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Parole

Variantes Singulier Pluriel
Féminin parole paroles

Définitions de « parole »

Trésor de la Langue Française informatisé

PAROLE, subst. fém.

I. − Au sing.
A. −
1. Faculté d'exprimer et de communiquer la pensée au moyen du système des sons du langage articulé émis par les organes phonateurs. Apprentissage de la parole; trouble de la parole; organe de la parole; être privé de l'usage de la parole; être doué de la parole. Dieu soumis lui-même, et plus que l'homme, aux lois générales qu'il a établies, a donné la pensée à condition de la parole, comme il a donné la vision à condition de la vue, et l'audition à condition de l'ouïe (Bonald, Législ. prim., t.1, 1802, p.48).Ils savent faire comprendre leur pensée sans l'emploi de la parole. L'attitude, le geste, la physionomie, l'expression du regard ont leur accent (Barrès, Cahiers, t.5, 1907, p.157).Ce fut Venant qui rompit le silence. Aussitôt les trois hommes se mirent à parler à la fois comme s'ils eussent par miracle recouvré l'usage de la parole (Guèvremont, Survenant, 1945, p.83).
Perdre (l'usage de) la parole. Devenir muet, perdre la faculté de parler. Je décidai de perdre la parole et de vivre en musique (Sartre, Mots, 1964, p.103).
Rester sans parole. Rester interdit, sans pouvoir parler (sous l'effet de la surprise, de l'émotion...). Tous deux restèrent sans paroles, parce qu'ils étaient dans un de ces moments solennels (...) où l'âme semble éprouver quelque chose de la félicité des cieux (Hugo, Han d'Isl., 1823, p.56).Quand tes grands yeux (...) Abaissent jusqu'à nous leurs aimables rayons, Comparables à ces fleurs d'été que nous voyons Tourner vers le soleil leur fidèle corolle, Lors je tombe en extase et reste sans parole (Verlaine, OEuvres compl., t.1, Jadis, 1884, p.328).
Loc. Il ne lui manque que la parole. [En parlant d'un portrait particulièrement ressemblant au point de paraître vivant, d'un animal particulièrement intelligent] (Dict.xixeet xxes.).
2. Usage de cette faculté, expression verbale de la pensée. Convaincre qqn par la parole et par l'exemple; encourager qqn du geste et de la parole; être toujours maître de sa parole; avoir la parole nette, embarrassée; la parole et l'écriture. La communication verbale est beaucoup plus facile que la communication écrite, parce que la parole agit sur les sentiments d'une manière mystérieuse et établit facilement une union sympathique entre les personnes (Sorel, Réflex. violence, 1908, p.9).Il me persuada qu'il tirait bien. Mais il n'y parvint que par la force de la parole et contrairement au témoignage de mes sens (A. France, Vie fleur, 1922, p.305):
1. ... la parole n'est pas le «signe» de la pensée, si l'on entend par là un phénomène qui en annonce un autre comme la fumée annonce le feu. La parole et la pensée n'admettraient cette relation extérieure que si elles étaient l'une et l'autre thématiquement données; en réalité elles sont enveloppées l'une dans l'autre, le sens est pris dans la parole et la parole est l'existence extérieure du sens. Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p.211.
Avoir la parole facile, une grande facilité de parole; avoir le don de la parole. Être éloquent, disert; s'exprimer aisément. Le plus riche négociant, dont la fortune était remarquable (...) plus recommandable encore par ses vertus publiques et privées que relevaient le don de la parole et un caractère de grandeur (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p.117).Il avait la parole facile et exposa son plan avec force détails (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p.171).J'avais une grande facilité de parole. Sans y prendre garde, j'en tirais vanité, j'en usais, j'en abusais, je prenais plaisir à me faire entendre (Billy, Introïbo, 1939, p.64).
Proverbe. La parole est d'argent et (mais) le silence est d'or. Il est bien (bon) de parler et il est mieux (meilleur) de se taire. Les citoyens renonçaient tout à coup à la parole qui est d'argent et se réfugiaient dans un silence d'or (A. France, J. d'Arc, t.1, 1908, p.514).
P. ext. Langage parlé ou écrit, expression parlée ou écrite de la pensée. L'impression sensible des sons de la voix articulée ou des caractères de la parole écrite s'émousse d'autant plus par l'habitude (...) que la langue parlée ou écrite nous devient plus familière, sans que jamais l'idée puisse se passer tout à fait du support de l'impression sensible (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p.170).Dès le matin du crime, les imprimeries ont été mises sous scellé, la parole a été supprimée par Louis Bonaparte, homme de silence et de nuit (Hugo, Nap.le Pt, 1852, p.109):
2. Pour lui [le phénoménologue], l'image est là. La parole parle, la parole du poète lui parle. Nul besoin d'avoir vécu les souffrances du poète pour prendre le bonheur de parole offert par le poète −bonheur de parole qui domine le drame même. Bachelard, Poét. espace, 1957, p.12.
En partic. Liberté de (la) parole. Ensemble de garanties concernant le droit de s'exprimer. Les hommes parlèrent, et tout aussitôt commencèrent à médire de l'autorité, qui ne le trouva pas bon, se prétendit outragée, avilie, fit des lois contre les abus de la parole; la liberté de la parole fut suspendue (Courier, Pamphlets pol., Au réd. «Censeur», 1820, p.35).
LING. [P. oppos. à langue, dans la terminol. saussurienne] Actualisation de la langue par un locuteur dans une énonciation; usage particulier qu'une personne fait de la langue. La parole est (...) un acte individuel de volonté et d'intelligence, dans lequel il convient de distinguer: 1oles combinaisons par lesquelles le sujet parlant utilise le code de la langue en vue d'exprimer sa pensée personnelle; 2ole mécanisme psycho-physique qui lui permet d'extérioriser ces combinaisons (Sauss.1916, pp.30-31).
B. − Action, fait de parler. Ôter la parole à qqn. Ah! non! Taisez-vous, maintenant. Puisqu'on me force à parler, au moins qu'on me laisse la parole! (Pagnol, Fanny, 1932, i, 1ertabl., 9, p.34).
Adresser la parole à qqn. Parler directement à quelqu'un. Ne plus adresser la parole à qqn. Ne plus parler à quelqu'un. [Mon voisin de train] lit dédaigneusement un journal et adresse de temps en temps la parole à un homme en face de lui (Delacroix, Journal, 1854, p.234).Non seulement il ne tendit pas la main à Bloch, mais chaque fois que celui-ci lui adressa la parole il lui répondit de l'air le plus insolent, d'une voix irritée et blessante (Proust, Guermantes 2, 1921, p.382).
Couper la parole à qqn. Interrompre quelqu'un. Permettez, commença le docteur (...) mais un geste impérieux du petit juge lui coupa la parole, et il termina sa phrase par un bredouillement confus (Bernanos, Crime, 1935, p.775).Tu es fatigué, charbonnier? Tu as faim peut-être? (...) Il eut une espèce de geste très las, qui lui coupa la parole: «Non, je t'assure, pas envie, me coucher, seulement (...)» (Aragon, Beaux quart., 1936, p.284).En avoir la parole coupée. Être interrompu, ne plus pouvoir parler (sous l'effet de la surprise, de l'indignation, de la colère, etc.). Ma très chère «Sido» me posa sa main rapide sur le bras, me regarda de si près que j'en eus la parole coupée (Colette, Pays connu, 1949, p.36).
Rem. On relève des empl. de l'expr. couper la parole où le compl. prép. désigne un instrument de mus.: Un vigoureux «tutti» vient couper la parole au cor (Berlioz, À travers chants, 1862, p.24). Le violoncelle [dans l'Adagio du quatuor op. 59 No1 de Beethoven] (...) égrène soudain des pizzicati en triples croches, pressés, orageux et sourds comme des battements de coeur crescendo; tandis que les trois autres instruments cherchant à se couper la parole, clament, fiévreux, haletants, les premières notes du thème (Marliave, Quat. Beethoven, 1925, p.90).
Passer, donner la parole à qqn. Inviter quelqu'un à parler, à donner son avis. Le visage de M. Thibault demeurait impénétrable; sa main molle se souleva vers l'abbé Binot, comme pour le prendre à témoin et lui donner la parole (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p.599).
Prendre la parole. Parler en public, prononcer une allocution, un discours. Vous m'avez fait l'honneur de m'inviter à prendre la parole devant un auditoire aussi qualifié que le vôtre (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.529).
Rem. On relève un empl. p.anal. où l'expr. prendre la parole a pour suj. un inanimé: Les voix argentines (...) de la Samaritaine (...) répétaient midi, midi! (...) et l'horloge du Louvre prit bientôt la parole avec plus de solennité (Nerval, Nouv. et fantais., 1855, pp.199-200). Le déclin du jour l'émouvait; les fleurs se colorent, les contours s'accusent, tout s'avive et prend la parole (Barrès, Sang, 1893, p.38).
Loc., vieilli
Être en parole (avec qqn). Être en conversation. (Dict.xixeet xxes.).
Porter la parole. Parler au nom de plusieurs personnes. Un représentant n'a droit de porter la parole que pour ses représentés (Sieyès, Tiers état, 1789, p.80).Si vous ne trouvez pas d'indiscrétion à ma demande, dit Leuwen, je vous prierais de porter la parole, je suis odieux à ce petit préfet (Stendhal, L. Leuwen, t.3, 1835, p.182).
Se prendre de parole(s) avec qqn. Se disputer avec quelqu'un. Un de Beaufort-Cauillac, étant à une fête de village, se prit de paroles avec un gentilhomme qui regardait par la fenêtre (Taine, Essais crit. et hist., 1858, p.233).
En partic. [Dans une assemblée délibérante] Droit de parler. Obtenir la parole; donner, passer la parole (à qqn); accorder, refuser la parole (à qqn); garder la parole trop longtemps; temps* de parole. M. Leuwen (...) demande la parole pour un fait personnel. Le président la lui refuse. M. Leuwen se récrie, et la chambre lui accorde la parole au lieu d'un autre député qui cède à son tour (Stendhal, L. Leuwen, t.3, 1835, p.222).
La parole est à qqn. C'est à quelqu'un de parler. Séance du 21 décembre 1906. −... La clôture, la clôture... Le Président: La parole est à M. Maurice Barrès (Barrès, Cahiers, t.5, 1906, p.84).La parole est au commissaire du gouvernement pour la lecture de son rapport (Vercel, Cap. Conan, 1934, p.81).
Au fig. C'est à tel moyen d'action de se manifester. Les belligérants, ayant dit que la parole est au canon, ne s'occupent plus de la morale (Le Dantec, Savoir, 1920, p.58).
Avoir la parole. Être autorisé à parler. À la chambre, le ministre des finances lui dit: −Cher ami, il ne faut pas être insatiable. −En ce cas, cher ami, il faut être patient. Et M. Leuwen se fit inscrire pour avoir la parole le lendemain (Stendhal, L. Leuwen, t.3, 1835, p.234).
P. ext. Avoir la possibilité de parler. Padre, vous avez la parole pour l'histoire de votre premier lion (Maurois, Sil. Bramble, 1918, p.67).
DR. Droit de parole. ,,Droit qu'a tout parlementaire et tout membre de l'assemblée nationale de demander à obtenir la parole dans une discussion, selon les conditions fixées par le règlement intérieur des assemblées`` (Cap. 1936). User de son droit de parole.
JEUX. [À certains jeux de cartes]
Avoir la parole. Avoir à son tour le droit de faire une annonce, une enchère. (Dict.xixeet xxes.).
Passer la parole. Ne pas faire l'annonce ou l'enchère qu'on a le droit de faire à son tour et passer ce droit au joueur suivant. Absol. Parole! Je passe (Dict.xixeet xxes.).
C. − Façon, manière de parler. Parole brève, douce, froide, nette, sèche; parole lente, nasillarde; parole expansive, impérative; vivacité de parole. Un beau vieillard, aux cheveux et à la barbe d'argent, à la physionomie grave et douce, à la parole noble, suave et cadencée, tout à fait semblable à l'idée du prêtre dans le poëme ou dans le roman (Lamart., Voy. Orient, t.2, 1835, p.187).La parole gauche de Roberto tiédissait l'air comme un dégel (Gracq, Syrtes, 1951, p.129):
3. ... Richepin parle assez drolatiquement de deux parentes de sa femme (...). L'une, la mère, très exubérante, très grande parleuse; l'autre, une concise, mais formulant des phrases dans lesquelles était comme condensée toute l'exagération de la parole méridionale. Ainsi, la mère disant de son enfant, à propos de je ne sais quel petit méfait: «Alors, j'ai fait des noeuds à mon mouchoir, et je lui en ai donné!... Je lui en ai donné! −Oui, reprenait la soeur, oui, quand je suis montée à ses cris, sa chair n'était qu'une bouillie!» Goncourt, Journal, 1894, p.552.
En partic. Éloquence. Puissance de la parole; efficacité de la parole; artisan, virtuose de la parole. Oscar recouvra son assurance, et, avec l'intarissable verve qui ne l'abandonnait jamais, il prit à partie cet adversaire imprévu [un avocat], et lui fit voir qu'il avait un maître dans l'art de la parole (Reybaud, J. Paturot, 1842, p.179).
Rem. On relève des empl. au fig. ou p.métaph. où parole est utilisé pour parler d'objets matériels: On ne peut comparer cette création [l'escalier de la tour hexagone du château de Blois] étourdissante de détails ingénieux et fins, pleine de merveilles qui donnent la parole à ces pierres, qu'aux sculptures abondantes et profondément fouillées des ivoires de Chine ou de Dieppe (Balzac, Martyr calv., 1841, p.92). Ma poitrine aspirait cette indéfinissable vapeur qui venait du fleuve, mon oreille s'emplissait avec joie du cri déchirant des sirènes et de la parole des cloches (Jammes, Mém., 1922, p.143). Tèole venait tous les matins à la place de l'église et elle écoutait. Ça commençait assez tard, avec le gros soleil, et tout d'un coup, elle avait sur elle la parole confuse et toute embrouillée des chutes d'eau et du torrent et ça lui crachait à la figure des paquets d'air frais (Giono, Eau vive, 1943, p.166).
II. − Au sing. ou au plur.
A. − Élément du langage parlé; mot ou suite de mots servant à exprimer la pensée. Sens, signification des paroles; partir sans prononcer une parole; citer les propres paroles de qqn; répéter, rapporter les paroles de qqn. Elle jeta ses regards au ciel, en pensant aux dernières paroles de sa mère, qui, semblable à quelques mourants, avait projeté sur l'avenir un coup d'oeil pénétrant, lucide (Balzac, E. Grandet, 1834, p.243).À peine sortions-nous par le grand portail que derrière la bascule municipale (...) deux individus encapuchonnés (...) partirent d'un seul coup (...) dirent en courant deux ou trois paroles coupées de rires (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p.133).Elle n'a eu qu'à dire quelques paroles, agissant de loin sur mon chagrin, débarrassant ma vie de ce qui me faisait tant de mal. Chacune de ses paroles rendait l'air plus léger (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p.104):
