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Vivre

Variantes Singulier Pluriel
Masculin vivre vivres

Définitions de « vivre »

Trésor de la Langue Française informatisé

VIVRE1, verbe

I. − Empl. intrans.
A. − [Corresp. à vie I]
1. Être en vie; présenter les caractères essentiels de la vie. Synon. exister, être vivant ; anton. être mort.
a) [En parlant d'une pers.] Amour, dégoût, douceur, force, goût, joie, lassitude, raison de vivre; achever, cesser, commencer de vivre; désirer, vouloir vivre; se regarder, se sentir vivre. Vous ne voulez pas changer: vous ne voulez donc pas vivre; car vivre c'est changer (P. Leroux, Humanité, 1840, p. 286):
1. ... j'ai été plusieurs fois malade, et toujours assez gravement. Je pardonne à la maladie en faveur des convalescences. Vivre! vivre! Ils me font rire, avec ce mot. C'est revivre qui est bon! C'est sans doute survivre qui serait vivre. Pendant mes convalescences, il me semble que j'ai vécu. Duhamel, Confess. min., 1920, p. 148.
Ne vivre que pour + subst. ou inf.N'avoir d'autre préoccupation dans la vie. Ne vivre que pour ses enfants. France me parlait aujourd'hui du libraire moderne, de cette génération ne prenant pas le temps de dîner, n'allant jamais au spectacle, ne flânant, ne se reposant jamais, (...) ne vivant que pour gagner (Goncourt, Journal, 1865, p. 127).
Se laisser vivre. Ne pas faire beaucoup d'efforts; ne pas s'inquiéter de l'avenir; être indolent, insouciant. Synon. fam. se la couler douce (v. couler1).V. laisser2I B 1 ex. de Taine et de Radiguet.
P. exagér. Ne plus vivre. Être dans un état de grande anxiété. Au bout d'une quinzaine de jours les énergumènes souscripteurs ont commencé à radiner! en personne! eux-mêmes!... Ils voulaient connaître les nouvelles... Ils vivaient plus depuis notre « Concours » (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 472).
Au passé composé. Il a vécu. Il est mort. Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine (Chénier, Bucoliques, 1794, p. 167).
[Dans des phrases nég.] Âme qui vive. Être humain quel qu'il soit. Ne rencontrer âme qui vive. En montant sur la petite falaise, on n'apercevait âme qui vive, dans la plaine un peu nue et désolée qui s'étendait alentour (Loti, Les Désenchantées, Paris, Calman-Lévy, 1945 [1906], p. 193).
b) [En parlant d'un animal, d'un végét.] Une poule particulièrement cruelle, un cheval cabochard, un chien hargneux vivent plus longtemps que leurs congénères (Montherl., Célibataires, 1934, p. 753).La devise du mollusque serait alors: il faut vivre pour bâtir sa maison et non bâtir sa maison pour y vivre (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 106).
2. P. anal.
a) [En parlant d'un inanimé] Donner l'impression de la vie. Œuvre, roman, tableau qui vit. Ce livre a tout d'abord une qualité, (...) il palpite et il vit (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 14, 1858, p. 163).La cérémonie des gants longs, difficile à mettre, peaux mortes qui commençaient à vivre, à coller et à prendre forme jusqu'à l'effort successif de chaque doigt et l'adorable rite final qui consistait à boutonner sur le poignet (...) la petite lucarne (Cocteau, Portr.-souv., 1935, p. 38).
b) Avoir les caractéristiques de la vie; évoluer, se transformer. Nation, régime politique, société qui vit. À vrai dire, chacune d'elles [une idée] vit à la manière d'une cellule dans un organisme; tout ce qui modifie l'état général du moi la modifie elle-même (Bergson, Essai donn. imm., 1889, p. 109).On considère toujours l'image comme un état substantif, mais on lui reconnaît une certaine mobilité, elle vit, elle se transforme (Sartre, Imagination, 1936, p. 85).
