villehardouin, Constantinople, éd. E. Faral, § 27); 4. ca 1050 « étendue de terrain d'un propriétaire, domaine foncier » souv. au plur. (Alexis, 402). C. 1. Ca 1050 « matière constituant la partie superficielle de l'écorce terrestre » spéc. metre an terre « ensevelir » (ibid., 579); 2. ca 1100 désigne la terre du point de vue de ses qualités agricoles terre gaste « terre inculte » (Roland, éd. J. Bédier, 3127); 3. ca 1145 désigne un des éléments tere (Wace, Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 700); 4. ca 1210 « élément où poussent les végétaux » (Herbert Le Duc de Danmartin, Folque de Candie, éd. O. Schultz-Gora, 10306); 1252 fonz de tarre (Reg. cueill. du Temple, fo3 rods Gdf. Compl.); 1690 en pleine terre (Fur.); 5. ca 1150 désigne une matière destinée à certains empl. (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 164); 1536 terre cuite, terre cuycte (Inventaire de Charles Quint ds Havard); 1676 chim. (Charas, Pharmacopée royale, p. 10); 1904 terres rares désigne certains oxydes (Nouv. Lar. ill.). Du lat. terra « globe terrestre », « matière » (pour cultiver ou matière première), « un des éléments », « surface, sol », « continent (p. oppos. à la mer) », « pays, contrée », « territoire appartenant à une personne », « support de la vie terrestre ». Fréq. abs. littér.: 39 142. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 66 532, b) 52 497; xxes.: a) 60 565, b) 45 134.
DÉR.
Terrir, verbe intrans.a) Mar. Arriver en vue de la terre, toucher terre. Synon. atterrir.[Si] le Bonadventure ne subissait pas quelque courant inconnu, il devait terrir juste sur l'île Tabor (Verne, Île myst., 1874, p. 339).b) [Le suj. désigne une tortue] Venir pondre à terre. La saison où les tortues terrissent (Ac.1798-1935). [tε ʀi:ʀ], [te-], (il) territ [-ʀi]. Att. ds Ac. dep. 1694. 1resattest. av. 1620 « arriver près de la terre » (Aubigné, Hist. univ., I, 107, de Ruble ds Gdf. Compl.), spéc. 1690 (Fur.: Terrir. Terme dont les Naturalistes se servent en parlant des tortuës qui vont à terre pondre leurs œufs); de terre, dés. -ir; cf. le m. fr. terir « fouler aux pieds »1488 [éd.] (La Mer des hystoir., t. 1, fo60 h ds Gdf.) et « tomber à terre » 1605 [éd.] (Du Pinet, Dioscoride, préface, ibid.).
BBG.Buyssens (É.). Les N. sing. Cah. F. Sauss. 1973, no28, pp. 25-34; Les N. des corps célestes. Ling. antverp. 1972, t. 6, pp. 17-19. − Dub. Dér. 1962, p. 68 (s.v. terrarium). − HHollyman 1957, pp. 29-32. − Pergnier (M.). Qq. considérations sur l'équivalence sém. R. Phonét. appl. 1983, no66-68, pp. 133-140. − Picoche (J.). Struct. sém. du lex. fr. Paris, 1986, pp. 44-46. − Quem. DDL t. 9, 12, 13, 19, 20, 30.

Wiktionnaire

Nom commun - français

terre \tɛʁ\ féminin

  1. Sol sur lequel nous marchons, sur lequel les maisons sont construites, qui produit et nourrit les végétaux.
    • Derrière, auprès des étables à porcs, entourée d’une portée grouillante, une truie noire fouillait la terre. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 382 de l’édition de 1921)
    • Il lui a fallu remuer bien de la terre pour faire ce jardin.
  2. Sol où l’on inhume les morts.
    • Il y a huit jours que le pauvre homme est en terre, qu’on l’a mis, qu’on l’a porté en terre.
    • Bénir la terre d’un cimetière.
  3. Se dit du sol considéré par rapport à la culture, des diverses natures, des divers aspects qu’il peut avoir.
    • On apportait dans sa cour des cadavres d’animaux, dont il fumait ses terres. — (Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet)
    • Les terres en général sont froides et compactes ; les eaux pluviales s’y infiltrent lentement et les rendent fort humides pendant l’hiver et le printemps ; on les désigne, dans le pays, sous le nom de gruette et de bournais. — (Beauvais de Saint-Paul, Essai historique et statistique sur le canton et la ville de Mondoubleau, 1837, page 20)
    • Mais la terre jaunâtre et glaiseuse du Perche, désignée dans le pays sous le nom de gruette ou de bournais, exige périodiquement des marnages, en raison de son acidité. — (Jean Vassort, Une Société provinciale face à son devenir: le Vendômois aux XVIIIe et XIXe siècles, 1995, page 29)
    • Terres fortes, légères. — Terre arable.— Terres labourables.
    • Terres à blé, à froment. — Terre en friche, en jachère. — Terre cultivée.
  4. (Spécialement) Argile dont les potiers se servent pour faire leurs ouvrages, et qu’on emploie aussi à quelques autres usages.
    • De la poterie de terre.
    • Un vase de terre. — Un plat de terre. — Une écuelle de terre. — Pipe en terre.
  5. Ce qui compose le sol considéré comme une matière ou substance particulière,
    • Une poignée de terre. — Une motte de terre. — Avoir les mains pleines de terre.
    • Terre glaise. — Terre siliceuse. — Terre de Sienne. — Terre d’ombre.
  6. Domaine, fonds rural.
    • La terre de Saint-Escobille était grevée hypothécairement d'une rente de 800 fr. au profit de l'Hôtel-Dieu de la ville de Dourdan. — (« Hospices de Dourdan contre Tassin de Villiers », Cours de Cassation, 6 mai 1818, dans le Journal du Palais : Jurisprudence française, vol. 14 (1817-1818), Paris : chez F.-F. Patris, 1839, page 791)
    • Mais le 22 juin 1419, le comte par un testament, fait à Baix-sur-Baix, institua héritier Charles, dauphin de Viennois, fils de Charles VI, et ses terres furent unies à la province, en 1426, […]. — (A. Lacroix, « La tour de Crest : essai historique », dans le Bulletin d'archéologie et de statistique de la Drôme, Valence : Société d'archéologie et de statistique de la Drôme, tome 16, 1882, page 203)
    • Seule la France ralentira le processus, avec le création d’une classe de paysans moyens nombreux issue du partage, inégal mais réel, de la terre des privilégiés sous la Révolution. — (Jean-Pierre Rioux, La révolution industrielle 1780-1880, Le Seuil (Collection Histoire), 1971, page 166)
    • Sans parler des origines paysannes ou ouvrières de nombreux Québécois : combien de doctes professeurs ont grandi sur des terres? combien proviennent de familles ouvrières? — (Sébastien Mussi, Le nous absent, Liber, Montréal, 2018, page 52)
  7. (Marine) Partie solide de la surface du globe, par opposition à la mer.
    • La terre, d’après l’estime, ne devait pas être éloignée; elle restait complètement cachée par une brume basse et humide. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
    • Le lendemain, au petit jour, je n’aperçois plus la terre et mes observations me montrent que j’ai été déporté à trente milles au Sud-Est. — (Alain Gerbault, À la poursuite du soleil; tome 1 : De New-York à Tahiti, 1929)
    • A chaque tempête, les dunes progressent vers l’intérieur des terres. […]. Des villages entiers sont engloutis : habitations, église, tout disparaît sous le sable. — (Jean-Henri Fabre, La Plante ; leçons à mon fils sur la botanique, Paris, Delagrave, 1905, 8e édition, page 111)
  8. Étendue d’un pays.
    • Le soir, nous franchîmes à pied, destriers tenus par la bride, le pont Saint-Bénézet qui reliait les deux rives du fleuve Rhône, sous des rafales de vent à décorner les cocus, pour rejoindre la terre royale au fort Saint-André, près Villeneuve-lès-Avignon. — (Hugues de Queyssac, Le chevalier noir et la dame blanche, tome 4: La lumière des parfaits, éditions 12/21, 2014)
    • Nous sommes en terre étrangère. — Être en terre ennemie.
  9. (En particulier) (Au pluriel) Profondeurs d’un continent, d’une région.
    • Quand on veut changer d’air, on peut se diriger vers Lahej, dans les terres ou vers Djibouti. — (Paul Nizan, Aden Arabie, chap. XI, Rieder, 1932 ; Maspéro, 1960, page 114)
  10. (Au pluriel) Grandes étendues de pays ; parties importantes de la surface du globe.
    • Terres inhabitées.
    • Les terres boréales, arctiques. — Les terres australes.
  11. (Astronomie) Une planète habitable au sens général, hormis la nôtre, qui s’écrit alors la Terre.
    • On peut penser qu’il existe d’autres terres autour des étoiles proches.
    • J’abordai une de ces petites terres qui voltigent à l’entour du soleil. — (Savinien de Cyrano de Bergerac, Voyage dans la Lune & Histoire comique des états et empires du Soleil)
  12. (Au singulier) Tout le globe terrestre ; ensemble de la planète que nous habitons.
    • Il me fait d’abord un cours de géographie, et j’apprends que la terre est un disque dont l’Arabie occupe le centre. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 123)
    • Et enfin, vous voudriez que Dieu fît courir le soleil, qui est quatre cent et trente-quatre fois plus grand que la terre, rien que pour pommer nos choux ? — (Umberto Eco, L’île du jour d’avant, Grasset & Fasquelle, 1996)
  13. (Par métonymie) (Religion) Le monde dans lequel nous vivons, par opposition au ciel.
    • Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. — (Notre-Père, Prière chrétienne)
  14. (Figuré) L’ensemble de l’humanité.
    • […] ; et, soyez tranquille, si une fois je me fais huguenot, je serai plus huguenot que Luther, que Calvin, que Mélanchthon et que tous les réformistes de la terre. — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, 1845, volume I, chapitre VII)
    • Alexandre voulait soumettre toute la terre.
  15. Grand nombre de personnes, par rapport au lieu et aux circonstances où l’on se trouve.
    • J’ai envoyé des CV à la Terre entière : ça ne donnait rien. — (Nicolas Mathieu, Jessica Gourdon, Nicolas Mathieu : « Mon parcours d’étudiant n’avait aucune valeur sur le marché du travail », Le Monde. Mis en ligne le 27 novembre 2019)
    • Du jour au lendemain, pour ainsi dire, ils ont dû réorganiser leurs hôpitaux, libérer des lits de réanimation, dénicher des respirateurs, « appeler la Terre entière » pour récupérer les masques et les surblouses qui leur faisaient défaut. — (Chloé Hecketsweiler, La « positive attitude » des directeurs d’hôpital face au coronavirus décontenance la commission d’enquête, Le Monde. Mis en ligne le 7 juillet 2020)
    • Vous deviendrez l’horreur de toute la terre, si vous ne changez de conduite.
  16. (Religion) Les biens et des plaisirs de la vie présente.
    • Vous êtes trop attaché à la terre.
    • Les vrais chrétiens méprisent les biens de la terre.
  17. Un des quatre éléments.
    • La terre, l’eau, l’air et le feu.
  18. (Par ellipse) (Électricité) Tout conducteur de potentiel 0 V ; prise de terre.
    • Il est fortement déconseillé de mettre à proximité deux appareils, à carcasse métallique, à terre non reliées, non équipotentielles, alimentés par des prises électriques distantes et à plus forte raison de deux bâtiments différents.
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Littré (1872-1877)