4. Pour que je comprenne les paroles d'autrui, il faut évidemment que son vocabulaire et sa syntaxe soient «déjà connus» de moi. Mais cela ne veut pas dire que les paroles agissent en suscitant chez moi des «représentations» qui leur seraient associées et dont l'assemblage finirait par reproduire en moi la «représentation» originale de celui qui parle. Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p.214.
[Constr. dans un syntagme mettant l'accent sur l'aspect physique de la parole ou des paroles]
Verbe + parole.Articuler une parole, des paroles; bredouiller, crier, grommeler, hurler, murmurer des paroles; arracher une parole à qqn; percevoir des paroles. Le prêtre, appuyé sur un genou, marmottait des paroles basses (Flaub., MmeBovary, t.2, 1857, p.179).Elle avait dû hausser le ton, car le hurlement d'Estelle couvrait ses paroles (Zola, Germinal, 1885, p.1148).Il ne vivait que par l'ouïe. Car il entendait des paroles, proférées alentour, mais sans consistance comme suspendues en l'air, dans l'irréalité d'un rêve (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p.184).
Parole(s)+ adj.Paroles confuses, entrecoupées, hachées, indistinctes. Il ne put saisir d'abord ses paroles bégayées, coupées entre ses dents (Zola, Débâcle, 1892, p.539).
Subst. + de, des parole(s).Le bruit des paroles; flot, flux, torrent de paroles. Il l'étourdissait ainsi d'un flot de paroles, d'hypothèses si saugrenues, que le capitaine, hors de lui, finit par couper court (Zola, Débâcle, 1892, p.512).Inutile de jeter des cris, c'était dit, et rien n'y ferait. La foudre n'eût pas agi autrement sur la malheureuse mère qui, sans voix, sans force, tremblante, laissa couler ce déluge de paroles (Aragon, Beaux quart., 1936, p.239).
[Constr. dans un syntagme mettant l'accent sur l'expr., sur le contenu communiqué]
Verbe ou loc. verb. + parole(s).Adresser des paroles à qqn; échanger quelques paroles avec qqn; calculer, mesurer, peser ses paroles; laisser échapper une parole; n'être pas avare de paroles; désavouer, démentir les paroles de qqn; dévorer les paroles de qqn; s'enivrer, se griser de paroles. Le jeune garçon semblait boire ses paroles (Sartre, Nausée, 1938, p.206).Il fut un temps où mes amis riaient de moi. Je n'étais pas le maître de mes paroles. Une certaine indifférence. Je n'ai pas toujours bien su ce que je voulais dire, mais, le plus souvent c'est que je n'avais rien à dire (Éluard, Donner, 1939, p.21).
Parole(s) + adj. ou compl. déterminatif.Paroles absurdes, claires, compréhensibles, incohérentes, inintelligibles, oiseuses, sensées, vaines; paroles directes, naïves, simples; paroles ambiguës, équivoques, hypocrites, véridiques; paroles à double sens; paroles aimables, caressantes, conciliantes, consolantes, douces, touchantes; paroles acerbes, blessantes, brutales, désagréables, diffamatoires, injurieuses, offensantes, piquantes; paroles grossières, impies, obscènes, sacrilèges, violentes, vives; paroles imprudentes, compromettantes; parole(s) d'appel, d'avertissement, de blâme, de conciliation, de défi, de louange, de malédiction, de menace, de paix, de politesse; paroles de miel. François lui eut de la reconnaissance de ne pas casser, comme elle faisait souvent, par des paroles insignifiantes, un silence qu'il préférait à tout (Radiguet, Bal, 1923, p.136).Il y a les paroles d'espérance. Il y a ce pauvre trésor des promesses que nous recomptons sans nous lasser (Mauriac, Journal 2, 1937, p.186).Joseph prononça quelques paroles qu'il pensait des plus aimables et qui étaient, au sentiment de Suzanne, terriblement maladroites (Duhamel, Suzanne, 1941, p.206).
Loc., vieilli. Avoir des paroles (avec qqn). Se disputer. Synon. avoir des mots (fam.).Les deux frères ne pouvant plus se rencontrer sans avoir des paroles (...) on partagea les terres (Fabre, Xavière, 1890, p.209).
Ne pas avoir une parole plus haute que l'autre. V. haut1.
Bonnes paroles. Paroles exprimant de la compassion, de l'intérêt, des encouragements pour quelqu'un. Le duc de Bourgogne arriva; il s'efforça de les apaiser en leur parlant doucement et leur disant de bonnes paroles. Mais ces gens-là n'entendaient rien (Barante, Hist. ducs Bourg., t.4, 1821-24, p.186).Ann était en ce moment affligée d'un rhume et d'un enrouement violents, et tout occupé (...) à la réconforter de bonnes paroles et à lui conseiller de bien prendre garde à son rhume, il oublia totalement de lui demander son second nom (Baudel., Paradis artif., 1860, p.406).
(Faire) rentrer, renfoncer les paroles dans la gorge (la bouche) de qqn (à qqn). Empêcher quelqu'un de continuer à parler. Elle le baisa, comme pour lui rentrer les paroles dans la bouche. −Qui est-ce qui t'a appris de vilains mots? C'est défendu, il ne faut pas les répéter, mon chéri (Zola, Débâcle, 1892, p.518).−Après toi! glapit Barque, furieux, en s'adressant au sifflet empanaché. Mais le terrible appareil continuait de plus belle à renfoncer impérieusement les paroles dans les gorges. Quand il se tut, et que son écho tinta dans nos oreilles, le fil du discours était rompu à jamais (Barbusse, Feu, 1916, p.101).
Moulin* à paroles.
Proverbe. [En parlant de la versatilité, de l'habitude de changer d'avis] Les paroles du matin ne ressemblent pas à celles du soir. (Dict.xixeet xxes.).
Vx. [Empl. où la lang. d'auj. utiliserait mot, nom, terme ou expression]
J'achève en trois paroles. Je n'ai fait qu'apercevoir ce jeune homme, je ne lui ai dit que quatre paroles (Dumas père, Mari Veuve, 1832, 9, p.259).C'est Maheu qui m'amène monsieur (...) pour voir s'il n'y a pas une chambre en haut, et si nous ne pourrions pas faire crédit d'une quinzaine. Alors, l'affaire fut conclue en quatre paroles (Zola, Germinal, 1885, p.1191).
Dispute de paroles. Discussion, débat qui ne porte que sur les mots, les termes (et où on laisse de côté le fond de la question). (Dict.xixeet xxes.).
Jeu de paroles. Jeu de mots (Dict.xixeet xxes.).
En paroles couvertes. À mots couverts. Je lui ai fait entendre cela en paroles couvertes (Ac.).C'était lui dire en paroles couvertes qu'il était un ignorant (Ac.).
B. − En partic.
1. [La parole ou les paroles considérées comme qqc. de superficiel, de vain, de périssable, p.oppos. aux écrits, aux actes, aux faits, etc.] Les paroles s'envolent, les écrits restent; les paroles et les actes; ce ne sont que des paroles. Ne nous laissons pas enfoncer par ce vieux finaud de papetier, il est temps de lui demander autre chose que des paroles (Balzac, Illus. perdues, 1843, p.618).La philosophie nominaliste (...) dénonçait dans les idées générales, dans les abstractions, un artifice de la pensée; elle n'y voyait rien de plus consistant que les mots les désignant, un bruit de paroles, «flatus vocis» (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p.134):
5. Ainsi m'est-il apparu une nouvelle vérité et c'est qu'il est vain et illusoire de s'occuper de l'avenir. Mais que la seule opération valable est d'exprimer le monde présent. Et qu'exprimer c'est bâtir avec le disparate présent le visage un qui le domine, c'est créer le silence avec les pierres. Toute autre prétention n'est que vent de paroles... Saint-Exup., Citad., 1944, p.5.
En paroles. D'une manière purement verbale. En actes et en paroles. Les objections que le philosophe adresse aux mythes révolutionnaires ne sauraient faire impression que sur les hommes qui sont heureux de trouver un prétexte pour abandonner «tout rôle actif» et être seulement révolutionnaires en paroles (Sorel, Réflex. violence, 1908, p.39).
Parole(s) en l'air. Propos vague, inconsidéré qui ne doit pas être pris au sérieux. La fausse gaîté de Mahaut donnait à penser qu'elle avait déjà oublié ce départ, qu'il pouvait peut-être le mettre sur le compte d'une parole en l'air (Radiguet, Bal, 1923, p.135):
6. La Faloise riait de son air crevé, avec des larmes dans les yeux (...). −Tu ne sais pas, dit-il un soir, après avoir reçu des calottes, très allumé, tu devrais m'épouser... Hein? Nous serions rigolos tous les deux! Ce n'était pas une parole en l'air. Il avait sournoisement projeté ce mariage, pris du besoin d'étonner Paris. Le mari de Nana, hein? Quel chic! Zola, Nana, 1880, p.1457.
En partic. Promesses, assurances (qui ne seront pas tenues). Amuser qqn de paroles; payer qqn de, en paroles. Hélène: (...) Il a dit qu'il (...) allait faire cesser toute l'incertitude de mon sort passé. Gaston: Paroles, paroles que tout cela! (Dumas père, Fille du régent, 1846, i, 13, p.179).
Belles paroles (péj.). Promesses, assurances trop belles pour être vraies. Les voilà, les hommes, tenez! Diseurs de belles paroles et quand on les prend au mot...! (Elle complète sa pensée en faisant craquer l'ongle de son pouce contre ses incisives supérieures) (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, iii, 19, p.73).Alors, tes brochures, tes conférences! Toutes tes belles paroles! Dans les congrès, oui! Mais devant une intelligence qui sombre, fût-ce celle d'un fils, rien ne compte (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p.725).
Se payer de paroles. Croire tout ce qu'on dit, tous les propos tenus (de façon inconsidérée). (Dict.xixeet xxes.).
2. [Les paroles considérées comme ayant une force, une puissance spécifique, notamment en parlant des mots d'une formule] Paroles cabalistiques, incantatoires, magiques. Dans le cérémonial de noces bédouin le plus ancien, le fiancé revêt la fiancée d'un manteau spécial appelé «aba» en prononçant ces paroles rituelles: «Que nul autre que moi ne te couvre jamais!» (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p.238).L'évêque fait une pause pour donner plus de solennité aux paroles consécratoires: «Conférez donc, ô père tout-puissant, nous vous en supplions, la dignité sacerdotale à votre serviteur (...)» (Billy, Introïbo, 1939, p.145).V. charmeur ex. 1.
Paroles sacramentelles. Paroles rituelles essentielles prononcées lors de l'administration d'un sacrement. Monsieur le curé, lui dit-elle, donnez-moi l'absolution. Le Père Longuemare murmura gravement les paroles sacramentelles (A. France, Dieux ont soif, 1912, p.274).
Fam. Formule nécessaire à l'accomplissement d'un acte plus ou moins ritualisé. Mettons-nous à table (...) car voilà qu'on vient nous annoncer que nous sommes servis. En effet, un domestique ouvrit une des quatre portes du salon et fit entendre les paroles sacramentelles: −Al suo commodo! (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.497).Le dernier maringouin vint se poser sur la figure de la petite Alma-Rose. Gravement elle récita les paroles sacramentelles: −Mouche, mouche diabolique, mon nez n'est pas une place publique! Puis elle écrasa prestement la bestiole d'une tape (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p.81).
C. − Énoncé oral.
1. Pensée exprimée oralement sous une forme brève et remarquable. Parole célèbre, historique. Jordano Bruno, au seizième siècle, disait cette mémorable parole: «Quand je vois un homme, ce n'est pas un homme en particulier que je vois, c'est la substance en particulier» (P. Leroux, Humanité, 1840, p.247):
7. En 1848, les prolétaires de Paris, de Vienne, de Berlin tentèrent, en d'audacieuses journées, de dériver vers le socialisme le mouvement de la révolution. La fameuse parole de Blanqui: «On ne crée pas un mouvement, on le dérive» est l'expression même de cette politique. Jaurès, Ét. soc., 1901, p.XXVIII.
2. Engagement verbal, promesse verbale; p.ext. assurance donnée correspondant à un engagement personnel, promesse faite sur l'honneur. Parole d'honneur; donner sa parole d'honneur (v. honneur I B 1 a); tenir parole, sa parole; être fidèle à sa parole; faire honneur à sa parole; manquer de parole (à qqn). −Écoute, Guillaume... j'ai manqué à ma parole, j'ai manqué à ma parole le jour même où je me suis réellement senti une parole, le premier jour de ma vie d'homme (Bernanos, M. Ouine, 1943, p.1381).Je l'interrompis: «Tu vas me donner ta parole de rompre avec toute cette bande, ou tu quittes Paris ce soir même (...)» (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.199):
8. Considérez-vous qu'un homme doive être mis au ban de la société quand il a commis le crime d'anthropophagie? Oui, n'est-ce-pas? Nous sommes d'accord. Mais s'il a commis ce crime uniquement par amitié, par fidélité, par dévouement, par respect de la parole donnée? Duhamel, Suzanne, 1941, p.112.
Dégager, rendre, reprendre, retirer sa parole. Revenir sur un engagement. On ne peut rendre le désespoir auquel je me livrai quand elle me retira sa parole, en me disant qu'elle ne serait jamais à moi (Chênedollé, Journal, 1804, p.6).Nous sommes convenus que je puis reprendre ma parole jusqu'à la fin de l'année, lui restant engagé, en tout cas, si je le veux (R. Bazin, Blé, 1907, p.151).
Rendre sa parole à qqn. Délier quelqu'un d'un engagement. La baronne ne serait pas éloignée de me rendre ma parole et de reprendre la sienne en échange (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p.269).
N'avoir qu'une parole. S'en tenir strictement à ses engagements, respecter scrupuleusement ses engagements. Moi, je n'ai qu'une parole; je vous avais promis, en venant ici faire quelques emplettes, de vous apporter votre brevet de lieutenant... (Le tirant de sa poche et le lui présentant). Le voici! (Scribe, Bertrand, 1833, ii, 8, p.163).Tu me gardes toute ton affection? Tu peux, tu le sais, entièrement compter sur moi! Je n'ai qu'une parole! Tu me comprends! (Céline, Mort à crédit, 1936, p.450).
Ne pas avoir de parole. Ne pas respecter ses engagements. (Dict.xixeet xxes.).
Avoir deux, plusieurs paroles. Revenir sur ses engagements. Me connaissez-vous pour un homme qui a deux paroles? Allez au palais ce soir, ou vous êtes perdue (Musset, Lorenzaccio, 1834, iv, 4, p.223).
Être de parole. Respecter ses engagements. Le colonel: −Je viens de voir un homme qui ne se propose rien moins que de lui brûler la cervelle s'il s'adresse à cette petite dame. Cet homme-là, madame, est de parole (Balzac, Paix mén., 1830, p.331).Il entendit le signal de la contredanse et se trouva tout à coup face à face avec Reine Lecomte. −À la bonne heure! s'écria gaiement la couturière, vous êtes de parole; donnez-moi le bras (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p.10).