En partic. Être dans l'usage vivant. Langue qui vit; expression qui vit. Voici les mots, ceux que nous disions, ceux que nous voyions dans les mornes dictionnaires, qui se mettent à briller, à vivre, à respirer (Larbaud, Jaune, 1927, p. 207).
3. Au fig. Garder une importance, un intérêt, une influence; garder une plénitude d'existence; rester présent. Coutumes, croyances, souvenirs qui vivent. Marcel Proust a donné sa vie pour que son œuvre vive et cela est sans exemple; car un Balzac, des soucis d'argent, ses créanciers l'attachaient à sa table (Mauriac, Écrits intimes, Du côté Proust, 1947, p. 213).
4. Être le siège d'une grande activité, d'une grande animation. Il se dirigea vers le logis du Dr Pieuchon (...). Rien ne vivait, rien ne semblait vivre (Mauriac, Baiser Lépreux, 1922, p. 149).
En partic. [Le suj. désigne une entreprise, un secteur écon., une région considérée du point de vue de son activité industr.] Région, secteur, usine qui vit. (Dict. xxes.).
B. − [Corresp. à vie II]
1. [Avec un compl. désignant une durée] Avoir une vie qui s'étend sur une certaine période, avoir une vie d'une certaine durée. Perpignan m'avait raconté l'anecdote du vieux Thomas Paw, qui a vécu cent quarante ans (Delacroix, Journal, 1847, p. 205).Au Moyen Âge la mortification, c'était surtout se priver de nourriture. On était très sanguin. C'était excellent. Saint Odilon jeûnait beaucoup. Ce qui ne l'empêcha pas de vivre quatre-vingt-dix ans (Barrès, Cahiers, t. 5, 1907, p. 302).
[En insistant sur la durée partielle de l'existence d'une pers. ou sur sa durée à venir au moment de l'énonciation] Avoir peu de temps à vivre. Je n'ai pas longtemps à vivre, me dit-il d'un air sérieux; elle ne souffrira pas longtemps par moi, je sens que ma tête éclate (Balzac, Lys, 1836, p. 143). J'aurais voulu vivre assez pour voir vos têtes au retour de la banque. Il s'agissait de ne pas te donner trop tôt ma procuration pour ouvrir le coffre, de te la donner juste assez tard pour que j'aie cette dernière joie d'entendre vos interrogations désespérées: « Où sont les titres? » (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 14).
2. [Avec un compl. indiquant l'époque, la période où se situe la vie] Exister, être vivant à une époque bien déterminée. Vivre du temps de qqn/qqc.; vivre dans le temps de/dans un temps de; vivre à une triste époque, à une époque de progrès, de décadence. Moi qui ai vécu en 1870, qui ai entendu les cris du pharmacien Mariotte, j'ai toujours tenu pour de sombres imbéciles les gens qui disent que le peuple allemand ne voulait pas la guerre (Barrès, Cahiers, t. 11, 1917, p. 218).Cette idée qu'il eût fait bon vivre sous le règne de Louis Le Hutin m'entra si fort dans l'esprit que je l'exprimais à tout moment (A. France, Vie fleur, 1922, p. 377).
3. [Avec un compl. de lieu] Passer tout ou partie de son existence dans un lieu. Il vient souvent ici (...) quelquefois trois jours de suite, ensuite on reste un mois sans le voir. Il paraît qu'il vit à la campagne, dans ses terres (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 42).
En partic. Habiter. Vivre à l'hôtel, chez ses parents. C'était un boutiquier dans lequel il y avait du monstre. Satan devait par moments s'accroupir dans quelque coin du bouge où vivait Thénardier et rêver devant ce chef-d'œuvre hideux (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 509).Il profita du marasme pour accepter de vivre chez sa sœur (Cocteau, Enfants, 1929, p. 129).
Au fig. Vivre dans qqc.[Le compl. désignant qqc. d'abstr.] Demeurer en pensée et de manière permanente dans quelque chose. Vivre dans l'avenir, dans l'imaginaire, dans l'immédiat, dans le mystère, dans le passé. L'enfance bourgeoise vit dans l'éternité de l'instant (Sartre, Mots, 1964, p. 75).