TERRE (tê-r') s. f.

Résumé

  • 1° Sol sur lequel on marche et qui produit les végétaux.
  • 2° Terre, en termes de terrassement, de fortification.
  • 3° À terre.
  • 4° À plate terre.
  • 5° Par terre.
  • 6° Terre à terre.
  • 7° Donner du nez en terre.
  • 8° Sous terre.
  • 9° Entre deux terres.
  • 10° Terre se dit par rapport à l'action d'inhumer.
  • 11° La couche qui produit les plantes, la substance même d'un sol arable.
  • 12° La terre considérée relativement à sa composition et comme une matière ou substance particulière.
  • 13° Terre à sucre.
  • 14° Terre à pot ou à potier.
  • 15° Nom donné par les anciens philosophes à l'un des quatre éléments des corps.
  • 16° Nom donné pendant longtemps par les chimistes à un certain nombre de substances qu'ils n'avaient pu décomposer.
  • 17° La terre, planète.
  • 18° Il se dit, surtout au pluriel, de parties du globe, d'étendues de pays.
  • 19° Il se dit, tant au singulier qu'au pluriel, des pays.
  • 20° Domaine, fonds rural.
  • 21° La terre qui est sur le bord de la mer, d'un fleuve.
  • 22° La terre ferme, partie du globe distinguée des eaux, soit continent, soit île.
  • 23° La Terre, divinité.
  • 24° Fig. Les habitants de la terre.
  • 25° Fig. et par grande hyperbole, toute la terre, les gens d'un pays, d'une ville, d'une société.
  • 26° Fig. La vie présente.
  • 27° Terre rouge de la neige. Terre mérite.
  • 1Sol sur lequel on marche, et qui produit les végétaux. Un tremblement de terre. Les veilles cesseront aux sommets de nos tours ; Le fer mieux employé cultivera la terre, Malherbe, II, 1. Dieu donna à l'élément aride le nom de terre, et il appela mers toutes les eaux rassemblées, Sacy, Bible, Genèse, I, 10. Alors Jonathas déchira ses vêtements, se mit de la terre sur la tête et fit sa prière, Sacy, ib. Machab. I, II, 71. On jette enfin de la terre sur la tête [du mort], et en voilà pour jamais, Pascal, Pens. XXIV, 58, éd. HAVET. Comme il [Épictète] était terre et cendre, après avoir si bien compris ce qu'on doit…, Pascal, Entret. avec Saci. Si l'origine qui nous est commune souffrait quelque distinction solide et durable entre ceux que Dieu a formés de la même terre, Bossuet, Duch. d'Orl. La terre et l'onde, expression trop commune en poésie pour signifier l'empire de la terre et de la mei, Voltaire, Dict. phil. Terre. Il est prouvé par des expériences directes que ce qu'une plante tire de la terre pour sa nourriture est très peu de chose, et qu'il n'entre que quelques onces de terre pour fournir à l'accroissement d'un arbre du poids de 150 ou 200 livres, Bonnet, Contempl. nat. v, 13. Cède-moi la terre, dit l'orgueilleux Sicambre. - La terre que je te céderai, s'écria le Gaulois, tu la garderas éternellement, Chateaubriand, Mart. VI. Voilà donc le séjour d'un peuple, et le murmure De ces innombrables essaims Que la terre produit et dévore à mesure, Lamartine, Harm. I, 10. Ô terre, ô mer, ô nuit, que vous avez de charmes ! Lamartine, ib. I, 10.

    Fig. Il n'a pas travaillé inutilement, la terre qu'il cultivait lui ayant donné avec abondance des fruits de bénédiction et de grâce, Bossuet, Bourgoing.

    Mettre pied à terre, descendre de cheval, de voiture, de quelque endroit élevé. Le duc mit pied à terre pour la secourir, Hamilton, Gram. 10. Un écureuil pourrait parcourir une bonne partie de la Russie sans mettre pied à terre [en passant d'arbre en arbre], Bernardin de Saint-Pierre, Étude v.

    En parlant des chevaux, courir ventre à terre, galoper avec une extrême vitesse. Il [M. Millin] écrit à Paris qu'on lui envoie, ventre à terre, par une estafette, ses autres habits habillés, Courier, Lett. II, 68.

    Mettre un genou en terre, s'agenouiller. Parvenue sur le champ de bataille, la légion s'arrête, met un genou en terre, et reçoit de la main d'un ministre de paix la bénédiction du Dieu des armées, Chateaubriand, Mart. VI.

    Fig. Reprendre terre, reprendre de nouvelles forces, par allusion à la fable d'Antée qui reprenait des forces quand il touchait la terre. L'attachement paraît plus grand qu'il n'a jamais été [entre le roi et Mme de Montespan] ; ils en sont aux regards ; il ne s'est jamais vu d'amour reprendre terre comme celui-là, Sévigné, 30 juill. 1677.

    Fig. Baiser la terre, raser la terre, être dépourvu de toute élévation. Ses vers plats et grossiers, dépourvus d'agrément, Toujours baisent la terre et rampent tristement, Boileau, Art p. II.