Homme de parole. Homme qui respecte ses engagements. Le duc, entrant: Allons, Lorenzino, je reconnais que tu es un homme de parole (Dumas père, Lorenzino, 1842, v, 6, p.277).
Sur parole. Sans autre garantie que l'engagement pris. Jouer sur parole. La plupart de ses affaires s'étaient conclues sur parole, et il avait rarement eu des difficultés (Balzac, C. Birotteau, 1837, p.124).J'avais perdu sur parole, dans une maison de jeu, avec des Portugais. Le lendemain, il fallait donner cet argent (Loti, Mon frère Yves, 1883, p.46).Elle s'adresse à un personnage louche, un trafiquant d'armes que la Gestapo a arrêté, puis relâché sur parole, c'est-à-dire, sous condition qu'il serve d'indicateur (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p.217).
Liberté sur parole. Liberté accordée à un prisonnier sous certaines conditions qu'il s'engage sur l'honneur à respecter. (Dict.xixeet xxes.).
Prisonnier sur parole. Prisonnier auquel on accorde la liberté sous certaines conditions qu'il s'engage à respecter sur l'honneur. C'est depuis qu'il a sa famille que S.A.R. se sent en exil. Par délicatesse elle ne veut pas le quitter et lui ne veut pas se déguiser pour les frontières et la fuite (...). Prisonnier sur parole et sous la main émue des hêtres à quelle destinée songe-t-il? (Jacob, Cornet dés, 1923, p.236).P. ell. du déterminé. Le commandant de cette prison (...) accepta le chevalier comme un bienfait de la Providence; il lui proposa d'être à l'Escarpe sur parole, et de faire cause commune avec lui contre l'ennui (Balzac, Muse département, 1844, p.119).
Croire qqn/qqc. sur parole. Sans autre preuve que la parole. Quelles peuvent être les relations de la philosophie et des hommes? C'est seulement en leur nom et de leur part que sera dissipée l'équivoque du mot philosophie. Il ne faut point croire sur parole ses promesses abstraites et la générosité paresseuse qui coule dans ses mots (Nizan, Chiens garde, 1932, p.28).J'ai dit ce que je pensais, comme je le pensais (...). J'ai pu me tromper: personne n'est infaillible. Mais je ne vous avais pas obligé à me croire sur parole (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.239).V. désavouer ex. 1.Empl. pronom. réfl. Nous possédons en nous toute une réserve de formules, de dénominations, de locutions toutes prêtes, qui sont de pures imitations, qui nous délivrent du soin de penser (...) C'est pourquoi il faut difficilement se croire soi-même sur parole. Je veux dire que la parole qui nous vient à l'esprit, généralement n'est pas de nous (Valéry, Variété III, 1936, p.282).
Empl. interj. [Appuie, renforce une affirm., un propos] Parole! Ma parole! Sur ma parole! Parole d'honneur! Ma parole d'honneur! (v. honneur I B 1 a). Sur ma parole! murmura Rocambole après avoir lu la lettre, les femmes ne doutent de rien. Croire qu'un amoureux va faire trois lieues par la pluie et la nuit pour aller à un rendez-vous, c'est bien de la fatuité! (Ponson du Terr., Rocambole, t.3, 1859, p.456).Comment, Suzanne, vous êtes seule au jardin, seule au bord de la terrasse, comme la jeune Mélisande à sa fenêtre! Je descends, parole! Et je vous offre l'étrenne de ma barbe (Duhamel, Suzanne, 1941, p.188).On se croirait en révolution, ma parole! Ce n'est pas le cas pourtant, vous le savez bien (Camus, État de siège, 1948, 3epart., p.281).
HIST., DR.
Paroles de présent. [Avant le Concile de Trente] Déclaration, engagement de se prendre pour mari et femme qui tenait lieu de mariage. (Dict.xixeet xxes.).
Vieilli. Donner parole, porter parole. Promettre, donner l'assurance à quelqu'un de. L'Espagnol, une dernière fois, voulut faire donner parole aux assistants, de ne rien divulguer de l'affaire (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p.302).
Prendre parole, avoir parole de qqn. Faire promettre à quelqu'un de, avoir la promesse de quelqu'un que. (Dict.xixeet xxes.).
D. − Texte.
1. Mot ou expression d'un texte. Harmonie des paroles; méditer la parole, les paroles d'un philosophe; tourner les paroles d'un billet de plusieurs façons. Il faut copier de lui [Lessing] ces paroles admirables: «Ce qui fait la valeur de l'homme, ce n'est pas la vérité qu'il possède, ou qu'il croit posséder; c'est l'effort sincère qu'il a fait pour la conquérir (...)» (Gide, Journal, 1894, p.52).Comme j'envoyais un mot à Sonia, il m'a semblé qu'un grand oiseau d'azur traversait la page étalée sur laquelle j'écrivais des paroles d'excuse (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p.126):
9. Le scandale que provoqua la parole de Nietzche était le résultat d'une erreur et d'une apparence. Mais ce scandale abusa ses contemporains. Cette apparence scandaleuse lui venait de la violence lyrique et géniale avec laquelle sa parole s'attaquait aux dernières entraves qui empêchaient le libre citoyen, devenu monade autonome, de développer, jusqu'aux dernières conséquences, les droits qu'il détenait de son affranchissement. J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p.261.
Histoire sans paroles. Dessin ou série de dessins, le plus souvent humoristiques, assez clairs pour se passer de légende(s). (Dict.xixeet xxes.).
En partic., au plur. Texte d'une pièce de musique vocale. Les paroles d'une chanson, d'un livret d'opéra; mettre des paroles en musique; paroles et musique de X. Elle poussa un cri triste et doux, s'agenouilla et se prit à chanter quelques paroles d'une mélodie singulière (Sue, Atar-Gull, 1831, p.17).Chez Viardot. Musique de Glück chantée admirablement par sa femme (...) Je lui disais [à Chenavard] que les paroles de ces opéras étaient admirables (Delacroix, Journal, 1855, p.308).Une musique sans paroles, toute instrumentale (Schaeffner, Orig. instrum. mus., 1936, p.19):
10. À voix basse le romain chante au veilleur de nuit la chanson interdite Partant pour l'Éthiopie avanti... avanti... les fusils partiront tout seuls c'est moi qui vous le dis qu'ils partent donc tout seuls les fusils qu'ils s'en aillent nous resterons à la maison (...) le veilleur de nuit ne comprend pas toutes les paroles de la chanson mais il en comprend le sens et il recommence à rire... Prévert, Paroles, 1946, p.140.
2. [Dans le lang. des relig. révélées] La parole de Dieu, la parole divine, ou, absol. (avec une maj.) la Parole. Expression de la pensée, de la volonté de Dieu, telle qu'elle est révélée par l'Écriture Sainte (la Parole écrite) et par la Tradition (la Parole non écrite); p.ext. Révélation (la Parole révélée). L'âme chrétienne habituée à recevoir avec respect la parole révélée de l'écriture (Théol. cath.t.4, 11920, p.896).La foi s'est plu à voir en lui [Jésus-Christ] Dieu présent parmi nous, ou encore, le fils de Dieu, le Verbe incarné, la parole de Dieu, le révélateur du père, etc. (Philos., Relig., 1957, p.48-15):
11. L'écriture sainte n'étant pas pour le protestantisme un texte sacré, dont chaque parole est divinement inspiré, l'interprétation de l'écriture ne saurait être celle d'un code; le protestantisme ne lit pas la Bible verset par verset, il lit la Bible comme une unité. Il n'oublie pas la diversité historique de ses écrits, mais, dans la mesure où la Parole y retentit, il y retrouve l'unité de l'acte de Dieu à l'égard de l'homme. Philos., Relig., 1957, p.50-6.
Paroles de vie. Prédication, enseignement religieux. Debout, dans la chaire de la parole de vie, un prêtre, seul vêtu de lin blanc au milieu du deuil général, le front chauve, la figure pâle, les yeux fermés, les mains croisées sur la poitrine, est recueilli dans les profondeurs de Dieu (Chateaubr., Génie, t.2, 1803, p.320).Le sombre Ézéchiel Sur le tronc desséché de l'ingrat Israël, Fait descendre à son tour la parole de vie (Lamart., Médit., 1820, p.265).
Porter, prêcher la bonne parole. Prêcher l'Évangile. Les ligues d'abstinence où le révérend Humdrum portait la bonne parole et stigmatisait l'infamie des hommes désordonnés qui ne tiennent plus droit quand ils ont bu (Hamp, Champagne, 1909, p.234).J'ai écrit un sermon, une lettre, une dissertation sur le patriarche Simon le moabite, et persuadé à mon frère qu'au lieu de sculpter pour gagner quelques sous, il devrait aller porter la bonne parole dans les auberges (Jacob, Cornet dés, 1923, p.231).
P. ext. Tenir des propos rassurants ou raisonnables ou officiels auxquels on ne croit pas nécessairement. Il fallait que ça soye plutôt moi qu'irais porter la bonne parole! (...) C'était vraiment la tragédie pour que je me tape moi une corvée aussi cafouilleuse... Enfin je me suis bien ressoufflé, reblindé d'avance. J'ai répété tous les trucs... Tout ce que je devais raconter... Tout un agencement de bobards (Céline, Mort à crédit, 1936, p.506).
Parole éternelle, Parole incréée. Le Verbe, fils de Dieu (d'apr. Marcel 1938).
Ministère de la parole. Ministère consistant à annoncer le salut en Jésus-Christ, ou à développer l'enseignement concernant cette première annonce (d'apr. Foi t.1 1968). [Selon Luther] l'Église n'avait reçu du Christ qu'un ministère à remplir en excitant le pécheur à revenir aux sentiments de son baptême. À ce ministère de la parole, l'Église a substitué un pouvoir qu'elle exerce moyennant les trois éléments dont elle a constitué le sacrement nouveau (Théol. cath.t.14, 11938, p.559).
Au fig. Parole d'évangile. V. évangile B 1.
Prononc. et Orth.: [paʀ ɔl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.I. Faculté d'exprimer la pensée par le langage articulé A. Ca 1100 «expression verbale de la pensée» (Roland, éd. J. Bédier, 140: De sa parole ne fut mie hastifs, Sa custume est qu'il parolet a leisir); spéc. 1916 ling. distingué de langue* (Sauss., p.30). B. 1130-40 «action de parler» metre a parole «faire parler» (Wace, Conception N.-D., éd. W.R. Ashford, 651). C. Le langage oral considéré par rapport à l'élocution, au ton de la voix ca 1140 de sa pleine parole «à haute voix» (Pèlerinage de Charlemagne, éd. G. Favati, 8); ca 1165 parole basse (Benoît de Ste-Maure, Troie, 5299 ds T.-L.); 1160-74 (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 1669: Sa voiz e sa parole mue). D. ca 1165 «faculté d'exprimer sa pensée par le langage articulé» (Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 3068: De joie li faut la parole). E. 1606 «art de parler, éloquence» employer sa parole à gagner argent (Nicot); 1674 (Boileau, Art poétique, chant IV ds OEuvre, éd. F. Escal, p.184); 1740 avoir le don de la parole (Ac.). F. 1688 «droit de parler» (La Bruyère, Caractères, De la Cour, 17 ds OEuvre, éd. J. Benda, p.218: Ils ont la parole, président au cercle). II. Son articulé exprimant la pensée A. Suite de mots, message, discours, propos exprimant une pensée ca 1100 (Roland, 145: De cez paroles que vous avez ci dit...; 1097: Bon sunt li cunte e lur paroles haltes); 1160-74 (Wace, Rou, II, 867: [Li evesque] Ne fist pas grant parole ne ne fist grant sermon). B. spéc. 1155 «discussion, dispute» (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 4359); 1531 avoir des paroles ensemble (Perceforest, t.3, foch. 3 ds Littré). C. ca 1165 «promesse» doner parole (Benoît de Ste-Maure, op.cit., 13621, ibid.); 1560 prisonniers pour la parole (E. Pasquier, lettre 21 août, ds Lettres hist., éd. D. Thickett, p.45); 1628 (croire) sur vostre parole (Guez de Balzac, lettre 11 déc. ds OEuvres, éd. 1665, p.284); 1633 homme de parole (Id., lettre 4 juill., ibid., p.202). D. ca 1180 «expression verbale d'une pensée remarquable» (Thomas, Tristan, éd. B. H. Wind, fragm. Douce, 373: Oïstes uncs la parole). E. 1. ca 1180 «belle, vague promesse» (Proverbe au vilain, 181 ds T.-L.: De bele parole [var. promesse] se fait fous tout lié); 1377 paroles sourdes «paroles en l'air, mensonges» (Gace de La Buigne, Deduis, 10526, ibid.); 2. ca 1470 «phrase creuse, vide» paroles pleines de vent (Georges Chastellain, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t.5, p.143). F. 1. 1188 «enseignement» (Aimon de Varennes, Florimont, 1001 ds T.-L.); spéc. 1ertiers xiiies. (Vie de St Jean l'Évangéliste, 567, ibid.: avint ke li ewangelistes en une chité vint, Où il dist la parole [Luc III, 2]); 1670 la parole de Dieu «l'Écriture sainte» (Pascal, Pensées, § 555 ds OEuvres, éd. J. Chevalier, p.1260: Quand la parole de Dieu... est fausse littéralement, elle est vraie spirituellement); 2. fin xiies. la parole «le Verbe, la Parole faite chair» (Sermons de St Bernard, éd. W. Foerster, p.98, 22: cil [li troi roi el staule] reconurent la parole de deu lai ou il estoit enfes). Issu du lat. chrét. parabola (devenu *paraula par chute de la constrictive bilabiale issue de -b- devant voy. homorgane) «comparaison, similitude», terme de rhét. (Sénèque, Quintillien); puis, chez les aut. chrét.: 1. «parabole» (Tertullien, St Jérôme); 2. «discours grave, inspiré; parole», ce double sens étant dû à l'hébreu pārehāl (Job XXVII, 1: assumens parabolam suam «reprenant son discours»; Num. XXIII 7: assumptaque parabola sua, dixit; par la suite: Gloss. Remigianae: in rustica parabola «en lang. vulg.»), v. Ern.-Meillet, Blaise, Vaan., § 166, E. Löfstedt, Late Latin, pp.81 sqq. Le lat. est empr. au gr. π α ρ α β ο λ η ́ «comparaison [par juxtaposition], illustration» empl. dans les Septante au sens de «parabole» (Marc XII, 1). Parabola a supplanté verbum dans l'ensemble des lang. rom. (sauf le roum.) grâce à la fréq. de son empl. dans la lang. relig., verbum étant spéc. utilisé dans cette même lang. pour traduire le gr. λ ο ́ γ ο ς , v. verbe. Fréq. abs. littér.: 23572. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 37554, b) 32087; xxes.: a) 36456, b) 29082. Bbg. Darm. Vie 1932, p.92, 165. _Dinneen (F. P.). Analogy, langue and parole. In: [Mél. Reichling (A.)]. Lingua. 1968, t.21, p.98. _Gill (A.). La Distinction entre langue et parole en sém. hist. In: [Mél. Orr (J.)]. Manchester, 1953, pp.90-101. _Heger (K.). Die Semantik und die Dichotomie von Langue und Parole. Z. rom. Philol. 1969, t.85, no1/2, pp.144-215. _Mańczak (W.). Les Termes langue et parole désignent-ils qq. chose de réel? B. Soc. Ling. 1968, t.63, no1, pp.XXIV-XXVII. _Pierson (J. L.). Langue - parole?... Studia Linguistica 1963, t.17, pp.13-15. _Pollak (W.). Reflexionen über langue und parole. In: [Mél. Gossen (C. Th.)]. Moderne Sprachen. 1965, t.9, no2/4, pp.122-133. _Quem. DDL t.19, 20. _Richard (W.). 1959, p.9, 26, 86, 117. _Saussure (F. de). Cours de ling. gén. Paris, 1965, p.30, 31, 36-39, 138-139. _ Spence (N. C. W.). A hardy Perennial: the problem of la langue and la parole. Archivum Linguisticum t.IX, pp.1-27; Langue et parole yet again. Neophilologus. 1962, t.46, pp.197-200.