C. − [Corresp. à vie III]
1.
a) Mener une certaine vie, un certain type d'existence. Mort, il se tient droit, lui qui vécut à plat ventre! (Hugo, Légende, t. 5, 1877, p. 1021).Il faut essayer de faire des choses! C'est pas une raison parce qu'on est un intellectuel pour vivre en pantoufles (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 215).
b) Avoir un certain type de relations (matérielles ou affectives) avec une ou plusieurs personnes. Vivre en couple, en groupe; vivre seul, à deux; vivre en communauté; vivre avec sa femme et ses enfants. Les deux familles se voyaient tous les jours et vivaient pour ainsi dire ensemble (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 256).Je n'aurais pas voulu faire vivre une jeune femme auprès de quelqu'un de si souffrant et de si ennuyeux. − Mais vous êtes fou, tout le monde voudrait vivre auprès de vous, regardez comme tout le monde vous recherche (Proust, Sodome, 1922, p. 1123).
Vivre en ermite. V. ermite B 1.
Vivre bien, mal, en paix avec qqn. S'entendre bien, mal... avec quelqu'un. Cousin (...) m'assure que, toutes informations prises, elle [Mmede Blocqueville] est fort honnête, sauf les petits loisirs que lui laisse l'absence de son mari, avec qui elle vit mal (Delacroix, Journal, 1855, p. 307).
Être facile, difficile, impossible à vivre. Avoir un caractère accommodant ou peu, ou pas du tout. Cette bonne dame était très aimable (mais très difficile à vivre) (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres, 1847, p. 7).
En partic. Vivre avec qqn. Former un couple sans être marié; partager la vie de quelqu'un. Mon enfant, ma sœur, Songe à la douceur D'aller là-bas vivre ensemble! Aimer à loisir, Aimer et mourir Au pays qui te ressemble! (Baudel., Fl. du Mal, 1857, p. 83).Je ne vois pas a priori pourquoi il serait essentiel de vivre avec une « personne », une « grande personne » plutôt qu'avec... Mais comment définir B? (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 113).
Vivre avec qqn comme chien et chat. V. chat1II A 4.
[En privilégiant les relations affectives ou intimes] Vivre sans affection, sans soins. J'ai voulu vivre ainsi sans amour et sans haine, et j'ai fermé mon âme au désir, qui n'amène que le regret (Ménard, Rêv. païen, 1876, p. 85).
En partic. Vivre dans + subst. (désignant un sentiment).Éprouver fortement et de manière durable. Vivre dans la crainte, dans l'anxiété. Il semble que je deviens calme pour la première fois de ma vie. Car je ne l'étais pas lors de mes débuts dans les affaires. Je vivais dans l'angoisse et ma vieillesse était extrême. À trente ans, je vivais dans l'épouvante. Certes, je ne travaillais pas mal et je l'emportais assez souvent, mais je vivais dans la peur (M. Bataille, L'Arbre de Noël, 1967, p. 229).
c) Établir un certain type de relations avec son entourage, avec la société. Vivre dans le monde; vivre dans la société distinguée; vivre avec les hommes; vivre en bonne intelligence avec les hommes; vivre en étranger dans la société. Il est vrai que j'ai vécu cet hiver comme le rat des Levantins, sans aller voir personne (Amiel, Journal, 1866, p. 188).Je peux vivre avec les communistes. Avec les socialistes non. Les socialistes se réunissent et parlent politique, élections, et après, c'est fini (Nizan, Conspir., 1938, p. 172).
Laisser vivre qqn. [Surtout à l'impér.] Ne pas importuner quelqu'un, ne pas soumettre quelqu'un à des contraintes (d'apr. GDEL).