    Fig. Ras-terre, même signification. Il [le vieux Beaujon] est au-dessous d'une épigramme ; il est si ras-terre et si platement bénêt, que personne n'a le courage de s'en moquer ; ce serait grêler sur le persil, De Courchamp, Souvenirs de la marquise de Créquy, t. v, ch. 8.

    Fig. Faire de la terre le fossé, voy. FOSSÉ.

    Remuer de la terre, fouir et transporter de la terre pour des travaux de toute nature.

    Il a bien remué de la terre, se dit de quelqu'un qui a fait transporter beaucoup de terres d'un endroit à l'autre, dans un parc, dans un jardin.

    Terres rapportées, voy. RAPPORTÉ.

  • 2 En termes de terrassement, la résistance qu'une certaine terre oppose au travail s'évalue par un nombre qui indique dans quelle proportion il faut unir les piocheurs aux pelleteurs pour la remuer ; dans ce nombre, le pelleteur est toujours représenté par une unité. En conséquence une terre est dite à 1 homme, quand un pelleteur suffit pour la remuer, à 2, 3… hommes, quand il faut joindre au pelleteur 1, 2… piocheurs ; à 3 hommes 1/2, quand il faut 5 piocheurs pour 2 pelleteurs, etc.

    En termes de fortification, sac à terre, petit sac en forte toile, qu'on remplit de terre et qu'on utilise, dans certains cas, pour la construction des batteries.

    Remuer de la terre, remuer la terre, se dit des travaux que l'on fait à la guerre pour attaquer ou défendre une place, pour élever des retranchements.

    On dit aussi : se couvrir de terre. Ouvrage de terre.

  • 3À terre, se dit par extension de ce qui est ou de ce qui tombe sur le sol à nos pieds, quel que soit ce sol, la terre ou le plancher d'une chambre, le carreau, un parquet, un tapis ; avec cette idée que ce qui tombe ne touchait pas le sol auparavant. Cette draperie touche à terre. Ce couvreur est tombé à terre.

    Fig. Cela n'est pas tombé à terre, cela a été remarqué, relevé Je ne sais si vous avez celle [l'intention] de m'écrire des endroits admirables ; vous y réussiriez, mais aussi ils ne tombent pas à terre, Sévigné, 22 sept. 1677. Il laissa échapper quelques paroles qui ne tombèrent point à terre, Lesage, Gil Bl XII, 3.

    On dit dans le même sens : Il ne laissera pas tomber cela à terre.

    Ne pas toucher à terre, courir si vite qu'il semble qu'on ne touche pas la terre. Le voyez-vous ce conquérant [Alexandre], avec quelle rapidité il s'élève de l'Occident comme par bonds, et ne touche pas à terre ? Bossuet, Louis de Bourbon.

    Fig. Cette affaire n'a pas touché à terre, elle a passé sans difficulté.

    Cet homme ne laisse pas toucher du pied à terre, il ne donne pas le temps de se reconnaître.

    Regarder à terre, avoir les regards fixés sur le sol. Mme Dorsin, morne et pensive, regardait à terre, Marivaux, Marianne, 8e part.

  • 4À plate terre, sur la terre, sur le pavé, sur le plancher. En ce temps, on était ravi d'être à plate terre dans la paroisse du Montagu, Sévigné, 26 janv. 1683. La perdrix rouge ne construit point de nid, mais pond ses œufs à plate terre, sur un peu d'herbe ou de feuilles, Buffon, Ois. t. IV, p. 200. Ils dorment à l'air à plate terre, Rousseau, Ém. v.
  • 5Par terre, se dit de ce qui est ou de ce qui tombe sur le sol à nos pieds, avec cette idée que ce qui tombe, touchait le sol auparavant. Il est tombé par terre en courant. Elle a vu deux Horaces par terre, et le troisième en fuite, Corneille, Hor. Examen Ils ont été vaincus sur le bord de l'Euphrate, ils ont été renversés par terre, Sacy, Bible, Jérémie, XLVI, 6. Ma fille n'ayant pas voulu jeter tous les appartements [de Grignan] par terre, Sévigné, 9 sept. 1694. Ces grands édifices que l'effort d'une main ennemie ou le poids des années ont portés par terre, Bossuet, 3e sermon, Pâques, 3.

    Mettre par terre, renverser par terre. Se jetant à ces mots sur le vin et l'encens, Après en avoir mis les saints vases par terre, Corneille, Poly. III, 2.

    Fig. Jeter par terre, anéantir, renverser. Un même instant conclut notre hymen et la guerre, Fit naître notre espoir, et le jeta par terre, Corneille, Hor. I, 3. Il vous a élevé aux yeux du monde ; il vous a porté par terre, Bossuet, Lett. 11.

    Fig. Tenir à terre, tenir dans l'abaissement. Pendant que les armées consternaient tout, il [le sénat romain] tenait à terre ceux qu'il trouvait abattus, Montesquieu, Rom. 6.

    Fig. Être à terre, être renversé. Pourquoi ont-ils attendu que la Société [les jésuites] fût à terre pour l'écraser ? D'Alembert, Œuv. t. v, p. 206.

    Battre quelqu'un à terre, abuser de l'avantage que l'on a contre quelqu'un hors d'état de se défendre.

    On dit de même : tuer à terre. Je me suis rendu dans la réplique que je vous ai faite ; je vous ai demandé la vie, vous me voulez tuer à terre, cela est un peu inhumain, Bussy-Rabutin, à Mme de Sév. 31 août 1668, dans SÉV. t. I, p. 526, édit. RÉGNIER. Levez-vous, comte, je ne veux point vous tuer à terre ; ou reprenez votre épée pour recommencer le combat, Sévigné, à Bussy, 4 sept. 1668.

    Fig. Tomber par terre, tomber à terre, être renversé, détruit. Et, n'eût été Léonce, en la dernière guerre, Ce dessein avec lui serait tombé par terre, Corneille, Héracl. I, 1. Allez, honneurs, plaisirs qui me livrez la guerre : Toute votre félicité, Sujette à l'instabilité, En moins de rien tombe par terre, Corneille, Poly. IV, 2. Tous vos raffinements tombent par terre, Pascal, Prov. XVI. Platon : Ta tyrannie [Denys] n'a pas été plus solide que ma république ; elle est tombée par terre, Fénelon, t. XIX, p. 227.

  • 6 Terme de manége. Ce cheval va, travaille terre à terre, son galop est de deux temps et de deux pistes. Fig. Terre à terre, d'une manière dépourvue de toute élévation. Comment, cet impertinent ne veut pas que les femmes aient de l'esprit ! il condamne toutes nos expressions élevées, et prétend que nous parlions toujours terre à terre ! Molière, Impromptu, 3. Je demande pardon à votre bel esprit de cette lettre toute terre à terre, mais il en faut quelquefois de cette façon, Sévigné, à Bussy, 12 juill. 1691. Ma philosophie est terre à terre, Mme du Deffant, Lett. à H. Walpole, t. IV, p. 313, dans POUGENS.

    Fig. Aller terre à terre, avoir des vues peu élevées, des idées communes. Le mien [esprit] est fait, ma sœur, pour aller terre à terre, Molière, Femm. sav. I, 1. Il faut en ce monde une philosophie qui aille plus terre à terre, Fénelon, Dial. des morts anc. dial. 17.

    Aller terre à terre, faire peu de progrès. Je vois avec douleur que vos progrès sont très lents, et que vous n'allez que terre à terre, Anal. de Bayle, t. II, p. 66.

    Substantivement, le terre à terre, allure du cheval qui consiste en une succession de petits sauts, près de terre, faits de côté et le cheval avançant toujours ; c'est un air relevé.

    Terme de danse. Le terre à terre, pas qui s'exécute sans sauter, en rasant la terre avec les pieds. Les mouvements des bayadères sont plutôt bizarres que gracieux ; leurs pas, peu élevés et peu hardis, sont plutôt des terre à terre ou des pas à l'anglaise, que les pas relevés et hardis de nos belles danseuses, Lescallier, Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. IV, p. 36.

    Fig. Le terre à terre du style, des pensées. Il y a dans le talent une force motrice qui a horreur du terre à terre, Ch. de Bernard, Un homme sérieux, XVIII.

  • 7Donner du nez en terre, tomber sur la face.

    Fig. Échouer dans une affaire.

  • 8Sous terre, sous la superficie de la terre. Creuser une habitation sous terre. Mettre des conduits sous terre.