Wiktionnaire

Interjection - français

parole \pa.ʁɔl\

  1. (Par ellipse) Ma parole d’honneur.
    • Mais on n'a pas tiré, nous ! On n'avait même pas nos flingues, […]. Parole. On a même cru qu'ils nous canardaient, les vaches, on s'est barrés quand on a entendu tirer... — (Marie Balka, La rançon du silence, Éditions Gallimard, 1975, page 173)
    • Al Capin’s méritait son nom. Essayer de me vendre, à ce prix, un pin’s de chat ! Parole, en me prenant pour un pigeon, il tombait mal, cet escroc. — (Jean-Loup Craipeau, Pin's panique, Éditions Casterman, 1991, chap. 1)
    • Parole, on avait envie de pleurer. — (Georges Perec, Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ?, Denoël, 2000, collection Folio, page 106)

Nom commun - français

parole \pa.ʁɔl\ féminin

  1. Faculté naturelle de parler.
    • S’il faut une grande intelligence pour créer un mot, quel âge a donc la parole humaine ? — (Philippe Sollers, Éloge de l’infini, Gallimard, page 368)
    • Ces divers travaux mettant en rapport des linguistes, des phonéticiens et des informaticiens a permis la synthétisation de la parole qui conduit des machines à « dialoguer » entres elles sans intervention humaine. — (Béatrice Pothier, Contribution de la linguistique à l’enseignement du français, PUQ, 2011, page 13)
    1. Ton de la voix, selon qu’elle est forte ou faible, douce ou rude, la qualité du débit, selon qu’il est précis ou confus.
      • Je percevais au tremblement de leur voix, au miel de leurs paroles, cette terrible servitude qui les liait à ce qu’on nomme l’amour, d’un mot trop doux parce qu’on ne veut pas lui donner son véritable visage de bestialité et d’animalité. — (Jean Rogissart, Hurtebise aux griottes, L’Amitié par le livre, Blainville-sur-Mer, 1954, p. 32)
      • Il a la parole rude, brève, lente, nette, embarrassée, difficile.
    2. Façon d’articuler les mots.
      • Parole bien articulée, mal articulée.
      • Paroles distinctes, entrecoupées de soupirs, de sanglots.
    3. Exercice de la faculté de parler. (Quelquefois) Éloquence, diction.
      • Acte de justice –
        Suite au délit de violence
        psychologique et émotionnelle
        en parole,
        vous allez verser
        un dédommagement
        à votre

        assistant personnel virtuel.
        — (Cornéliu Tocan, Chutes microscopiques. 50 micronouvelles illustrées, Créatique, Québec, 2020, pages 15-16)
      • Il a le don de la parole.
      • Il possède le talent de la parole.
      • L’art de la parole a été très cultivé chez les anciens.
      • Le charme, l’autorité, le pouvoir, la puissance de la parole.
  2. Mot ou suite de mots exprimant une pensée.
    • Marguerite était visiblement au supplice ; elle eût voulu arrêter chaque parole sur les lèvres du Béarnais ; mais Henri continua avec son apparente bonhomie : […]. — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, 1845, volume I, chapitre II)
    • Bernstein […] adresse à la socialdémocratie ces paroles de Schiller : « Qu’elle ose donc paraître ce qu’elle est ». — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908, note de bas de page 64)
    • Toute manipulation, sans gestes superflus, sans paroles inutiles, était faite par des hommes et des femmes peu nombreux, économes de leurs efforts …. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    1. (Surtout au pluriel) Ensemble de mots considéré sous le rapport de l’idée ou du sentiment qu’ils expriment.
      • Longpont nous force d’ajouter foi aux paroles de Guillaume de Nangis et à celles de tous les chroniqueurs qui ont parlé de l’incendie de 1131. Dans les deux cas c’est le caractère de l’architecture qui détermine notre conviction, […]. — (Ludovic Vitet, Études sur les beaux-arts: essais d’archéologie et fragments littéraires, vol. 2, p. 253, 1846)
      • L'homme emporté et furieux ne connaît personne, il se connaît à peine lui-même. Il n'est capable de rien entendre; la colère lui fait prononcer une multitude de paroles vagues, dont il perd jusqu'au souvenir; […]. — (« Œuvres oratoires de Jacques-Denis Cochin, curé de Saint-Jacques du Haut-Pas », dans la Collection intégrale et universelle des orateurs chrétiens, publiés par l'Abbé Migne, tome 98 (vol. 31 de la 2e série), Paris, chez J.-P. Migne, 1866, p. 587)
  3. Idée, opinion s’exprimant en une phrase ou une suite de phrases.
    • Il faudrait écrire cette parole mémorable en lettres d’or.
    • Il a dit une parole pleine de justesse, pleine de bon sens, une parole choquante, imprudente, absurde.
  4. (Religion) (Au singulier) Les écritures saintes, les sermons qui se font pour l’expliquer.
    • Au cœur de l’islam, la bataille fit rage quelque temps entre ceux qu’attirait le rationalisme grec d’un côté et, de l’autre, ceux qui mettaient l’accent sur la prééminence de la Parole révélée de Dieu comme seule explication des phénomènes humains et naturels. — (Panayiotis Jerasimof Vatikiotis, L’Islam et l’État, 1987, traduction d’Odette Guitard, 1992)
  5. (Quelquefois) Terme, expression considérées relativement à l’art de parler ou d’écrire.
    • La parole doit répondre exactement à la pensée.
    • Ce discours renferme plus de paroles que d’idées.
    • La force du sens se perd dans la trop grande abondance des paroles.
  6. (Au pluriel) (Musique) Mots d’un air, d’une chanson ; poème d’une cantate ; livret d’un opéra.
    • Il ne savait aucune des paroles du grand choral de Luther, mais il ouvrait toute grande sa bouche et émettait des sons vastes, graves et partiellement harmonieux… — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 263 de l’édition de 1921)
    • La musique exprime les sentiments, mais elle serait bien empêchée de les définir, et, sans le commentaire des paroles, absent de la musique instrumentale, l’auditeur reste toujours dans un certain vague quant à la nature et à l’objet du sentiment dont s’est inspiré le musicien. — (Pierre Lasserre, Philosophie de Goût musical, Les Cahiers verts no 11, Grasset, 1922, p. 50)
    • Les ivrognes, maintenant accoudés au comptoir, braillaient une chanson dont ils n’avaient retenu que quelques paroles. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
  7. (Quelquefois) (Vieilli) Discours piquants, aigres ou offensants ; mots.
    • Se prendre de paroles. — Ils ont eu des paroles ensemble.
  8. Assurance ou promesse verbale, par laquelle on s’engage à faire certaines choses.
    • À la bonne heure ! s’écria Coconnas, et voilà qui est parler ; vous avez raison, Monsieur, la parole d’un gentilhomme vaut de l’or, […]. — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, 1845, volume I, chapitre VII)
    • Parole sacrée, inviolable, solennelle. — Donner sa parole d’honneur.
    1. (Au pluriel) Promesses vaines et vagues, par opposition à effets.
      • Je veux avoir de l’argent, je ne me contente pas de paroles.
      • Pense-t-il m’amuser de paroles, avec des paroles, me payer de paroles ?
      • Des paroles vagues, des paroles vaines, des paroles en l’air.
      • Du reste, tout cela, ce ne sont que des paroles, des paroles… Il faut agir. — (Fiodor Dostoïevski, traduction de Ely Halpérine-Kaminsky, Le Joueur)
  9. Proposition que l’on fait de la part d’un autre.
    • Parole d’accommodement.
    • Parole de paix.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

PAROLE. n. f.
Faculté naturelle de parler. Dieu a donné la parole à l'homme. Il a perdu, il a recouvré la parole, l'usage de la parole. Les organes de la parole. JÉSUS-CHRIST a rendu la vue aux aveugles, la parole aux muets. Perdre la parole, Ne plus pouvoir parler. Le malade a perdu la parole depuis vingt-quatre heures. Il signifie aussi Devenir muet de surprise, de crainte, etc. Il ne lui manque, il n'y manque que la parole, se dit d'un Portrait vivant et ressemblant, d'une Statue dont on dirait un être qui va parler.