2. Donner une certaine orientation (morale ou intellectuelle) à sa vie.
a) [En évaluant la vie de qqn, sa façon de vivre par rapport à une moralité érigée en norme] Bien, mal vivre; vivre dans l'abjection, dans le péché, dans la pénitence, dans les plaisirs; vivre chrétiennement, honorablement, humblement; vivre en Dieu, en état de grâce, en honnête homme. Une cité, un État parfaitement sage vivrait, jugerait sans lois, les normes étant dans l'esprit de son aréopage. L'homme sage vit sans morale, selon sa sagesse (Gide, Journal, 1894, p. 55).Il est revenu, heureux de la revoir et heureux aussi d'avoir tenu ses promesses, d'avoir vécu toute une année en garçon sage, sans sacrer ni boire (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 102).
b) [En privilégiant les conditions intellectuelles] Vivre dans le doute, dans l'ignorance. Elle vit vraiment dans un autre monde que moi. Tout ce qui m'est essentiel n'est susceptible de fournir qu'un aliment à sa curiosité (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p. 189):
2. Tout le monde [à Paris] m'a semblé fou; je n'exagère nullement. Il faut nous résigner à vivre entre le crétinisme et la démence furieuse. Charmant horizon! On va recommencer à faire les mêmes sottises, à retourner dans le même cercle, à débagouler les mêmes inepties. Flaub., Corresp., 1871, p. 252.
3. Se comporter selon les règles, les usages exigés par la vie en société. Apprendre à vivre. Je l'apercevais souvent dans ses promenades: je savais trop bien vivre pour le reconnaître; j'attendais qu'il m'eût fait un signe ou jeté en passant une parole (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 160).Après ce soir, je défie qui que ce soit qui sache vivre, et qui ait du monde, de nous inviter désormais à dîner l'un sans l'autre (Hermant, M. de Courpière, 1907, ii, 5, p. 16).
En compos. Savoir-vivre*.
Apprendre à vivre à qqn. Apprendre les règles, les usages de la vie sociale, de la vie en société; enseigner les règles de la civilité; p. ext., fam., donner une leçon à quelqu'un. Avouez qu'ils [les Thuillier] ont besoin qu'on leur apprenne à vivre, et que vous (...), vous mangez ce qu'on nomme de la vache enragée (Balzac, Pts bourg., 1850, p. 109).
4.
a) Mener (du point de vue matériel et/ou financier) un certain type d'existence. Vivre bien, mal, chichement, modestement, petitement, royalement; vivre dans l'abondance, dans une grande aisance, dans la gêne; vivre en bourgeois, en prince, en roi; vivre sans compter; vivre à l'aise, à l'économie; avoir, ne pas avoir de quoi vivre. L'homme de lettres, avec le salaire ridicule de la pensée, est condamné à vivre comme un petit bourgeois. Il lui est impossible de se donner l'inspiration d'un caprice, où le talent de gens comme Byron ont dû souvent puiser le caprice de leur talent (Goncourt, Journal, 1865, p. 137).Ils vivaient au jour le jour; ils dépensaient en six heures ce qu'ils avaient mis trois jours à gagner; ils empruntaient souvent; ils mangeaient des frites infâmes, fumaient ensemble leur dernière cigarette (G. Perec, Les Choses, 1965, p. 65).
En compos. Bien-vivre*. Mieux-vivre (rem. s.v. mieux-être).
Vivre de l'air du temps. Disposer de faibles moyens matériels et s'en contenter. Le Grand Turc, l'Asie, l'Afrique, ont recours à la magie, et nous envoient un démon, nommé Mody, soupçonné d'être descendu du ciel sur un cheval blanc qui était, comme son maître, incombustible au boulet, et qui tous deux vivaient de l'air du temps (Balzac, Méd. camp., 1833, p. 173).
Vivre les uns sur les autres. Avoir des conditions matérielles de vie défavorables, ne permettant pas de s'isoler. Dame (...), si l'on avait plus d'argent, on aurait plus d'aise... Tout de même, c'est bien vrai que ça ne vaut rien pour personne, de vivre les uns sur les autres. Ça finit toujours par des hommes saouls et par des filles pleines (Zola, Germinal, 1885, p. 1276).