    Il y a longtemps qu'il est sous terre, qu'il est mort. Elle est mal pleurée, le père et le mari voudraient qu'elle fût déjà sous terre, Sévigné, 400.

    Par exagération. Je voudrais être cent pieds sous terre, se dit quand on a quelque chagrin violent, quelque honte, quelque confusion. Jenni aurait voulu être cent pieds sous terre, Voltaire, Jenni, 7.

    Fig. Sous terre, par intrigues cachées. Le P. le Tellier, qui faisait tout sous terre, n'imitait en rien le P. de la Chaise, Saint-Simon, 281, 64.

    Sous terre, dans un endroit très caché. Je trouvai au bout du mail le frater [Ch. de Sévigné], qui se mit à deux genoux aussitôt qu'il m'aperçut, se sentant si coupable d'avoir été trois semaines sous terre à chanter matines, qu'il ne croyait pas me pouvoir aborder d'une autre façon, Sévigné, 235.

    Sous terre, d'une manière sourde. Ce secret [la haine entre Mme de Montespan et Mme de Maintenon] roule sous terre depuis plus de six mois, Sévigné, 7 août 1675.

    De dessous terre, d'un endroit très caché. Hommes noirs d'où sortez-vous ? Nous sortons de dessous terre, Béranger, Révér. pères.

    Fig. Il est tant de traitants qu'on voit depuis la guerre En modernes seigneurs sortir de dessous terre, Regnard, Joueur, v, c. Quand ces gens-là viennent à se manifester, vous voyez des vertus qui sortent de dessous terre, Marivaux, Pays. parv. 1re part.

  • 9 Terme de culture. Couper entre deux terres, aller, à quelques pouces au-dessous de la surface du sol, trancher une racine pivotante avec un fer de bêche, sans d'ailleurs soulever la motte ni arracher la plante. Couper es chardons entre deux terres.

    Fig. Entre deux terres, par intrigues cachées. M. du Maine n'allait jamais qu'entre deux terres, et on verra qu'il me ménagea toujours, Saint-Simon, 308, 35.

  • 10Terre, se dit par rapport à l'action d'inhumer. Bénir la terre d'un cimetière. Ouvrir la terre. On paye tant dans cette paroisse pour l'ouverture de la terre. Je me plains seulement de ce pays barbare Qui de six pieds de terre à son prince est avare, Rotrou, Antig. IV, 3. Et s'il faut, poursuivit la vieille charitable, Que votre cruauté lui refuse un secours, C'est un homme à porter en terre dans deux jours, Molière, Éc. des femmes, II, 6. Paul… Est curé maintenant et met les gens en terre, Boileau, Épigr. XX.

    Terre sainte, terre bénite et consacrée à l'inhumation des fidèles. Être enterré, inhumé en terre sainte. Le refus qu'on a fait à Voltaire et à Molière de les enterrer l'un et l'autre dans ce que nous appelons terre sainte, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 9 oct. 1778.

    Que la terre te soit légère, ancienne formule pour les sépultures des Grecs et des Romains.

    Fig. Faire rentrer en terre, remplir de crainte, de confusion. [Harlay avait] des yeux qui, fixés sur un client ou un magistrat, étaient pour le faire rentrer en terre, Saint-Simon, 17, 198.

  • 11La couche qui produit les plantes, la substance même d'un sol arable. Terre forte, légère, grasse. Terre à blé. Si M. de Grignan ne vous donne quelque repos, comme on fait à une bonne terre…, Sévigné, 90. La terre, cette bonne mère, multiplie ses dons selon le nombre de ses enfants qui méritent ses fruits par leur travail, Fénelon, Tél. V. S'ils [les labours] doivent être multipliés dans les pays froids, où les terres trop compactes ont besoin d'être divisées, il faut les économiser dans des pays chauds, où le soleil pénétrerait trop facilement jusqu'aux racines, Tessier, Instit. Mém. scienc. t. I, p. 260. Le soleil cuit la terre pendant les grandes chaleurs, Parmentier, Culture des grains, t. I, p. 223. Les terres engraissées avec la chaux ne peuvent enrichir que les vieillards, ID. ib. p. 306. Plus tôt en terre, plus tôt hors de terre, ID. ib. t. II, p. 430.

    Terre végétale, terre naturelle, répandue partout en épaisseur inégale, et propre à la végétation, dite aussi terre franche. La terre végétale, presque entièrement composée des détriments et du résidu des corps organisés, Buffon, Min. t. VII, p. 302. Les agricoles qui ont voulu suppléer aux engrais par des labours trop fréquemment répétés… ont vu leur terre s'appauvrir graduellement, et leurs champs devenir stériles par la destruction de la terre végétale, Saussure, Voy. Alpes, t. v, p. 208, dans POUGENS.

    Terre vierge, terre qui n'a pas encore été cultivée.

    Terre neuve, terre qui n'a pas été retournée depuis longtemps.

    Terre de bruyère, terreau acide formé de débris de plantes riches en tanin.

    Terre usée, terre à laquelle on a trop fait produire.

    Terres froides, terres argileuses et humides ou terres marneuses.

    Un arbre en pleine terre, ou un arbre de pleine terre, un arbre qui n'est pas planté dans une caisse.

  • 12La terre considérée relativement à sa composition et comme une matière ou substance particulière. Terre calcaire. Terre siliceuse.

    Terre d'Almagra, terre ocreuse rouge, usitée dans la peinture à fresque.

    Terre blanche de Cologne, terre de pipe.

    Terre brune de Cologne, sorte de lignite employé comme matière colorante dans la peinture en détrempe et même dans la peinture à l'huile ; on s'en sert aussi comme combustible.

    Terre de la Chine, terre à porcelaine, le kaolin.

    Terre à foulon, espèce de glaise onctueuse au toucher qui sert à préparer les draps.

    Terre du Japon, cachou.

    Terre jaune, argile ocreuse.

    Terre de Lemnos, substance argileuse qui ne diffère pas essentiellement de la sanguine ou argile ocreuse rouge graphique de Haüy. On en formait de grosse pastilles sur lesquelles on imprimait le sceau du Grand Seigneur, ce qui lui a fait aussi donner le nom de terre sigillée.

    Terre de Lemnos, se disait aussi d'une substance solide, rougeâtre et légèrement astringente, préparée en Egypte, suivant Prosper Alpin, avec la pulpe du fruit du baobab.

    Terre de Nocera, nom de la terre d'ombre (Nocera est une ville de l'ancienne Ombrie).

    Terre d'ombre, argile ocreuse, d'un beau brun foncé, qu'on tirait autrefois de l'Ombrie (d'où son nom), mais qui existe dans plusieurs autres lieux de l'Italie, et que le commerce nous apporte de l'île de Chypre quelquefois sous le nom de terre d'ombre de Turquie. Elle sert en peinture (LEGOARANT).

    Terre de pipe, variété d'argile blanche.

    Terre à pisé, nom donné, à cause de son emploi, au limon jaune ou lehm.

    Terre pourrie d'Angleterre, sorte de tripoli léger et friable, très estimé pour polir.

    Terre de Sienne, minerai de fer oxydé, employé en peinture.

    Terre de Vérone, matière colorante employée dans la peinture à l'huile et dans le stuc.

  • 13Terre à sucre, argile blanche qu'on emploie pour le terrage, et qui possède la propriété de se charger d'eau et de la laisser échapper peu à peu.
  • 14Terre à pot ou à potier, ou, simplement, terre, argile blanchâtre, compacte, molle, qui se cuit dans les fourneaux, et dont on fait les tuiles, les briques, les pots, la faïence. De la poterie de terre. Un plat de terre.

    Terre blanche, terre de pipe, terre anglaise, noms donnés aux faïences fines.

    Terre vernissée, celle qui, en sortant de la roue du potier, reçoit un couche de plomb calciné. Vaisselle de terre vernissée.

    L'argile dont les sculpteurs se servent pour modeler leurs ouvrages. Un très habile artiste de ce pays-ci, nommé Houdon, déjà connu par plusieurs beaux ouvrages, a fait en terre, en attendant le marbre, un magnifique buste du patriarche [Voltaire], D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 16 août 1778.

    Terre cuite, cette même terre façonnée en statues, en vases, etc. et durcie au feu. Un buste, un médaillon de terre cuite.

    On dit dans le même sens : une terre cuite. En général, les terres cuites de Le Moine valent mieux que ses marbres, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XV, p. 110, dans POUGENS.