PAROLE désigne aussi le Ton de la voix, selon qu'elle est forte ou faible, douce ou rude, la qualité du débit, selon qu'il est précis ou confus. Il a la parole rude, la parole brève, la parole lente, la parole nette, la parole embarrassée, difficile. Fig., Avoir la parole haute, Parler avec autorité, avec arrogance.

PAROLE se dit aussi de la Façon d'articuler les mots. Parole bien articulée, mal articulée. Paroles distinctes. Paroles entrecoupées de soupirs, de sanglots. Prononcer une parole. Il traîne ses paroles.

PAROLE signifie encore Exercice de la faculté de parler. Adresser la parole à quelqu'un, Parler directement à quelqu'un. Couper la parole à quelqu'un, L'interrompre dans son discours. Porter la parole, Parler au nom d'une autorité, d'une compagnie, d'un corps, au nom de plusieurs personnes. Il fut chargé de porter la parole au nom de l'Assemblée. Dans les Assemblées politiques, Avoir la parole, Être admis à parler conformément au règlement. Vous avez la parole. Vous n'avez pas la parole. On dit aussi : Vous parlerez à votre tour de parole. Demander la parole, Demander à parler, à être entendu. On dit aussi : Accorder, refuser la parole. Ôter, retirer la parole. Céder la parole. Renoncer à la parole. Prendre la parole, Commencer à parler, à faire un discours dans une assemblée. Reprendre la parole, Recommencer à parler.

PAROLE signifie quelquefois Éloquence, diction. Il a le don de la parole. Il possède le talent de la parole. L'art de la parole a été très cultivé chez les anciens. Le charme, l'autorité, le pouvoir, la puissance de la parole. Manier bien la parole, Bien parler, parler facilement.

PAROLE signifie également Mot ou Suite de mots exprimant une pensée. En un jour il ne dit pas trois paroles. Il n'a pas dit une seule parole. Il faut lui arracher les paroles de la bouche. Je vous expliquerai cela en peu de paroles. Il a répété tout ce qu'on lui a dit parole pour parole. Paroles sacramentelles et, absolument, Paroles, Les mots que le prêtre prononce, à la messe, au moment de la Consécration. Fig. et fam., Paroles sacramentelles, mots sacramentels, Les mots essentiels pour la conclusion d'une affaire, d'un traité. Prononcer les paroles sacramentelles. Paroles magiques, Paroles dont les magiciens se servent pour leurs opérations, formules auxquelles ils attribuent un pouvoir mystérieux. Charmer, guérir avec des paroles, Faire un charme, guérir en prononçant certaines paroles auxquelles on attribue une secrète vertu.

PAROLE se dit aussi d'une Idée, d'une opinion s'exprimant en une phrase ou une suite de phrases. Parole mémorable. Il faudrait écrire cette parole en lettres d'or. Il a dit une parole pleine de justesse, pleine de bon sens, une parole choquante, imprudente, absurde. Dans le style de l'Écriture sainte, La parole éternelle, la parole incarnée, JÉSUS-CHRIST. On dit plus ordinairement Le Verbe. La parole de Dieu, la parole divine, la parole de vie, ou simplement La parole, l'Écriture sainte et les sermons qui se font pour l'expliquer. Prêcher la parole de Dieu. Annoncer la parole de Dieu. Écouter la parole de Dieu. La parole écrite, L'Écriture sainte; à la différence de La parole non écrite, La tradition.

PAROLE désigne encore un Ensemble de mots considéré sous le rapport de l'idée ou du sentiment qu'ils expriment. En ce sens, il s'emploie ordinairement au pluriel. Paroles obligeantes. Paroles amicales. Paroles claires. Paroles ambiguës, équivoques. Paroles significatives. Paroles dures, insolentes, outrageantes. Paroles aigres. Paroles doucereuses, mielleuses. Paroles pieuses. Paroles impies. Vilaines paroles. Paroles hautaines. Paroles flatteuses, gracieuses, affectueuses, respectueuses. Paroles inutiles, superflues, oiseuses. Paroles de courtoisie. Paroles de colère. Mal interpréter, prendre en mauvaise part les paroles de quelqu'un. À quoi bon tant de paroles? Un flux de paroles. Un déluge de paroles. Il faut peser, mesurer ses paroles. Ajoutez-vous foi à ses paroles? Ironiquement, De belles paroles, De grandes promesses qu'on n'a pas dessein de tenir. Donner à quelqu'un de bonnes paroles, S'en débarrasser par des discours annonçant des intentions favorables destinées à rester sans effet. Le ministre dont j'espérais mieux m'a renvoyé avec de bonnes paroles.

PAROLE se dit quelquefois des Termes, des expressions considérées relativement à l'art de parler ou d'écrire. La parole doit répondre exactement à la pensée. La force du sens se perd dans la trop grande abondance des paroles. Ce discours renferme plus de paroles que d'idées. Des paroles éloquentes.

PAROLES, au pluriel, désigne aussi les Mots d'un air, d'une chanson, le poème d'une cantate, le livret d'un opéra. Je me souviens de l'air, mais j'ai oublié les paroles. Il chante assez bien, mais il ne prononce pas nettement les paroles. Il signifie quelquefois Discours piquants, aigres, offensants. Se prendre de paroles. Ils ont eu des paroles ensemble. On dit plutôt aujourd'hui des mots. Fig. et fam., Je lui ferai rentrer les paroles dans la gorge, Je saurai bien le faire taire. Cette phrase signifie aussi : Je lui ferai rétracter les paroles qu'il a dites.

PAROLE signifie aussi Assurance, promesse verbale par laquelle on s'engage à faire certaines choses. Parole sacrée, inviolable. Parole solennelle. Parole expresse, positive, formelle. Tenir parole, sa parole. Donner sa parole, sa parole d'honneur. Retirer, reprendre, dégager sa parole. Se dédire de sa parole. Il lui a rendu sa parole. J'ai leur parole. Manquer de parole. Je vous donne ma parole que cela sera. Je vous en donne ma parole. Sa parole y est engagée. Un homme d'honneur n'a qu'une parole. Se fier à la parole de quelqu'un. On a relâché ce prisonnier de guerre sur sa parole. Être prisonnier sur parole. Être homme de parole, un homme de parole, Tenir tout ce qu'on promet. Ma parole, ma parole d'honneur, parole d'honneur, se dit dans la conversation pour Affirmer fortement. Ma parole d'honneur, cela s'est passé comme je vous le dis. Votre parole? se dit dans le langage familier à quelqu'un qui vient de faire une promesse ou d'avancer un fait, quand on veut s'assurer davantage de sa bonne foi, de sa sincérité. Jouer sur parole, perdre une somme d'argent sur parole, Jouer, perdre sur promesse de payer. Les joueurs raisonnables évitent de jouer sur parole. Il a perdu cinq cents francs comptant et cinquante sur parole. Cet homme a deux paroles, Il parle tantôt d'une façon, tantôt d'une autre; il n'y a pas de fond à faire sur ce qu'il dit.

PAROLES, au pluriel, signifie encore Promesses vaines et vagues, par opposition à Effets. Je veux avoir de l'argent, je ne me contente pas de paroles. Pense-t-il m'amuser de paroles, avec des paroles, me payer de paroles? On dit dans le même sens Des paroles vagues, des paroles vaines, des paroles en l'air.

PAROLE désigne encore une Proposition que l'on fait de la part d'un autre. Parole d'accommodement. Parole de paix.

SUR PAROLE, loc. adv. D'après le témoignage d'autrui. Il ne faut ni approuver, ni surtout condamner sur parole. Estimer, louer quelqu'un sur parole. Jurer sur la parole du maître, Admettre pour vrai tout ce qu'enseigne le maître; S'en référer en toutes choses à l'autorité d'un maître.

Littré (1872-1877)

PAROLE (pa-ro-l') s. f.
  • 1Sentence, mot notable, dit (sens qui, vu l'étymologie de ce mot, est le plus voisin de parabola, acception primordiale). Parole mémorable. Il a dit une belle parole. Parole pleine de justesse, pleine de sens.

    La parole de Dieu, son commandement. Lorsque du créateur la parole féconde Dans une heure fatale eut engendré le monde, Des germes du chaos, Lamartine, Médit. I, 7. Il [Jéhova] a dit au chaos sa parole féconde, Hugo, Odes, IV, 18.

    Mission donnée par Dieu. Dieu, qui m'a confié sa parole et sa foudre, Voltaire, Fanat. v, 4.

    La parole éternelle, la parole incréée, la parole incarnée, ou, simplement, la parole, se dit quelquefois pour le Verbe.

    Paroles sacramentales ou sacramentelles, et, absolument, paroles, les mots que le prêtre prononce dans la consécration, ou qui sont nécessaires pour l'accomplissement de chaque sacrement.

    Fig. et familièrement. Paroles sacramentelles, les mots essentiels pour la conclusion d'une affaire.

    Paroles magiques, celles que les magiciens prononcent dans leurs opérations et que la magie regarde comme indispensables au succès.

    Charmer, guérir avec des paroles, faire un charme à l'effet de guérir une maladie.

    Par extension, paroles magiques, paroles qui produisent un grand effet.

    Fig. Savoir les paroles (par allusion aux paroles magiques), connaître les moyens de faire quelque chose.

  • 2La parole de Dieu, les promesses contenues dans l'Écriture sainte. La parole du Seigneur demeure éternellement, et c'est cette parole qui vous a été annoncée par l'Évangile, Sacy, Bible, St Pierre, 1re épître, I, 25. Dieu pourra vous montrer par d'importants bienfaits Que sa parole est stable et ne trompe jamais, Racine, Athalie, I, 1.

    La parole de Dieu, la parole divine, la parole sainte, ou, simplement, la parole, l'Écriture sainte et les sermons qui se font pour l'expliquer. Quand la parole de Dieu, qui est véritable, est fausse littéralement, elle est vraie spirituellement, Pascal, Pens. XVI, 12. Si l'on regardait la parole de Dieu comme parole de Dieu, on y apporterait tout un autre esprit et tout un autre cœur, Bourdaloue, Dim. de la Sexagésime, Dominicales, t. I, p. 404. Rien ne marque mieux la puissance et la sublimité de la parole de l'Évangile que les images dont Jésus-Christ se sert pour nous en prédire les effets, Massillon, Carême, Parole. Ils vont aussitôt porter au milieu du monde et des plaisirs l'aiguillon secret que la parole de Dieu a laissé dans leur cœur, afin d'y trouver une main flatteuse qui l'arrache, Massillon, ib. La parole dont j'ai l'honneur d'être le ministre, est une parole de réconciliation et de vie, Massillon, Bénédict. des drapeaux du régiment de Catinat.

    La parole de vie, même sens. Voilà ce qu'il lui servit de méditer l'Évangile nuit et jour, et de se nourrir de la parole de vie, Bossuet, Anne de Gonz. Les préceptes de Jésus-Christ, les paroles de la vie éternelle, Massillon, Carême, Parole.

    Le pain de la parole, la prédication. Distribuer le pain de la parole.

    La parole écrite, l'Ecriture sainte, à la différence de la parole non écrite, la tradition.

  • 3 Par atténuation du sens primitif, un simple mot prononcé. Les paroles s'envolent et les écrits restent. Parole bien articulée, mal articulée. Paroles distinctes. Paroles entrecoupées de soupirs. Ah ! quelle impétuosité de paroles ! il n'y a pas moyen d'y résister, Molière, Médecin malgré lui, III, 6. Une mère qui vous adore, c'est-à-dire qui vous aime infiniment et au-dessus de toutes les paroles, Sévigné, 15 nov. 1684. Elle savait de quel poids est non seulement la moindre parole, mais le silence même des princes, Bossuet, Reine d'Anglet. J'aime mieux ne rien entendre, que d'entendre un homme qui ne dit pas quatre paroles sans citer un auteur, Boursault, Lett. nouv, t. III, p. 38, dans POUGENS. Arsure… entendait de loin le sermon d'un carme ou d'un docteur qu'elle ne voyait qu'obliquement et dont elle perdait bien des paroles, La Bruyère, VI.