Il faut bien vivre. [Pour justifier un gain d'argent obtenu de manière plus ou moins honnête] Il avait couru ses derniers cachets puis, sa défroque rangée, avait décidé de redevenir Émile et, la mort dans l'âme, de bricoler pour tout un chacun. Il faut bien vivre (J. Faizant, Rue Panse-Bougre, 1957, pp. 83-84 ds Bernet-Rézeau 1989).
b) Tirer sa subsistance, sa nourriture exclusivement de quelque chose, d'une activité. Vivre de son art; vivre de la chasse, de sa plume, d'expédients, de subsides, de rapines, de braconnage; vivre de ses rentes. Le vice radical des cultures actuelles qui ne font vivre que de pain, de châtaignes, de maïs, l'immense majorité de la population (Fourier, Nouv. monde industr., 1830, p. 20).Il eut (...) l'honnêteté criminelle d'épouser une fille sans ressources, qu'il avait séduite; elle avait une belle voix et faisait de la musique, sans amour de la musique. Il fallut vivre de sa voix et du médiocre talent qu'il avait acquis à jouer du violoncelle (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1482).
Expr. Vivre d'amour et d'eau fraîche/claire. V. amour ex. 154.
Vivre des femmes. [Le suj. désigne un homme] Se faire entretenir. La réputation de M. Pinto n'est plus à faire! C'est un individu complètement taré! Enfin, c'est bien simple: c'est un homme qui vit des femmes, voilà! (Bourdet, Sexe faible, 1931, ii, p. 405).
Faire vivre qqn. Assurer à quelqu'un les moyens nécessaires à son existence. Synon. entretenir.Sans domicile, sans argent, à peu près sans terres, louer une maison à Claquebue, ou ailleurs, et se louer soi-même comme journalier pour faire vivre chichement sa famille (Aymé, Jument, 1933, p. 82).Elle était une mère commerçante, c'est-à-dire qu'elle appartenait d'abord aux clients qui nous « faisaient vivre ». Il était défendu de la déranger quand elle servait (A. Ernaux, Une Femme, 1989 [1987], p. 52).
Vivre aux crochets de, aux dépens de, sur qqn. Se faire entretenir par quelqu'un. L'opinion fut sévère pour lui. Avoir gâché ses dons, contribué pour moitié à la ruine de sa mère, et être là, jeune et bien portant, à vivre aux crochets de cette mère, qui joignait difficilement les deux bouts! (Montherl., Célibataires, 1934, p. 758).V. écorcheur I ex. de Taine.
Au fig. Trouver dans quelque chose un aliment à la vie morale, intellectuelle. Vivre d'espérance. [L'affaire Dreyfus] fut, comme toute affaire qui se respecte, une affaire essentiellement mystique. Elle vivait de sa mystique. Elle est morte de sa politique (...). Tout parti vit de sa mystique et meurt de sa politique (Péguy, Œuvres en prose, Notre jeun., 1961 [1910], p. 538).
c) Vivre sur qqc. Continuer à tirer un bénéfice d'un acquis passé sans rien faire pour changer ou améliorer sa situation. Vivre sur la fortune, sur le bien de qqn; vivre sur ses réserves, sur son fond. Un puissant esprit vit sur ses réserves, encore assez longtemps après qu'il a été frappé au cœur de son avenir (Rolland, Beethoven, t. 1, 1937, p. 39).
5. Réaliser toutes les possibilités de la vie; avoir une existence remplie. Il ressemblerait au vieillard, qui ne vit plus pour avoir vécu (P. Leroux, Humanité, 1840, p. 280).Je ne voulais jamais me marier comme les autres, vivre comme tout le monde, comme... comme des bêtes à l'étable, je trouve. Vivre, ça doit être autre chose (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 303).
II. − Empl. trans.
A. −
1. Mener son existence, sa vie d'une certaine manière, dans certaines conditions. Vivre la vie de tous les jours; vivre une vie fraternelle; vivre une triste existence; vivre une vie heureuse, honnête, tranquille; vivre une vie d'exil, de labeur, de misère, de plaisir. Ils s'éloignent, ils vont vivre une vie à part, étrange et douloureuse (Vallès, Réfract., 1865, p. 6).Ces affirmations conduiraient (...) les philosophes à descendre dans la rue pour rencontrer les hommes et pour oublier l'homme, à ne plus se contenter de réfléchir dans la paix de leurs bureaux (...) sur des idées placées en marge des vies que vivent effectivement les hommes (Nizan, Chiens garde, 1932, p. 98).