  • 15Nom donné par les anciens philosophes à l'un des quatre éléments qu'ils supposaient dans les corps. La terre, l'eau, l'air et le feu. La terre pure est la base ou le fond de la composition des solides ; le chimiste la retrouve dans tous les corps dont il fait l'analyse, Bonnet, Contempl. nat. III, 4. Nom donné pendant longtemps par les chimistes à un certain nombre de substances qu'ils regardaient provisoirement comme simples, aucun des agents connus jusqu'alors n'ayant de prise sur elles, mais qu'on est parvenu depuis à décomposer et à ramener à la classe des corps oxygénés. La chaux, la strontiane étaient des terres. Ce sont ces oxydes qu'on a connus jusque dans ces derniers temps sous le nom générique de terres ou de bases salifiables terreuses, et sous les noms spécifiques de silice, zircone, thorine, alumine, yttria, glucine et magnésie, Thenard, Traité de chim. t. II, p. 38, dans POUGENS.

    Terres métalliques, les oxydes métalliques.

    Terre absorbante, le carbonate de chaux, de magnésie.

    Terre animale, phosphate calcaire qui entre dans les os.

    Terre foliée, voy. FOLIÉ.

    Terre pesante, la baryte.

    Terre de Sedlitz, magnésie.

  • 17Planète qui fait sa révolution annuelle autour du soleil en trois cent soixante-cinq jours, six heures et quelques minutes, et qui tourne sur elle-même en vingt-quatre heures. Que l'homme contemple la nature entière dans sa haute et pleine majesté… que la terre lui paraisse comme un point au prix du vaste tour que cet astre [le soleil] décrit, Pascal, Pens. I, 1, éd. HAVET. La terre elle-même est emportée avec une rapidité inconcevable autour du soleil, La Bruyère, XVI. La terre est soumise, comme les autres planètes, aux lois des mouvements, Montesquieu, Lett. pers. 113. Il n'est plus possible de douter que cette même terre si grande et si vaste pour nous ne soit une assez médiocre planète, une petite masse de matière qui circule avec les autres autour du soleil, Buffon, Théor. terr. part. hyp. Œuv. t. IX, p. 302. La terre est un globe d'environ trois mille lieues de diamètre ; elle est située à trente millions de lieues du soleil, autour duquel elle fait sa révolution en trois cent soixante-cinq jours, Buffon, Hist. nat. preuv. th. terr. Œuv. t. I, p. 185. Le premier résultat que l'on peut admettre comme vérité, c'est que la terre a été originairement fluide ; ses parties, animées par la pesanteur et liées par la cohésion, n'auraient pas obéi à la petite force centrifuge, si elles n'avaient été molles ou plutôt liquides et capables de glisser facilement ou de couler les unes sur les autres, Bailly, Hist. astr. mod. t. III, p. 42. On observe que les corps tombent plus lentement sous l'équateur ; Newton en conclut que la terre a la figure d'un sphéroïde aplati par ses pôles, Bailly, ib. t. II, p. 528. Une autre entreprise plus extraordinaire, plus délicate et plus difficile que la détermination de l'obliquité de l'écliptique, fut celle de la mesure de la terre ; elle a immortalisé Ératosthène, Bailly, ib. t. I, p. 35. M. Cassini estime qu'un homme à pied, marchant, par un beau chemin et du même pas, douze heures par jour, ferait le tour de la terre en deux ans, Bailly, Hist. astr. anc. p. 146. Tout porte à croire que la masse intérieure du globe est encore douée maintenant de sa fluidité originaire, et que la terre est un astre refroidi, qui n'est éteint qu'à sa surface ; ce que Descartes et Leibnitz avaient pensé, Cordier, Instit. Mém. scienc. t. VII, p. 538.

    Le globe terrestre. Cieux, écoutez ma voix ; terre, prête l'oreille, Racine, Athal. III, 7. L'ouverture du siècle présent se fit, à l'égard de la géographie, par une terre presque nouvelle que M. Delisle présenta, Fontenelle, Delisle. Que savons-nous si la terre entière n'a pas des causes générales, lentes et imperceptibles de lassitude ? Montesquieu, Lett. pers. 113. Une partie du globe se prend au figuré pour toute la terre ; on dit que les anciens Romains avaient conquis la terre, quoiqu'ils n'en possédassent pas la vingtième partie, Voltaire, Dict. phil. terre.

    Être sur terre, vivre, exister.

    Enfant de la terre, homme. Malheur à l'enfant de la terre Qui, dans ce monde injuste et vain, Porte en son âme solitaire Un rayon de l'esprit divin ! Hugo, Odes, le Génie.

    Tant que terre nous pourra porter, aussi loin que nous pourrons aller.

    Elliptiquement. Tant que terre. Nous irons tant que terre.

    Fig. Aussi longtemps qu'on voudra. Je suis d'une paresse digne de la vôtre par le chaud ; je vous tiendrais compagnie à causer sur un lit, tant que terre nous pourrait porter, Sévigné, 24 juin 1676.

    On ne voit ni ciel ni terre, se dit quand on est dans une profonde obscurité.

    Fig. et familièrement. Remuer ciel et terre, employer toute espèce de moyens pour arriver à son but.

  • 18Il se dit, surtout au pluriel, de parties du globe, d'étendues de pays. Terres inhabitées. Les terres arctiques. Je méditais ma fuite aux terres étrangères, Racine, Bajaz. III, 2. Kempfer a très bien remarqué que tous les peuples situés à l'orient de l'Asie donnent le nom d'Indes à toutes les terres australes, Diderot, Opin. des anc. philos (Asiatiques). Je me portai sur le 37e parallèle, pour chercher la prétendue terre découverte par les Espagnols en 1610 ; je ne crois point à l'existence de cette terre, La Pérouse, Voy. t. IV, p. 193, dans POUGENS.

    Fig. Je m'en vais gager qu'ils n'ont jamais vu la carte de Tendre, et que Billets-Doux, Petits-Soins, Billets-Galants… sont des terres inconnues pour eux, Molière, Préc. 5.

    Terre de Labrador, contrée située au nord de l'Amérique, près de la baie de Hudson.

    Terre de Labour, contrée de l'Italie, ainsi nommée à cause de sa fertilité.

    Terre des Papous ou Nouvelle-Guinée, île située près des Moluques.

  • 19Il se dit, tant au singulier qu'au pluriel, des pays. Les terres du Turc, du Mogol. Soit que … Tu passes comme un foudre en la terre flamande, Malherbe, II, 6. Préparez-vous à voir par toute votre terre Ce qu'ont de plus affreux les fureurs de la guerre, Corneille, Nicom. III, 1. La Lorraine, la Comté et tout ce qui borde Je Rhône était terre d'empire, Voltaire, Lett. Courtivron, 12 juill. 1757. Seyssel, où, étant sur terre de France, nous n'aurions plus rien à risquer, Rousseau, Confess. III. Quel que soit le destin que couve l'avenir, Terre [Italie], enveloppe-toi de ton grand souvenir ! Lamartine, Harm. II, 3.

    La terre sainte, la Judée. Tous les pèlerins, le chapelet à la main, étaient restés en silence dans la même attitude, attendant l'apparition de la terre sainte, Chateaubriand, Itin. part. 3.

    Terre de promission, terre promise, la Palestine que Dieu promit à Abraham.

    Fig. C'est une terre de promission, se dit d'un pays gras et fertile.

    Terre de malédiction, terre maudite, terre infertile, dangereuse. Tout ce qui est au monde est concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie ; malheureuse la terre de malédiction que ces trois fleuves de feu embrasent plutôt qu'ils n'arrosent ! Pascal, Pens. XXIV, 33.