    Dispute de paroles, dispute où l'on oublie le fond pour discuter sur les mots. Avertissez-les [les protestants après la révocation de l'édit de Nantes] avec saint Paul de ne se point attacher à des disputes de paroles qui ne sont bonnes qu'à pervertir ceux qui écoutent, Bossuet, 1re instr. past. 1.

    Jeu de paroles, est ce que nous disons maintenant jeu de mots. Je ne sais auquel des courtisans la langue a fourché le premier : ils appellent tout bas Mme de Maintenon Mme de Maintenant ; ce jeu de paroles n'est pas indigne du château que vous habitez, Sévigné, 18 sept. 1680. On voit clairement qu'il [Malebranche] ne dit point ce qu'il pense, et qu'il ne pense point ce qu'il dit ; pardonnez le jeu de paroles, Sévigné, 28 juill. 1680.

    Fig. Je n'ai jamais eu avec lui une parole plus haute que l'autre, c'est-à-dire je ne me suis jamais disputé avec lui. Il était de la religion des bramins, j'ai l'honneur d'être musulman ; jamais nous n'avons eu une parole plus haute que l'autre au sujet de Mahomet et de Brama, Voltaire, Bababec.

  • 4Voix articulée. Ma bouche après mes yeux lui parla de ma peine ; Et, comme les regards, la parole fut vaine, Rotrou, Bélisaire, I, 3. La parole n'est qu'un signe de la pensée ; et, pourvu que vous portiez la pensée de votre esprit dans l'esprit de celui qui vous écoute, chacun doit être content, Opusc. lang. franç. p. 228, dans POUGENS. La parole même ne doit pas être employée à son culte [du dieu inventé par Porphyre], parce que la voix est une chose corporelle, Bossuet, Hist. II, 12. Ils [les ambassadeurs] sont la parole du prince qui les envoie, et cette parole doit être libre, Montesquieu, Esp. XXVI, 21. L'obscurité, le doute ont brisé sa boussole [du monde], Et laissent diverger, au vent de la parole, L'encens des nations, Lamartine, Harm. I, 6.
  • 5Il se dit aussi des paroles écrites. Pour me servir des paroles fortes du plus grave des historiens [Tacite], Bossuet, Duch. d'Orl. Je pèse avec vous parole à parole les promesses de Jésus-Christ, sans qu'il faille ouvrir d'autres livres que l'Évangile, Bossuet, 2e instr. past. sur les prom. de J. C. 12. S'il n'est pas permis aux particuliers de faire la leçon aux princes sur des événements si étranges, un roi [David] me prête ses paroles pour leur dire…, Bossuet, Reine d'Angl.
  • 6Suite de mots considérés par rapport aux idées, aux sentiments qu'ils expriment. Mal interpréter les paroles de quelqu'un. Il n'eut pas plutôt lâché la parole. Ce sont les paroles d'un fou. Il est avantageux en paroles. Elle a fini sa vie avec cette parole, Rotrou, Herc. mourant, IV, 4. Vous vous êtes mis dans le filet par votre bouche, et vous vous trouvez pris par vos paroles, Sacy, Bible, Prov. de Salom. VI, 2. Bien est-il vrai qu'auprès d'une beauté Paroles ont des vertus non pareilles ; Paroles font en amour des merveilles, La Fontaine, Orais. Je suis homme à saisir les gens par leurs paroles, Molière, Éc. des f. I, 6. J'ai compris d'abord vos paroles : vous avez un père qui ne sait ce qu'il dit, Molière, Méd. malgré lui, III, 2. Un même sens change selon les paroles qui l'expriment ; les sens reçoivent des paroles leur dignité, au lieu de la leur donner, Pascal, Pens. VII, 32, éd. HAVET. Je le prends par ses paroles et je compte là-dessus plus qu'il ne voudrait, Sévigné, 93. Dumont, aujourd'hui l'un des plus délicats orateurs qu'ait le barreau, et à qui les paroles tombent dans la bouche aussi arrangées que le sont celles de Mascaron sur le papier, Boursault, Lett. nouv. t. II, p. 213, dans POUGENS. Ceux qui la voyaient attentive à peser toutes ses paroles, Bossuet, Reine d'Anglet. Ah ! je commence à regretter les bornes étroites du lieu où je parle : il faut éclater, percer cette enceinte, et faire retentir bien loin une parole qui ne peut être assez entendue, Bossuet, Reine d'Anglet. Paroles pompeuses et entièrement vides de sens, Bossuet, Hist. II, 12. Si la faute d'un domestique avait arraché de sa bouche une parole plutôt sévère que fâcheuse, Fléchier, Dauphine. Le vin au plus muet fournissant des paroles, Boileau, Sat. III. Il n'en est pas ainsi de ces esprits frivoles Que tout flatteur endort au son de ses paroles, Boileau, Épître IX. Je ris de ses discours frivoles ; On sait fort bien que ses paroles Ne sont pas articles de foi, Boileau, Epigr. XII. On renverse tout si l'on fait des paroles un crime capital, au lieu de les regarder comme le signe d'un crime capital, Montesquieu, Esp. XII, 12. Nous sommes tous dans ce monde comme des prisonniers dans la petite cour d'une prison… toutes les réflexions sont vaines, tous les raisonnements sur la nécessité et sur la misère humaine ne sont que des paroles perdues, Voltaire, Lett. d'Argental, 14 sept. 1774.

    De bonnes paroles, des paroles qui annoncent des intentions favorables.

    En un sens contraire. De mauvaises paroles, des paroles qui annoncent des intentions défavorables ou de mauvaises nouvelles. Il m'a donné de mauvaises paroles.

    Ironiquement. De belles paroles, de belles et stériles promesses.

    Croire à la parole de, se dit quelquefois pour : croire sur la parole de. Et si l'on pouvait croire un père à sa parole, Corneille, Ment. II, 1. Elle est charmée de vous… vous la connaissez ; il faut la croire à sa parole, Sévigné, 6 nov. 1673.

    Fig. Paroles emmiellées, paroles flatteuses et d'une douceur affectée.

    En paroles couvertes, avec des paroles qui insinuent, qui font entendre ce qu'on ne veut pas dire ouvertement (on dit plutôt aujourd'hui : à mots couverts). Il [le chevalier de Grignan] a un rhume qui va et vient et qui me paraît l'humeur de la goutte, en paroles couvertes, Sévigné, 18 fév. 1689.

    Jeter quelques paroles, dire quelques paroles à l'effet de voir comment ce qu'on veut dire, proposer, sera reçu. Notre abbé [de Coulanges], qui entend dire de tous côtés que l'on vous aime, se va mettre dans la tête de vous aimer aussi, tellement qu'il m'a déjà priée de vous en jeter quelques paroles par-ci par-là, Sévigné, à Ménage, 1er oct. 1654. N'importe ; je vais toujours jeter quelques paroles en l'air, Th. Leclercq, Proverb. t. v, p. 82. dans POUGENS. Prendre la parole, commencer à parler dans un entretien, dans une assemblée, dans une société, etc. Le soin qu'elle [Cornélie] a de conserver la dignité romaine lui fait prendre la parole la première, Corneille, Pomp. Examen. Je pris la parole à ce discours pour lui dire…, Pascal, Prov. IV. Là-dessus me voilà à prendre la parole, et à dire que je m'étais bien doutée qu'il ne le garderait guères [son bénéfice], Sévigné, 237.

    Fig. La triste demeure qu'un bois où les feuilles ne disent mot, et où les hiboux prennent la parole, Sévigné, 26 juin 1680. Il me semble déjà que ces murs, que ces voûtes Vont prendre la parole, et, prêts à m'accuser, Attendent mon époux pour le désabuser, Racine, Phèdre, III, 3.

    Reprendre la parole, recommencer à parler après une interruption.

    Adresser la parole à quelqu'un, lui parler directement. Nous pouvons maintenant adresser la parole à ceux qui prétendent…, Bossuet, Préf. instr. past. de M. de Cambrai, 93.

    Couper la parole à quelqu'un, l'interrompre dans son discours. La Parque à ce mot lui coupe la parole, Corneille, Rod. v, 4.

    Fig. Couper la parole, réduire à l'impossibilité de répondre. Ce mot lui coupe la parole, Corneille, Médée, v, 5.

    Porter la parole, parler au nom d'un autre, au nom de plusieurs personnes, d'un corps, d'une compagnie. Un magistrat qui porte la parole de la justice devant le roi, Fléchier, Lamoignon.

    Avoir la parole, avoir le droit de parler en vertu d'une charge, d'un emploi.

    Dans les assemblées politiques, avoir la parole, avoir le droit actuel, la permission de parler, conformément au règlement.

    Avoir la parole, signifie aussi accaparer la conversation. On les entoure, ils ont la parole, président au cercle, et persistent dans cette hauteur ridicule et contrefaite, La Bruyère, VIII.

    Demander la parole, demander à être entendu.

    Retirer la parole, ôter la parole, se dit du président d'une assemblée délibérante qui empêche un orateur de parler.

    On dit de même : accorder, refuser la parole.

  • 7Faculté qu'a l'espèce humaine d'exprimer ses idées par les sons de la voix. Les organes de la parole. Il demeure à ces mots sans parole, sans force, Corneille, Attila, v, 6. La parole a été donnée à l'homme pour expliquer ses pensées ; et, tout ainsi que les pensées sont les portraits des choses, de même nos paroles sont-elles les portraits de nos pensées, Molière, Mar. forcé, 6. Il est question d'aller voir une fille qui a perdu la parole, Molière, Méd. malgré lui, I, 6. Oui, mon père, j'ai recouvré la parole, Molière, ib. III, 6. Si, pour nous réformer, le ciel prudent et sage De la parole enfin lui [à l'âne] permettait l'usage, Boileau, Sat. VIII. Il faisait deux pas et revenait incontinent pour alléguer à Mentor quelque nouvelle raison de différer ; mais le seul regard de Mentor lui ôtait la parole, Fénelon, Tél. XXIII. Venez dîner avec moi, nous causerons, et votre faculté pensante aura le plaisir de se communiquer à la mienne par le moyen de la parole, ce qui est une chose merveilleuse que les hommes n'admirent pas assez, Voltaire, Oreilles, 3. « J'écris ce qui me paraît vrai ; les Grecs, à mon avis, ont rapporté beaucoup de choses contradictoires et ridicules : » croirait-on qu'après cette promesse, il [Hécatée] accorde le don de la parole au bélier qui transporta Phryxus en Colchide ? Barthélemy, Anach. ch. 65.

    Poétiquement. Pourquoi y a-t-il une voix dans le sang ? une parole dans la pierre ? Chateaubriand, Génie, I, VI, 2.

    Avoir le don de la parole, s'exprimer d'une manière facile, abondante, heureuse.

    On dit dans le même sens : manier bien la parole.

    Avoir la parole à commandement, avoir la parole à la main, en main, s'exprimer avec facilité. Il [Louis XI] avait la parole à commandement, et le sens naturel parfaitement bon, Duclos, Œuv. t. III, p. 362.

    Perdre la parole, cesser de pouvoir parler. Mais je perds la parole ; une extrême faiblesse Me va faire dans peu rejoindre la princesse, Mairet, M. d'Asdrub. v, 3.

    Perdre la parole, devenir muet de surprise, de crainte, etc. C'est une nouvelle qui a surpris de telle façon les esprits de la cour, qu'ils en ont perdu la parole, Guez de Balzac, liv. II, lett. 6.

    Il ne lui manque, il n'y manque que la parole, se dit d'un portrait fort ressemblant, d'une statue bien faite. L'artisan exprima si bien Le caractère de l'idole, Qu'on trouva qu'il ne manquait rien à Jupiter que la parole, La Fontaine, Fabl. IX, 6.

  • 8Le ton de la voix, selon qu'elle est forte ou faible, douce ou rude, etc. Il a la parole nette. Ce malade a encore la parole bonne. Sa grâce, sa beauté, sa parole, son port, Tristan, Marianne, II, 1. Je n'ai qu'à faire un pas et hausser la parole, Corneille, Tite et Bérén, II, 1. La parole douce acquiert beaucoup d'amis et adoucit les ennemis, Sacy, Ecclésiastiq. VI, 5. Je reconnais même ce sourire fin, cette action négligée, cette parole douce, simple et insinuante, Fénelon, Tél. IX. Un regard et une contenance fermes, une parole grave et pleine d'autorité, Fénelon, ib. x. Leur parole, leurs traits, De leur mère en effet sont les vivants portraits, Voltaire, Zaïre, II, 3.

    Fig. Avoir la parole haute, parler avec autorité, avec arrogance.

    La voix même. Il est vrai, je cherchais le son de sa parole, Et sur monsieur Grosset je me remets la voix, Th. Corneille, l'Inconnu, v, 7.