Vivre sa vie. Mener sa vie à sa guise, de manière indépendante, en se libérant des contraintes imposées de l'extérieur. Le jeune Bernard a brusquement quitté le foyer familial, où il n'aurait jamais dû entrer. Il est allé « vivre sa vie », comme disait Émile Augier; vivre on ne sait comment, et on ne sait où (Gide, Faux-monn., 1925, p. 1118).
2. [Avec un compl. désignant une durée] Passer, traverser (une période de son existence). Vivre un moment, un instant exaltant; vivre des jours heureux. Il ne pouvait vivre une journée heureuse chez lui, avec sa femme toujours dehors et sa fille enfermée dans un silence glacé (Zola, Nana, 1880, p. 1372).
B. −
1. Connaître, éprouver intimement par expérience subjective. Vivre sa joie, ses amours. Quand on donne aux objets l'amitié qui convient, on n'ouvre pas l'armoire sans tressaillir un peu. Sous son bois roux, l'armoire est une très blanche amande. L'ouvrir, c'est vivre un événement de la blancheur (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 85).
2. Faire passer dans les actes; mettre en pratique. Vivre son art, son engagement politique, sa foi, son idéal, sa philosophie. C'est exceptionnel ce pouvoir que tu as de vivre une idée corps et âme (Beauvoir, Invitée, 1943, p. 311).
III. − Empl. pronom.
A. − Se vivre + adj./prop. compl.Avoir une certaine notion, idée de soi-même. Se vivre comme un marginal. (Dict. xxes.).
B. − Avoir une expérience de soi-même. Il y a une sorte d'archétype de l'apparence physique (...). Je crois qu'il devient extrêmement difficile de se vivre comme un être différent de ces modèles-là (F Magazine, mars 1981, p. 32 ds Rob. 1985).
Prononc. et Orth.: [vi:vʀ ̥], (il) vit [vi]. Homon. et homogr. vivre3. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Intrans. 1. a) 2emoit. xes. « être en vie » (St Léger, éd. J. Linskill, 196); b) fin xes. (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 235: Si tu laises vivre Jes m, Non es amics l'emperador); c) ca 1050 (Alexis, éd. Chr. Storey, 207: Si fait ma medra plus que femme qui vivet); 1690 ame qui vive (Fur., s.v. ame); d) fin xives. (E. Deschamps, Œuvres, éd. G. Raynaud, t. 8, p. 291: ceaulx qui [...] veulent vivre pour mangier Non manger pour vie allongier); 2. a) ca 1050 (Alexis, 207: Ore vivrai an guise de turtrele); b) ca 1485 vivre sainctement (Mystère Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 35231, t. 4, p. 354); mil. xves. (J. Regnier, Fortunes et adversités, éd. E. Droz, 2344, p. 84: Comment vis-tu? Je vis joyeusement); c) 1548 vivre au jour la journée (N. Du Fail, Propos rustiques, Epistre, éd. J. Assézat, t. 1, p. 2); 3. a) 1200 soi vivre de « assurer son existence en... », prendre son vivre « gagner de quoi se nourrir », inf. subst. « fait de vivre » (Jean Bodel, Saint Nicolas, éd. A. Henry, 603, 634, 1410); b) ca 1200 (Continuation de Perceval, 1703, éd. W. Roach, t. 1, p. 210: Si se vit [Carados] d'erbe et de rachine); c) 1ertiers xives. [éd. 1528] vivre d'amours (Perceforest, t. II, fo97 ds Littré); d) 1383 (Arch. Nord, B 1567r, fol. 10: il estoit notoirement vivans de foles femmes); e) fin xives. n'avoir de quoi vivre (Froissart, Chroniques, éd. S. Luce, t. 4, p. 3); f) ca 1500 vivre sur le peuple (Commynes, Mém., éd. J. Calmette, t. 1, p. 18); g) ca 1510 (P. Gringore, L'Obstination des Suysses ds Œuvres, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 2, p. 355: De rappine vivent et de larecin); 4. a) 1275-80 (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 8113: se vos vivez et je moroie, Tourjorz en vostre queur vivroie); b) 1568 (R. Garnier, Tragédies, Porcie, éd. W. Foerster, t. 1, p. 43, 867: sa florissante gloire, Vit eternellement d'une heureuse memoire); 5. a) 1466 savoir vivre « se conformer aux usages de la société » (P. Michault, Doctrinal, LXIII, éd. Th. Walton, p. 160); b) 1498-1515 (P. Gringore, Vie Ms. S. Loys ds Œuvres, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 2, p. 291: Car qui bien vit en fin a bon regnon); 6. 