  • 20Domaine, fonds rural. Je verrai bientôt Gourville, et lui parlerai de Vénejan ; c'est une situation admirable ; mais il ne faut pas le vendre à vil prix, comme on vend aujourd'hui toutes les terres, Sévigné, 303. M. de Rochebonne s'en va dans ses terres pour donner ordre à ses affaires, Sévigné, 161. Ce que c'est que l'illusion de croire avoir du bien, quand on n'a que des terres, Sévigné, 9 oct. 1675. Eh bien, mon pauvre Lépine, je suis sur mes terres ; et me voilà pourtant, en dépit de l'envie, propriétaire du château et de la seigneurie de Gaillardin, Dancourt, Vacances, sc. 3. Si j'avais seulement une petite terre où je pusse me retirer, je serais sûr d'avoir de quoi vivre, Montesquieu, Lett. pers. 132. Dans la plupart des tribunaux, on admet cette maxime : nulle terre sans seigneur, comme si ce n'était pas assez d'appartenir à la patrie, Voltaire, Mœurs, 38. Les nouveaux ministres disaient dans leur préambule qu'on ne doit taxer que les terres, parce que tout vient de la terre jusqu'à la pluie, et que par conséquent il n'y a que les fruits de la terre qui doivent l'impôt, Voltaire, l'Homme aux 40 écus, désastre. Ils [les gens de la bande noire] achètent de grands biens pour les revendre en détail, et, de profession, décomposent les grandes propriétés ; c'est pitié de voir quand une terre tombe dans les mains de ces gens-là ; elle se perd, disparaît, Courier, Lett. V.

    Fig. Si vous poursuivez le mérite, ce n'est pas sur nos terres que vous devez chasser, Molière, Préc. 10.

    Fig. Chasser sur les terres d'autrui, empiéter sur les droits des autres.

    Terre vague, terre que personne ne réclame.

    Terre bien plantée, terre où il y a beaucoup de plantations.

    Terre bien bâtie, terre où il y a une belle maison d'habitation, et tous les bâtiments nécessaires pour l'exploitation.

    N'avoir pas un pouce de terre, n'avoir point de biens en fonds de terre.

    Être riche en fonds de terre, posséder beaucoup de terres.

    Fig. Quitter une terre pour le cens, abandonner une chose plus onéreuse que profitable.

  • 21La terre qui est sur le bord de la mer, d'un fleuve. Terre haute. Terre basse. Dans le moment où Télémaque [sortant de la barque de Charon] mit pied à terre, Fénelon, Tél. I, XVII. Savoir, à une heure marquée, qui a descendu à terre avec un argent frais et d'une nouvelle prise, La Bruyère, VI. Quelques jours après cet accident nous aperçûmes la terre, Chateaubriand, Amér. Voy. en Amérique. S'il arrive que le fleuve ne s'élève pas à quatre cents pouces, il n'y a d'arrosées que les terres basses, Raynal, Hist. phil. XI, 3.

    Fig. J'aperçois terre enfin, et je me hâte de gagner le rivage, Descartes, Musique, Des modes.

    Terre ! terre ! cri des matelots quand, après une longue navigation, ils aperçoivent la terre.

    Fig. Panthion nous lut ensuite un ouvrage d'une excessive longueur ; Diogène, assis auprès de lui, jetait par intervalles les yeux sur le manuscrit, et, s'étant aperçu qu'il tendait à sa fin : Terre ! terre ! s'écria-t-il, Barthélemy, Anach. ch. 61.

    Prendre terre, débarquer, aborder. Pompée fut massacré devant les murs de Pélusium qu'on appelle aujourd'hui Damiette, et César prit terre à Alexandrie, Corneille, Pomp. Examen.

    Mettre à terre, faire débarquer. Je sais… qu'Antoine a mis à terre Ce qui dans ses vaisseaux restait de gens de guerre, Corneille, Pomp. v, 3. Perdre terre, se dit d'un vaisseau qui, s'éloignant de la terre, cesse de la voir.

    Perdre terre, se dit aussi quand, entrant dans l'eau, on va assez loin pour, debout, ne plus toucher le fond avec les pieds.

    Fig. Perdez terre dans cet océan, Bossuet, Pens. 2. Je l'ai mené si loin qu'il en a perdu terre, Th. Corneille, Feint astrol. II, 5.

    Fig. Faire perdre terre à quelqu'un dans une discussion, le réduire à ne savoir que répondre.

    Aller terre à terre, se dit des bâtiments qui naviguent sans perdre la terre de vue. Après avoir passé des années entières à creuser le tronc d'un gros arbre avec des pierres tranchantes, ils [les anciens hommes] se mettaient sur la mer dans ce tronc, et allaient terre à terre portés par le vent et par les flots, Fontenelle, Mond. 2e soir. Que sont les voyages des anciens, faits presque toujours terre à terre, comparés à ceux dont s'honore l'histoire moderne ? Bougainville, Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. III, p. 53.

    Fig. Quand nous les aurons surmontées [des difficultés], nous nous trouverons dans ces belles routes où les hommes de génie nous ont devancés ; et peut-être avoueront-ils qu'ils y sont arrivés, comme nous, terre à terre, Condillac, Lang. calc. I, 4.

    Raser la terre, se dit d'un bâtiment quelconque qui va près des côtes.

    Cette ville est bien avant dans les terres, elle est fort éloignée du bord de la mer.

    Terme de marine. Être à terre ou sous la terre, en naviguer très près.

    Chasser la terre, chercher à la découvrir ou à s'en rapprocher.

    Être à terre d'un navire, se trouver entre la terre et ce navire.

    Terre de beurre, nuage voisin de l'horizon dont l'apparence est celle de la terre. C'est une terre de beurre, elle fondra au soleil.

    Vent de terre, vent qui souffle de la terre.

    Terres mortes, vases, graviers qui encombrent un cours d'eau.

    Armée de terre, forces de terre, les troupes qui combattent sur terre, par opposition à armée de mer, forces de mer.

  • 22La terre ferme, partie du globe distinguée des eaux, soit continent, soit île.

    Terre ferme, se dit en géographie par opposition à île.

    Autrefois, les possessions de Venise sur le continent. Les nobles de terre ferme. Elle [Venise] défendait à peine ses États de terre ferme des prétentions de l'Allemagne, Voltaire, Louis XIV, 2.

    Terre ferme, nom que les Espagnols donnaient au gouvernement de Panama.

  • 23La Terre (on met une majuscule), personnification divinisée de la terre, chez les anciens. Les géants étaient fils de la Terre.
  • 24 Fig. Les habitants de la terre. Là [dans la mort] se perdent ces noms de maîtres de la terre, D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre, Malherbe, I, 3. Si cela était, il n'y aurait plus de parti différent ni de division dans le monde ; tous les hommes n'auraient qu'une volonté, et toute la terre vous obéirait, Voiture, Lett. 29. Maintenant, ô rois, apprenez ; instruisez-vous, juges de la terre, Bossuet, Reine d'Anglet. Quand la terre obéit, que craignez-vous des dieux ? Voltaire, Sémiram. II, 7. Ah ! nous [chrétiens] n'avons que trop aux maîtres de la terre Emprunté pour régner leur puissance adultère, Lamartine, Harm. I, 6.
  • 25 Fig. et par grande hyperbole, toute la terre, les gens d'un pays, d'une ville, d'une société. Avec moi, si tu veux, aime toute la terre, Sans craindre que jamais je t'en fasse la guerre, Corneille, Place roy. II, 8. Je n'y fus point, parce qu'on oublia de m'apporter mon billet ; tout le reste de la terre habitable y était, Sévigné, 129. Seize années d'une prospérité accomplie qui coulèrent sans interruption avec l'admiration de toute la terre, Bossuet, Reine d'Anglet. Délaissée de toute la terre dès ma naissance, je fus comme jetée entre les bras de sa providence paternelle [de Dieu], Bossuet, Duch. d'Orl. De l'aveu de toute la terre, votre femme est d'une vertu et d'une soumission, qui devraient vous obliger à toutes sortes d'égards, Maintenon, Lett. à M. d'Aubigné, 25 juin 1684. Ce monsieur de la Serre, Si bien connu de vous et de toute la terre, Regnard, le Joueur, III, 4. Elle n'avait plus rien et devait à toute la terre : à son boucher, à son boulanger, à ses femmes, à ses valets, à sa couturière, à son cordonnier, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 325, dans POUGENS. J'ai fait aujourd'hui les quatre coins de Paris, et j'ai vu, je crois, toute la terre, Diderot, Est-il bon, est il méchant ? II, 3. Ce Després connaît toute la terre, Picard Et Mazères, Trois quartiers, III, 5.