    Déguiser, contrefaire sa parole : Je l'ai reconnu à sa parole (on dit plutôt aujourd'hui : déguiser, contrefaire sa voix : Je l'ai reconnu à la voix).

  • 9Ancien terme militaire. Donner parole, donner le mot d'ordre.

    En termes de guerre, passe parole, faites passer l'avis, l'ordre.

    Dans le langage général, faire passer la parole de main en main, faire passer d'une personne à une autre un ordre, un avis, un avertissement jusqu'à celles qui sont le plus éloignées.

  • 10À certains jeux de renvi, passe parole se dit de celui qui, devant parler, ne veut pas couvrir le jeu pour le moment.

    Avoir la parole, avoir la faculté d'exprimer ce que l'on veut faire sur le coup qui se joue, et, au piquet, annoncer le premier son jeu.

  • 11Les expressions considérées relativement à l'art de parler ou d'écrire. La parole doit répondre à la pensée. Le charme des paroles. Les paroles de vos lettres sont choisies, Lett. du card. Richelieu à Balzac, dans RICHELET. Les paroles doivent peindre, Voltaire, Mél. litt. Cons. à Louis Racine.
  • 12Éloquence, diction. L'autorité, le pouvoir de la parole. Mahomet subjugua l'Arabie par le glaive et la parole. Elle mena la parole si bien, si vigoureusement, si capablement, qu'il [le chevalier de Grignan] en fut ravi pour une demi-heure, Sévigné, 13 déc. 1688. Un vil amour du gain… Trafiqua du discours et vendit les paroles, Boileau, Art p. IV. Le métier de la parole ressemble en une chose à celui de la guerre : il y a plus de risque qu'ailleurs, mais la fortune y est plus rapide, La Bruyère, XV. Quel avantage n'a pas un discours prononcé sur un ouvrage qui est écrit ! les hommes sont les dupes de l'action et de la parole comme de tout l'appareil de l'auditoire, La Bruyère, ib. Tels étaient ces grands artisans de la parole, ces premiers maîtres de l'éloquence française ; tels vous êtes, messieurs, qui ne cédez ni en savoir ni en mérite à nul de ceux qui vous ont précédés, La Bruyère, Disc. à l'Acad. fr. L'art de la parole qui est si près de l'art du mensonge, D'Alembert, Éloges, Campistron, note 4. Le talent de la parole ou plutôt de la conversation doit se perfectionner à la cour plus que partout ailleurs, puisqu'on est destiné à y parler et réduit à n'y rien dire, Duclos, Consid. mœurs, 8.
  • 13Pourparler. Juste ciel ! qu'ils sont prompts ! je les vois en parole, Molière, l'Ét. II, 2. Il est avec Anselme en parole pour vous, Que de son Hippolyte on vous fera l'époux, Molière, ib. I, 2. Nous étions en paroles pour cela, M. Orgon et moi, Dancourt, Gal. jardin. sc. 1.

    Proposition faite de part et d'autre. Paroles de paix, d'accommodement.

    Porter parole à quelqu'un, lui faire quelque proposition. Si mon père à présent porte parole au vôtre, Corneille, Ment. v, 6. Introduisons celui Qui porte de sa part [de Jupiter] aux belles la parole, La Fontaine, Fabl. v, 1. Madame, j'en ai porté les premières paroles à monsieur, Le Grand, le Philanthrope, sc. 13. Il y a eu véritablement des paroles portées à M. Schweighaeuser pour un Démosthène qu'on voudrait imprimer en Angleterre, Courier, Lett. I, 51.

  • 14Promesse verbale par laquelle on s'engage à faire certaines choses. La parole des rois doit être inviolable, Corneille, Œdipe, I, 3. Vous en avez parole, et leur parole est bonne, Corneille, Sophon. III, 2. Vous savez que Valère, Pour être votre gendre, a parole de vous, Corneille, Tart. I, 6. [à Rocroy] Il s'avance pour recevoir la parole de ces braves gens [les Espagnols disposés à se rendre], Bossuet, Louis de Bourbon. Jamais on n'a douté de sa parole, Bossuet, Reine d'Anglet. Je suis engagé de parole avec vous, j'en demeure d'accord ; mais vous savez que depuis quelque temps la parole est l'esclave de l'intérêt, Dancourt, la Folle enchère, sc. 22. J'ai reçu ta parole, il faut qu'on l'accomplisse, Voltaire, Alz. I, 4. Cet abbé [Jean de Wateville] …eut parole d'être grand doyen, Voltaire, Louis XIV, 9. On tira parole du cardinal qu'enfin il accepterait, Voltaire, ib. 37. Et le malheureux officier… n'a été relâché qu'à Krowno, après vingt-six jours, ayant partagé toutes nos douleurs, libre d'y échapper, mais enchaîné par sa parole, Ségur, Hist. de Nap. x, 8.

    Donner sa parole, s'engager. Ils ont donné parole, et peuvent mieux que nous Dans les flancs de César porter les premiers coups, Corneille, Pomp. IV, 1. C'est un mariage qui se doit conclure ce soir, et j'ai donné ma parole, Molière, Mar. forcé, 2. Ma parole est donnée ; et comment, à quel titre Puis-je la retirer ? La Harpe, Mélanie, II, 6.

    Tenir, garder sa parole, être fidèle à ses engagements. Qu'il te souvienne De garder ta parole, et je tiendrai la mienne, Corneille, Cinna, v, 1. Je lui tiendrai parole, et ne veux plus le voir, Corneille, Poly. II, 5. Ah ! ma bonne, quelle peinture de l'état où vous avez été, et que je vous aurais mal tenu ma parole, si je vous avais promis de n'être point effrayée d'un si grand péril ! Sévigné, 3 mars 1671. Prendre la parole de quelqu'un, lui faire prendre un engagement. Les choses allèrent si loin [entre deux personnes qui avaient querelle], que M. le Prince prit leurs paroles [de ne pas se battre], Saint-Simon, 10, 119.

    Un homme d'honneur n'a que sa parole, c'est-à-dire il ne manque jamais à la parole qu'il a donnée.

    N'avoir qu'une parole, s'en tenir à ses premières conditions, et, en parlant d'un marchand, ne pas surfaire.

    On dit dans le même sens : n'avoir pas deux paroles. Madame n'a pas deux paroles, Marivaux, Faus. confid. I, 7.

    Cet homme est à deux paroles, il a deux paroles, c'est-à-dire il parle tantôt d'une façon, tantôt d'une autre, il n'y a pas de fond à faire sur ce qu'il dit.

    Un homme de parole, un homme fidèle à sa promesse. Il ne tiendra pas à moi que vous ne soyez homme de parole, Guez de Balzac, liv. VI, lett. 9. Tout homme de courage est homme de parole, Corneille, le Ment. III, 2. Le lendemain elle le régala Tout de son mieux en femme de parole, La Fontaine, F. av. Vous verrez si nous ne sommes pas des gens de parole, Sévigné, 92.

    Avoir de la parole, être de parole, tenir fidèlement ses promesses. Qu'on dise que je suis une bonne princesse, que j'ai de la parole pour tout le monde, de la chaleur pour mes amis, Molière, Am. magn. I, 2.

    Reprendre sa parole, se dégager de sa parole, retirer sa parole, expressions employées pour dire qu'on avertit celui à qui on avait promis qu'on ne veut plus tenir la promesse faite. Et son père a repris sa parole du mien, Fort triste de visage, et fort confus dans l'âme, Corneille, le Ment. III, 3. Je crois que je ne ferai pas mal de m'aller dégager de ma parole, Molière, Mar. forcé, 13. Vous voulez retirer votre parole, Molière, ib. 14. Sus, je romps notre trêve, et reprends ma parole, Molière, Amph. I, 2.

    Manque de parole, violation de la parole donnée. Manquer à sa parole, manquer de parole, ne pas tenir sa parole. Et si l'honneur souffrait un manque de parole, Corneille, la Suivante, v, 5. Me prends-tu donc pour homme à manquer de parole ? Corneille, ib. v, 6. J'aimerais mieux mourir que d'avoir manqué à ma parole, Molière, Mar. forcé, 14.

    Familièrement. Ma parole, ma parole d'honneur, parole d'honneur, formule d'affirmation employée dans la conversation. On ne doit point prodiguer sa parole d'honneur ; on ne la donne que dans les occasions extraordinaires, Genlis, Théât. d'éduc. le Bal d'enfants, I, 3. Ces Parisiens qui n'ont jamais perdu de vue le dôme des Invalides, font pitié, ma parole d'honneur, Ch. de Bernard, la Femme de 40 ans, § VII.

    Votre parole ? se dit à quelqu'un qui vient de faire une promesse ou d'avancer un fait, pour s'assurer de sa bonne foi ou de sa sincérité. Vous le ferez ? votre parole ?

  • 15Promesses vagues, vains discours, par opposition à action, à effet. Je ris d'un désespoir qui n'a que des paroles, Corneille, Héracl. III, 4. Des paroles enfin ne sont que des paroles, Corneille, Tois. d'or, IV, 4. Cet hymen imparfait N'est encor qu'en parole et n'a point eu d'effet, Corneille, Sophon. III, 7. Il faut faire et non pas dire, et les effets décident mieux que les paroles, Molière, Festin, II, 5. Tous les hommes sont semblables par les paroles, et ce n'est que les actions qui les découvrent différents, Molière, l'Avare, I, 1. Comme on ne connaît d'abord les hommes que par les paroles, il faut les croire jusqu'à ce que les actions les détruisent, Sévigné, au comte de Grignan, 28 nov. 1670. C'est ainsi qu'il [Dieu] instruit les princes, non-seulement par des discours et par des paroles, mais encore par des effets et par des exemples, Bossuet, Reine d'Anglet. Il faut des actions et non pas des paroles, Racine, Iphig. III, 7. J'ai peur que l'homme puissant à qui vous vous êtes adressé ne vous ait donné des paroles, et non pas une parole, Voltaire, Lett. Lally-Tolendal, 24 mai 1773.

    On dit dans le même sens : des paroles vagues, des paroles vaines, des paroles en l'air.

  • 16 Au plur. Discours piquant, aigre, offensant. Des paroles en venir aux mains. Il y a eu aujourd'hui quelques paroles entre M. de Coislin et M. de la Salle sur le sujet de MM. de Pompadour et de Montaterre ; mais l'affaire a été accommodée sur-le-champ, Pellisson, Lett. hist. t. I, p. 395, dans POUGENS. On fit avertir sous main l'officier des gardes qui servait auprès de Son Altesse, que M. de Senantes avait eu quelques paroles avec M. de Matta la nuit précédente en soupant, Hamilton, Gramm. 4. Leur cocher s'était pris de paroles avec certains galopins, Hamilton, ib. 10.

    On dit dans le même sens : grosses paroles. Ce que je sais, c'est qu'aux grosses paroles On en vient sur un rien plus des trois quarts du temps, La Fontaine, Fabl. XII, 8.

    On lui fera rentrer les paroles dans la gorge, dans le ventre, dans le corps, se dit pour menacer quelqu'un dont le langage a paru offensant.

  • 17Mots d'une chanson, d'un air, d'un motet, etc. On sait à point nommé : un tel a composé la plus jolie pièce du monde sur un tel sujet ; une telle a fait des paroles sur un tel air, Molière, Préc. 10. Je suis enthousiasmé de l'air et des paroles, Molière, ib. Si j'avais dessus moi ces paroles nouvelles, Nous les lirions ensemble, et verrions les plus belles, Molière, Fâch. I, 5. Il [la Fontaine] croit que Lulli lui a ôté sa fortune et sa gloire, en ne faisant point de musique pour ses paroles [les paroles de ses opéras], Voltaire, Mél. littér. Lett. Visclède.
  • 18Ancien terme de jurisprudence. Paroles de présent, acte par lequel deux personnes, après s'être préalablement présentées à leur curé, déclaraient par-devant notaire qu'elles se prenaient pour mari et femme (de présent signifie ici : les personnes étant présentes). Nos vieux romans, en leur style plaisant, Nomment cela paroles de présent, La Fontaine, Remède.
  • 19Sur la parole de, sur l'affirmation de. Il croit sur votre parole que je vaux beaucoup, Guez de Balzac, liv. VII, lett. 14, I. Je vous prie de l'aimer sur ma parole, Sévigné, 261. Il n'est pas permis de croire les hommes sur leur parole, lorsqu'ils accusent les autres des plus grands crimes, Malebranche, Rech. vér. IV, 6. Ces pigeons sont dodus ; mangez sur ma parole, Boileau, Sat. III. Ce fut sous le règne de Charles II qu'ils [les quakers] obtinrent le noble privilége de ne jamais jurer, et d'être crus en justice sur leur parole, Voltaire, Dict. phil. Quakers.

    Jurer sur la parole du maître, affirmer d'après quelqu'un, locution prise du latin, jurare in verba, répéter mot pour mot la formule du serment.

    Sur parole, sur un simple dire. Je ne suis guère admirateur sur parole, Duclos, Œuvr. t. VII, p. 48. Oh ! sur parole ainsi ne louons point les gens, Gresset, le Méch. III, 10. Une nation légère qui sur parole et sans examen, juge les hommes et les choses, Marmontel, Mém. XI.