1552 (Ronsard, Œuvres, éd. P. Laumonier, t. IV, p. 70: L'onde & le feu [...] Touts deux en moy vivent esgallement); 7. 1578 (Id., ibid., t. XVII, p. 266: Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain: Cueillez dés aujourdhuy les roses de la vie); 8. 1640 avoir vécu « être mort », latinisme (Corneille, Horace, II, 6); 9. 1691 (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 136: mon oncle l'Abbé en eut une telle frayeur qu'il ne vivait plus); 10. 1759 avoir vécu « avoir de l'expérience, connaître la vie » (Voltaire, Candide, p. 181). II. Trans. 1. ca 1165 (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 30253: Maint jor et maint an ot vescu); mil. xvies. (R. Belleau, Œuvres, éd. Marty-Laveaux, t. 1, p. 87: vivez vostre bel age); 2. 1936 (Thibaudet, Réflex. litt., p. 274: Il [Michelet] l'a vécue [la France] comme une personne). III. Part. prés. 1. a) ca 1050 subst. a sun vivant « durant sa vie » (Alexis, 39); b) ca 1200 jor de mon vivant (Naissance du chevalier au cygne, éd. A. Todd, 3474); c) 1489 de son vivant (Commynes, op. cit., p. 74); 2. a) ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 1074: Que ço seist dit de nul hume vivant); b) déb. xiiies. nule ame vivant (Fille du Comte de Ponthieu, éd. C. Brunel, II, 249); c) 1422 subst. « personne vivante » (A. Chartier, Quadrilogue invectif, éd. E. Droz, 1950, p. 11); 3. ca 1485 (Mystère Viel Testament, 398, t. 1, p. 15: Et moy seoir sans dilacion, A la dextre du Dieu vivant); 4. 1536 subst. le bien vivant, le mal vivant (R. de Collerye, Œuvres, éd. Ch. d'Héricault, p. 166); 5. a) 1558 (Du Bellay, Regrets ds Œuvres, éd. H. Chamard, t. 2, p. 179: les marbres animez, la vivante peinture, Qui la font estimer des maisons la plus belle); b) 1606 vivant portrait de la divinité (J. Bertaut, Recueil de quelques vers amoureux, p. 235); c) 1611 le vivant souvenir (Id., Œuvres poét., p. 116); d) 1627 (A. Mareschal, La Chrysolite, p. 196: vous semblez la peinture vivante de mon fils); 6. 1647 langues vivantes (Vaug., préf., p. XCII); 7. 1684 philos. le vivant (Bernier, Abrégé Philosophie de Gassendi, livre 3, p. 101). IV. Part. passé subst. 1. 1890 (Bourget, Physiol. amour mod., p. 230: les écrivains qui veulent « faire vécu » comme on dit à l'heure actuelle); 2. 1919 (G. Marcel, Journal, p. 164: opposer le donné au vécu). V. Pronom. 1. 1878 (Goncourt, Journal, p. 771: la vie se vit, ces jours, dans un état extraordinaire d'absence d'esprit et de fatigue de corps); 2. 1893 (Barrès, Sang, p. 193: les anecdotes humaines qui se vivent chaque jour sur ses rives); 3. 1943 (Sartre, Être et Néant, p. 327: Par le regard d'autrui je me vis comme figé au milieu du monde, comme en danger, homme irrémédiable). Du lat. vivere « être en vie; être animé, doué de vie », « jouir de la vie », « durer, subsister », « vivre de, se nourrir de », « occuper, passer sa vie de telle ou telle manière ». Fréq. abs. littér.: 30 568. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 42 283, b) 42 431; xxes.: a) 46 528, b) 43 207.