    Cela est reçu par toute la terre, et, familièrement, par toute terre

  • 26 Fig. La vie présente. Vous ne songez qu'à la terre. Les plaisirs de la terre. Ce texte [vanité des vanités], qui convient à tous les événements, par une raison particulière devient propre à mon lamentable sujet, puisque jamais les vanités de la terre n'ont été si clairement découvertes, ni si hautement confondues, Bossuet, Duch. d'Orl. Elle [Marie] est dans cette terre d'exil notre consolation, Bourdaloue, Dévot. à la Vierge, Myst. t. II, p. 361. Que ne puis-je, porté sur le char de l'aurore, Vague objet de mes vœux, m'élancer jusqu'à toi ? Sur la terre d'exil pourquoi rester encore ? Il n'est rien de commun entre la terre et moi, Lamartine, Médit. I.
  • 27Terre rouge de la neige, un des noms vulgaires sous lesquels on a désigné le protococcus nivalis, hydrophyte de la famille des phycées, appelé aussi neige rouge.

    Terre mérite ou terra merita, nom donné dans le commerce à la racine du safran des Indes ou curcuma, quand elle est réduite en poudre. Garance, terra merita ou coucoume, gaude, génestrolle, Instr. gén. pour la teinture, 18 mars 1671, art 117.

    Terra merita a été altéré en talmerital. Gaude, cochenille, talmerital, bourre de chèvre, Règlem. sur les manuf. août 1669, Teinturiers en laine, art. 5.

PROVERBES

Il a peur que la terre ne lui manque, se dit d'un homme avare et timide qui craint toujours que le nécessaire ne vienne à lui manquer.

Six pieds de terre suffisent pour le plus grand homme, la mort rend égales toutes les conditions.

Bonne terre, mauvais chemins, dans les terres grasses les chemins sont mauvais.

Qui terre a guerre a, qui a du bien est sujet à avoir des procès.

Tant vaut l'homme, tant vaut la terre, c'est la capacité du propriétaire qui fait la valeur de la terre. Louis XIV faisait observer sur la carte à l'un de ses courtisans quel petit espace la France occupait dans le monde : Vraiment, sire, dit le courtisan, tant vaut l'homme, tant vaut sa terre, Marmontel, Œuv. t. VII, p. 468.

Terre bien cultivée, moisson espérée.

De bonne vie bonne fin, De bonne terre bon pepin.

Il vaut mieux en terre qu'en pré, se dit d'un homme dont on regretterait peu la mort.

HISTORIQUE

XIe s. Ki abate femme à terre pour faire lui force, Lois de Guill. 19. Jamais en tere [sur terre] [Charles] ne porterat curone, Ch. de Rol. LXXII. Li quens Rollans veit l'arcevesque à tere, ib. CLXIV.

XIIe s. Et ore vos, reis, entendez, seiez apris, vos qui jugiez la terre, Psautier, dans Arch. des missions scient. t. v, p. 145. De plene terre est sailliz en l'arzon, Ronc. p. 52. Qui trestout gisent par terre ensanglantez, ib. p. 101. Terre de France, ib. p. 87. Aler m'estuet [me faut aller] mourir en terre estraigne [étrangère], Couci, XXII. Chascun plore sa terre et son païs, Quant il se part de ses coraus amis [amis de cœur], ib. XXIV. Aussi com en la mer est puissanz la baleine, Si est lor poestez en terre soveraine, Sax. XX. Scaïmans e Rogiers par secche terre alerent, Th. le mart. 50.

XIIIe s. Se nous en alons à terre ferme, la terre est grande et large…, Villehardouin, LXII. Et une autre partie s'en embla par terre, qui bien s'en quida aler sainement par Esclavonie, Villehardouin, LIV. Et le fist moult honorablement sevelir comme empereour et mettre en terre, Villehardouin, XCVIII. Et tout li Latin qui estoient hebergié en Constantinoble, de quelque terre que il fussent, n'i oserent puis demorer, Villehardouin, XCI. Li empereres Alexis l'apela en une chambre, puis le fist jeter à terre, et li fist traire les iels fors de la teste, Villehardouin, CXV. Berte dort ens au bois dessus la terre dure, Berte, XLII. … Si comme teres gaignables, bois, prés, vignes, gardins.. . toutes tix [telles] cozes sont heritage, Beaumanoir, XXIII, 3. Tretuit grant et petit ne se sient sus autre chose que sus la terre, et dient que… seoir sus la terre est moult hounorable chose, pour ce que nous sommes tuit de terre, et à la terre devons retourner, Marc Pol, p. 617. C'est grant merveille des richesses qui y sont [dans des îles], d'or, de pierres et de toutes espiceries ; mais elles sont si loings de terre ferme que à grant paine y puet l'en aler, Marc Pol, p. 551.

XIVe s. J'ai pour l'amour de toi grant paine recheüe Et en terre et en mer ; mais Diex m'a secorue, Baud. de Seb. III, 131.

XVe s. Pape Gregoire monta en mer en Marseille… et prit terre à Gennes, Froissart, II, II, 20. Et [les Anglois], venus en la place et devant le moustier, ils mirent tantost pied à terre et empoignerent leurs lances, Froissart, II, II, 210. Si en occirent et mirent par terre grand foison, et puis retournerent dedans Aubenton, Froissart, I, I, 103. Et ainsi donnent achoison Aux ennemis d'eulx mettre à terre [vaincre], Deschamps, Poésies mss. f° 80. Excepté qu'il ne consentiroit pour riens qu'ilz eussent terre [les Anglais en France], Commines, IV, 8. Lancelot commença à le toucher plus vivement que devant à force de grans coups de son espée trenchant, et à prendre terre sur luy, Lancelot du lac, t. III, f° 150, dans LACURNE. Discension se meut entre le suppliant et ung nommé Jehan Ythier, à l'occasion de certaine terre morte ou fumier, Du Cange, terra. À tant prindrent terre [prirent place pour jouter] par devant les hourdis, où ilz furent moult regardez des dames et damoyselles, Perceforest, t. v, f° 105. Terre sans seigneur est legiere à conquester, ib. t. II, f° 34. Tel accroist sa terre, qui n'accroist pas pourtant son honneur, ib. t. III, f° 85.

XVIe s. Or y avoit-il dix ou douze galeres qui le cotovoient [Lautrec] toujours terre à terre, pour le favoriser, Carloix, I, 4. Que mauldite soit cent pieds sous terre l'entreprise ! Carloix, v, 20. Et c'est comme si quelqu'un monstroit à un pere son enfant couché par terre, tout sanglant…, Lanoue, 57. Proverbe a esté depuis et jà de longtemps en usage entre les Grecs mesmement, et de longtemps aussi a esté trouvé veritable : bonne terre, mauvaise gent, H. Estienne, Apol. d'Hérod. p. 4, dans LACURNE. Terre chevauchée est à demi mangée, Cotgrave On ne doit pas laisser bonne terre pour mauvais seigneur, Cotgrave Terres sauvages que l'on appelle en Normandie terres mortes, Du Cange, terra. La terre ouvre son sein ; du ventre des tombeaux Naissent des enterrez les visages nouveaux, D'Aubigné, Tragiques, Jugement.

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Étymologie de « terre »

De l’ancien français terre, (c. 980) terra, du latin terra.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Wallon, têr ; bourguig. tarre ; prov. et ital. terra ; esp. tierra ; du lat terra, de torrere, brûler, rendre sec, de méme radical que le sanscr. tars, être sec, se dessécher ; grec, τέρσομαι, sécher, essuyer : proprement la chose sèche. Terra, de torrere, l'o conservé dans ex-torris, exilé.