  • 20Sur sa parole, sur ma parole, après promesse donnée par lui, par moi. Il me semble que M. de la Trousse revient sur sa parole, et qu'il n'a pas perdu beaucoup de son équipage, Sévigné, 217. Renvoyé sur sa parole pour ménager l'échange des prisonniers, Bossuet, Hist. I, 8. Il joua sur sa parole tant qu'il voulut, Hamilton, Gramm. 3. D'où vient qu'on me met prisonnier sur ma parole ? Hamilton, ib. 4. Mon devoir a parlé ; je vous laisse, et j'y vole ; Soyez mon prisonnier, mais sur votre parole, Voltaire, Ad. du Guesclin. III, 5.

    Être sur sa parole, se dit d'un prisonnier qu'on ne garde pas après qu'il a promis de ne pas s'évader. Je crois qu'on les laissera à Vincennes, avec la liberté de s'aller promener à Paris quand il leur plaira ; car ils sont sur leur parole, Pellisson, Lett. hist. t. II, p. 156, dans POUGENS.

    Sur parole, sur la garantie de sa bonne foi. Jouer, perdre sur parole.

    Prisonnier sur parole, prisonnier à qui on accorde une certaine liberté, mais qui a promis de ne pas s'en servir pour se mettre en liberté.

    Terme de guerre. Se parler sur parole, se dit de deux personnes de partis contraires qui se voient, se parlent, sur la parole de ne rien entreprendre l'un contre l'autre.

PROVERBES

À bon entendeur il ne faut qu'une parole.

À grands seigneurs peu de paroles, il ne faut pas abuser de leur audience et la faire durer trop longtemps.

Les paroles du matin ne ressemblent pas à celles du soir, les hommes sont sujets à changer d'avis, à se contredire.

Les belles paroles n'écorchent pas la langue.

Quand les paroles sont dites, l'eau bénite est faite.

Parole ne pue pas, ou les paroles ne puent pas, se dit par manière d'excuse quand on parle d'infirmités corporelles ou de choses dégoûtantes.

On prend les bêtes par les cornes, et les hommes par la parole, les hommes s'engagent quand ils donnent leur parole.

La parole fait le jeu, vaut le jeu, vaut jeu, se dit pour signifier qu'on joue telle somme, sans la mettre effectivement au jeu.

Les paroles sont des femelles, et les écrits sont des mâles.

HISTORIQUE

XIe s. N'orra [n'entendra] de nous paroles ne nouveles, Ch. de Rol. IV. Bon sont li comte, et lor paroles hautes, ib. LXXXV.

XIIe s. Dame, tant m'ont felon achoisoné [accusé] Et fausse gent par leur parole vaine…, Couci, XI. Moult fu granz la parole, et troublée la corz [la cour], Sax. XXVII. La parole est finée, et li conseilz se part, ib. XXIX. Ele fist si come une fole Qui ne set garder sa parole, Grégoire le Grand, p. 43. E des paroles de home pecheor n'aiez paor, Machab. I, 2.

XIIIe s. Encor ne soit ma parole françoise [il parlait picard], Si la puet on bien entendre en françois, Quesnes, Romancero, p. 84. Puis fu un jour qu'ele lui dit : amis, Par paroles vous ai mené [promené] mains dis [jours], ib. p. 107. Paroles sont semblables à sajettes que l'on puet [peut] traire legierement, mais retraire non, Latini, Trésor, p. 354. De bele parole se fait fox liés [un fou se fait joyeux de belles paroles], Prov. du vilain, Ms. de St-Germ. f° 76, dans LACURNE. Quant [elle] vint de pasmoison, la parole [elle] a emprise, Berte, XXX. Laissez tout ce aler, n'en soit parole dite, ib. LIV. Si parlerai iluec à lui ; S'il le veut prendre [l'anneau] sans anui, Je romperai ci la parole, Lai de l'ombre. Tandis que il estoient en ces paroles, un sien chevalier lui escria : sire, sire, venez jusques ici, Joinville, 274.

XVe s. Messire Gautier de Mauny mit en paroles le chevalier normand qu'il tenoit pour son prisonnier, et lui demanda quelle quantité d'argent pour sa rançon il pourroit payer, Froissart, I, I, 299. Si commença le roi à aller de l'un à l'autre et à entrer en parole, Froissart, I, I, 329. Adonc se tirent chascun à part fiers et esmeuz l'ung contre l'autre pour les paroles qu'ils avoient eu ensemble, Perceforest, t. III, f° ch 5. Le chevalier au griffon vint à luy, et en peu de langage luy forma la parole de la querelle qui luy avoit esté presentée, ib. t. III, f° 125. Quant les pucelles eurent festoié le chevalier, la pucelle au cercle d'or print la parolle et dist…, ib. t. VI, f° 56. Le suppliant amusa et tint à paroles les chamberieres, Du Cange, parola. Le roy commença la parolle et luy dist, Commines, IV, 10.

XVIe s. Ce mot de Parole [le Verbe] signifie une sagesse residente en Dieu, dont toutes revelations et propheties sont procedées - de là nous concluons infailiblement que la Parole est vray Dieu, Calvin, Instit. 75. Jesus Christ est ceste mesme parole revestue de chair, Calvin, ib. 77. Par paroles expresses de son testament, Montaigne, I, 17. Donner parole [à quelqu'un] de…, Montaigne, I, 17. Faillir à sa parole, Montaigne, I, 30. Nous ne sommes hommes que par la parole, Montaigne, I, 36. Ne voulez-vous qu'une parole ? je sçay bien qu'il ne vous faut pas surfaire, Despériers, Contes, LXXI. L'on dit volentiers, dit Hircan, que les paroles ne sont jamais puantes, Marguerite de Navarre, Nouv. LII. L'extremeonction lui fut apportée par le curé et par elle reçue, avec plusieurs bons signes ; car à peine pouvoit elle avoir sa parole [parler], Marguerite de Navarre, ib. LX. Tristes, chagrins, grongnars, de peu de paroles, pleureux, Paré, Introd. 6. Belles paroles et mechans faits trompent les sages et sots parfaits, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 246. Bonnes paroles oignent, et les mechantes poignent, Leroux de Lincy, ib. p. 253. Parole mal entendue est mal jugée, Leroux de Lincy, ib. p. 368. Paroles rapportées sont envenimées, Leroux de Lincy, ib. Le roy depuis a fait minuter une abolition generale, par laquelle ont esté les prisons ouvertes à tous ceux qui estoient prisonniers par la parole ; c'est le terme dont nous usons au lieu de dire la religion ; mot certainement lequel fort à propos a peu estre accommodé à plusieurs qui sont par cy-devant morts à credit pour trop parler, Pasquier, Lett. t. I, p. 181. Aussi ne lui manque-t-il que la parole [en parlant d'une statue], Nuits de Straparole, t. II, p. 239, dans LACURNE. Des paroles ils vindrent au poil, Cotgrave À paroles lourdes sourdes oreilles, Cotgrave Bonne parole bon lieu tient, Cotgrave Douce parole rompt grand ire, Cotgrave Longues paroles font les jours courts, Cotgrave Mechante parole jetée va partout à la volée, Cotgrave

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PAROLE.
18Parole de présent. Ajoutez : Le mariage par parole de présent est encore usité en certains pays. Un acte extrait du registre de la paroisse de Reyla, et constatant qu'elle avait été unie par parole de présent à M. Ch. C…, Gaz. des Trib. 7 juin 1874, p. 539, 2e col. Que cet acte est rédigé suivant l'usage de Cuba ; qu'il ne peut être confondu avec l'ancien contrat de fiançailles par parole de présent qui a été prohibé par le concile de Trente, et qui, depuis cette époque, n'est plus pratiqué dans les pays catholiques, ib. 3e col.

Paroles de futur, voy. FUTUR, n° 2.

HISTORIQUE

XVIe s. Ajoutez : Quant au fait de l'eglise et du lien de mariage pour la conscience, les paroles de present font le mariage ; paroles de present sont quand, par mots du temps present, les deux masle et femelle se prennent à espous et espouse, et les paroles de futur sont qu'ils promettent l'un à l'autre qu'ils se prendront… l'edit de Blois de l'an 1580, articles 40 et 44, defend aux notaires de recevoir les paroles de present en contracts de mariage, et aux prestres de faire espousailles sans proclamation de bans, Guy Coquille, Œuvres, éd. de 1666, t. II, p. 245.

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Étymologie de « parole »

Bourg. paîrole ; provenç. paraula ; esp. palabra ; portug. palavra ; anc. portug. paravoa ; du bas-lat. parabola, parole, qui est le même que le latin parabola, parabole (voy. PARABOLE 1). Parabola, à cause du fréquent emploi qu'on faisait de ce mot dans les sermons et les exhortations, et aussi parce qu'on répugnait à employer le mot verbum, réservé pour signifier le Verbe, a remplacé ce mot chez tous les peuples romans ; de même, en grec moderne, ψαρὶ (ὀψάρον, petit plat de poisson) a remplacé, pour signifier poisson, ἰχθὺς, qui avait passé à un usage mystique.

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(Date à préciser) Du latin parabola (« comparaison, similitude »), emprunté au grec ancien παραβολή, parabolê. Il a pris le sens de « allégorie », puis de « discours grave ou inspiré » chez les auteurs chrétiens, double sens qui semble dû à un calque de l’hébreu biblique pārehāl (Job XXVII, 1: assumens parabolam suam, « reprenant son discours »). Et enfin celui de « parole, langue » dans la Romania : in rustica parabola, « en langue vulgaire ».
Le mot, prononcé \paˈraβola\ dans la koinè (avec spirantisation de l’occlusive bilabiale \b\) et emprunté en bas latin avec cette prononciation, s’est contracté en paraula en latin vulgaire, vraisemblablement par l’étape \paˈrawola\[2].
Il a remplacé verbum dans les langues romanes (sauf le roumain du fait de la religion orthodoxe) à cause de la fréquence de son emploi dans la Bible et les gloses, verbum s’est spécialisé pour traduire le grec λόγος, lógos, le Verbe, lui-même calque de l’hébreu ancien DBR, davar, « mot, parole, chose, ordre ».
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Phonétique du mot « parole »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
parole parɔl

Fréquence d'apparition du mot « parole » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « parole »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « parole »

  • La marionnette est une parole qui agit.
    Paul Claudel
  • Aucune parole ne précède les vrais départs.
    Edmond Jabès — Récit
  • La parole entraîne, l’exemple enseigne.
    Joseph Joubert
  • Tout produit du dégoût susceptible de devenir une négation de la famille, est dada ; proteste aux poings de tout son être en action destructive : DADA ; connaissance de tous les moyens rejetés jusqu’à présent par le sexe pudique du compromis commode et de la politesse : DADA ; abolition de la logique, danse des impuissants de la création : dada ; de toute hiérarchie et équation sociale installée pour les valeurs par nos valets : DADA ; chaque objet, tous les objets, les sentiments et les obscurités, les apparitions et le choc précis des lignes parallèles, sont des moyens pour le combat : DADA ; abolition de la mémoire : DADA, abolition de l’archéologie : DADA ; abolition des prophètes : DADA ; abolition du futur : DADA ; croyance absolue indiscutable dans chaque dieu produit immédiat de la spontanéité : DADA ; saut élégant et sans préjudice, d’une harmonie à l’autre sphère ; trajectoire d’une parole jetée comme un disque sonore crie ; respecter toutes les individualités dans leur folie du moment : sérieuse, craintive, timide, ardente, vigoureuse, décidée, enthousiaste ; peler son église de tout accessoire inutile et lourd ; cracher comme une cascade lumineuse la pensée désobligeante, ou amoureuse, ou la choyer — avec la vive satisfaction que c’est tout à fait égal — avec la même intensité dans le buisson, pur d’insectes pour le sang bien né, et doré de corps d’archanges, de son âme.
    Tristan Tzara — Manifeste Dada
  • Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point.
    Évangile selon saint Matthieu, XXIV, 35
  • Les paroles sont aux pensées ce que l'or est aux diamants ; il est nécessaire pour les mettre en œuvre, mais il en faut peu.
    François Marie Arouet, dit Voltaire — Le Sottisier
  • Une parole une fois lancée ne peut revenir.
    Horace en latin Quintus Horatius Flaccus — Art poétique, 390
  • Je crois d'un bon citoyen de préférer les paroles qui sauvent aux paroles qui plaisent.
    Démosthène — Olynthiennes, III, 21 (traduction P. A. Plougoulm)
  • Nous faisons de la parole précise le témoignage le plus sûr de la pensée juste.
    Isocrate — Sur l'échange, 255 (traduction G. Mathieu)
  • Rappelle-toi de quel cœur tu accueillis la parole ; garde-la et repens-toi. Car si tu ne veilles pas, je viendrai comme un voleur sans que tu saches à quelle heure je te surprendrai.
    Apocalypse de saint Jean, III, 3
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Traductions du mot « parole »

Langue Traduction
Anglais word
Espagnol palabra
Italien parola
Allemand wort
Chinois
Arabe كلمة
Portugais palavra
Russe слово
Japonais
Basque hitza
Corse parolle
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Synonymes de « parole »

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Antonymes de « parole »

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Parole

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