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Phonétique du mot « terre »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
terre tɛr

Fréquence d'apparition du mot « terre » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « terre »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « terre »

  • Femme nue, femme noireVêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté !J’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux.Et voilà qu’au cœur de l’Été et de Midi, je te découvre Terre promise, du haut d’un haut col calcinéEt ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigle.Femme nue, femme obscureFruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma boucheSavane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d’EstTam-tam sculpté, tam-tam tendu qui grondes sous les doigts du VainqueurTa voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée.Femme nue, femme obscureHuile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du MaliGazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peauDélices des jeux de l’esprit, les reflets de l’or rouge sur ta peau qui se moireA l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.Femme nue, femme noireJe chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’ÉternelAvant que le Destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.
    Léopold Sédar Senghor —  Chants d’ombre
  • J’ai fait un voyage sur le plus beau bateau qui ait jamais été construit ; particularité étrange, à bord de ce transatlantique, passagers et hommes d’équipage étaient à cheval !Le capitaine, cavalier émérite, montait un pur-sang de courses, il portait un costume de chasse et sonnait du cor pour diriger la manœuvre, quant à moi, ayant horreur de l’équitation, j’avais pu obtenir de passer mes journées sur le cheval de bois de la salle de gymnastique. Nous débarquâmes sur une terre nouvelle où les chevaux étaient inconnus ; les indigènes prirent pour un animal à deux têtes les passagers montés de notre navire, ils n’osèrent s’en approcher en proie à la terreur ; moi seul, reconnu semblable à ces êtres primitifs, je fus fait prisonnier par eux. C’est de la prison ou l’on m’enferma que j’écrivis les lignes qui vont suivre. Cette prison était une île absolument déserte le jour, mais la nuit, les habitants d’une grande ville continentale ou le mariage et l’union libre étaient également défendus, s’y donnaient rendez-vous pour faire d’amour, j’ai pù ainsi rapporter de mon exil la plus splendide collection de peignes de femmes qui soit au monde, depuis le triste celluloïd jusqu’à l’écaille la plus transparente, couverte de pierres précieuses. J’ai offert cette collection à l’un de mes oncles, conchyliologiste distingué, chez lequel elle fait pendant à une vitrine de coquillages indiens.
    Francis Picabia — Jésus-Christ Rastaquouère
  • La terre est au soleil ce que l'homme est à l'ange.
    Victor Hugo — Les Contemplations
  • Chaque baiser est un tremblement de terre.
    George Gordon, Lord Byron
  • Enfant, j’étais, sans excès, un bon élève. Souvent le premier de ma classe, même si mon cousin instituteur se chargeait régulièrement de me faire redescendre sur terre : « Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois », me répétait-il.
    Alain Marsaud — Avant de tout oublier
  • La terre entière, continuellement imbibée de sang, n'est qu'un autel immense où tout ce qui vit doit être immolé sans fin, sans mesure, sans relâche, jusqu'à la consommation des choses, jusqu'à l'extinction du mal, jusqu'à la mort de la mort.
    Joseph de Maistre — Les soirées de Saint-Pétersbourg
  • Femme nue, femme noireVétue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beautéJ’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeuxEt voilà qu’au cœur de l’Eté et de Midi,Je te découvre, Terre promise, du haut d’un haut col calcinéEt ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigleFemme nue, femme obscureFruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma boucheSavane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d’EstTamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueurTa voix grave de contralto est le chant spirituel de l’AiméeFemme noire, femme obscureHuile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du MaliGazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.Délices des jeux de l’Esprit, les reflets de l’or rongent ta peau qui se moireA l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.Femme nue, femme noireJe chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’EternelAvant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.
    Léopold Sédar Senghor — « Femme noire »
  • L’un de nos deux marchands de son arbre descend,Court à son compagnon, lui dit que c’est merveilleQu’il n’ait eu seulement que la peur pour tout mal.Eh bien ! ajouta-t-il, la peau de l’animal ?Mais que t’a-t-il dit à l’oreille ?Car il t’approchait de bien près,Te retournant avec sa serre.Il m’a dit qu’il ne faut jamaisVendre la peau de l’ours qu’on ne l’ait mis par terre.
    Jean de La Fontaine — L’ours et les deux compagnons
  • Voilà. Ces personnages vont vous jouer l’histoire d’Antigone. Antigone, c’est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu’elle va être Antigone tout à l’heure, qu’elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu’elle va mourir, qu’elle est jeune et qu’elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n’y a rien à faire. Elle s’appelle Antigone et il va falloir qu’elle joue son rôle jusqu’au bout… Et, depuis que ce rideau s’est levé, elle sent qu’elle s’éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n’avons pas à mourir ce soir.Le jeune homme avec qui parle la blonde, la belle, l’heureuse Ismène, c’est Hémon, le fils de Créon. Il est le fiancé d’Antigone. Tout le portait vers Ismène : son goût de la danse et des jeux, son goût du bonheur et de la réussite, sa sensualité aussi, car Ismène est bien plus belle qu’Antigone ; et puis un soir, un soir de bal où il n’avait dansé qu’avec Ismène, un soir où Ismène avait été éblouissante dans sa nouvelle robe, il a été trouver Antigone qui rêvait dans un coin, comme en ce moment, ses bras entourant ses genoux, et il lui a demandé d’être sa femme. Personne n’a jamais compris pourquoi. Antigone a levé sans étonnement ses yeux graves sur lui et elle lui a dit « oui » avec un petit sourire triste… L’orchestre attaquait une nouvelle danse, Ismène riait aux éclats, là-bas, au milieu des autres garçons, et voilà, maintenant, lui, il allait être le mari d’Antigone. Il ne savait pas qu’il ne devait jamais exister de mari d’Antigone sur cette terre et que ce titre princier lui donnait seulement le droit de mourir.Cet homme robuste, aux cheveux blancs, qui médite là, près de son page, c’est Créon. C’est le roi. Il a des rides, il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. Avant, du temps d’Œdipe, quand il n’était que le premier personnage de la cour, il aimait la musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes. Mais Œdipe et ses fils sont morts. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses manches, et il a pris leur place.Quelquefois, le soir, il est fatigué, et il se demande s’il n’est pas vain de conduire les hommes. Si cela n’est pas un office sordide qu’on doit laisser à d’autres, plus frustes… Et puis, au matin, des problèmes précis se posent, qu’il faut résoudre, et il se lève, tranquille, comme un ouvrier au seuil de sa journée.La vieille dame qui tricote, à côté de la nourrice qui a élevé les deux petites, c’est Eurydice, la femme de Créon. Elle tricotera pendant toute la tragédie jusqu’à ce que son tour vienne de se lever et de mourir. Elle est bonne, digne, aimante. Elle ne lui est d’aucun secours. Créon est seul. Seul avec son petit page qui est trop petit et qui ne peut rien non plus pour lui.Ce garçon pâle, là-bas, au fond, qui rêve adossé au mur, solitaire, c’est le Messager. C’est lui qui viendra annoncer la mort d’Hémon tout à l’heure. C’est pour cela qu’il n’a pas envie de bavarder ni de se mêler aux autres. Il sait déjà…Enfin les trois hommes rougeauds qui jouent aux cartes, leurs chapeaux sur la nuque, ce sont les gardes. Ce ne sont pas de mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants, et des petits ennuis comme tout le monde, mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l’heure. Ils sentent l’ail, le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents et toujours satisfaits d’eux-mêmes, de la justice. Pour le moment, jusqu’à ce qu’un nouveau chef de Thèbes dûment mandaté leur ordonne de l’arrêter à son tour, ce sont les auxiliaires de la justice de Créon.Et maintenant que vous les connaissez tous, ils vont pouvoir vous jouer leur histoire. Elle commence au moment où les deux fils d’Œdipe, Étéocle et Polynice, qui devaient régner sur Thèbes un an chacun à tour de rôle, se sont battus et entre-tués sous les murs de la ville, Étéocle l’aîné, au terme de la première année de pouvoir, ayant refusé de céder la place à son frère. Sept grands princes étrangers que Polynice avait gagnés à sa cause ont été défaits devant les sept portes de Thèbes. Maintenant la ville est sauvée, les deux frères ennemis sont morts et Créon, le roi, a ordonné qu’à Étéocle, le bon frère, il serait fait d’imposantes funérailles, mais que Polynice, le vaurien, le révolté, le voyou, serait laissé sans pleurs et sans sépulture, la proie des corbeaux et des chacals… Quiconque osera lui rendre les devoirs funèbres sera impitoyablement puni de mort.Pendant que le Prologue parlait, les personnages sont sortis un à un. Le Prologue disparaît aussi. L’éclairage s’est modifié sur la scène. C’est maintenant une aube grise et livide dans une maison qui dort. Antigone entr’ouvre la porte et rentre de l’extérieur sur la pointe de ses pieds nus, ses souliers à la main. Elle reste un instant immobile à écouter. La nourrice surgit.
    Jean Anouilh —  Antigone
  • Nul soupir ne tombe à terre.
    Proverbe turc
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Traductions du mot « terre »

Langue Traduction
Anglais earth
Espagnol tierra
Italien terra
Allemand erde
Chinois 地球
Arabe أرض
Portugais terra
Russe земной шар
Japonais 地球
Basque lurra
Corse a terra
Source : Google Translate API

Synonymes de « terre »

Source : synonymes de terre sur lebonsynonyme.fr

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Terre

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