DÉR.
Vivoir, subst. masc.,région. (Québec), vieilli. Salle de séjour. Le vivoir est l'une des pièces les plus éclairées dans cette maison (Dubuc-Boul.Québec.1983). [vivwa:ʀ]. 1reattest. 1913 (La Revue, no3, 1erfévr., p. 404 ds Quem. DDL t. 15: ,,Si l'atelier paraît un peu bohême, ne mettrons-nous pas à la mode le vivoir?...`` Par ces mots, au début de son ingénieux livre [Sur un coin de table, publié en 1913], MlleValentine Thomson incite ses contemporains à une activité climatique et artistique, réunissant le double charme du foyer et de l'art); de vivre1, suff. -oir*, créé au Québec (où il est actuellement vx et rare, v. Dubuc-Boul. Québec.), pour éviter l'empl. de l'angl. living-room « salle de séjour » (comp. de living part. prés. de to live « vivre » et room « pièce »).
BBG.Gak (V. G.). On the problem of general semantic laws. Linguistics. La Haye, 1976, no182, p. 48. − Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes français... Paris, 1977, pp. 278-280. − Quem. DDL t. 22, 34, 38. − Tabachovitz (A.). « Vivre-cœur ». Ét. d'étymol. compar. Vox rom. 1959, t. 18, pp. 49-93.

VIVRE2, subst. masc.;VIVRES, subst. masc. plur.

A. − Subst. masc.
1. Vx ou littér. Fait de vivre, d'être en vie; p. ext., manière de vivre. Le vivre suivant la nature veut-il dire qu'il faut vivre dans la crasse, passer les rivières à la nage, faute de ponts et de bateaux (...)? (Delacroix, Journal, 1849, p. 361).Dans le rêve la pensée ne se distingue pas du vivre et ne retarde pas sur lui. Elle adhère au vivre;elle adhère entièrement à la simplicité du vivre, à la fluctuation de l'être sous les visages et les images du connaître (Valéry, Variété II, 1929, p. 249).
2. Vieilli. Nourriture, alimentation. Ce n'est pas qu'il fût bien riche et que le vivre fût bien conséquent (Sand, Maîtres sonneurs, 1853, p. 7).
Loc. cour. Le vivre et le couvert. La nourriture et le logement. Il se rappela les deux semaines durant lesquelles le gouvernement lui avait donné le vivre et le couvert. Il envia le sort des prisonniers (A. France, Crainquebille, 1904, p. 50).
B. − Subst. masc. plur.
1. Ensemble de la nourriture qui sert à l'alimentation de l'homme et qui est considérée généralement du point de vue de la quantité. Vivres abondants; manquer de vivres; rationner les vivres; fournir des vivres. Les vivres commençaient à manquer: les greniers étaient vides; on avait même forcé ceux des abbayes (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-24, p. 221).Il décida de s'en aller à pied faire dans les Flandres, aux environs de Courtrai, une randonnée, pour voir s'il ne pourrait pas y acheter des vivres et les revendre à Lille (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 53).
Loc. fig. Couper les vivres à qqn. Supprimer toute aide pécuniaire à quelqu'un. Ma famille me faisait les scènes les plus dures dans des lettres interminables et menaçait de me couper les vivres (Jouve, Scène capit., 1935, p. 229).
2. ART MILIT. [P. oppos. à munitions, fourrage] Nourriture destinée aux hommes. Magasin, ration, stock de vivres; administration des vivres; approvisionnement en vivres. La ville de Sedan était là, armée de canons hors d'usage, sans munitions et sans vivres (Zola, Débâcle, 1892, p. 211).Chaque baraque défilait devant les magasins de l'intendance où l'on distribuait des vivres pour trois jours: cinq cents grammes de pâté et une boule de pain de quinze cents grammes par homme (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 362).
Vivres de réserve. Nourriture dont chaque soldat dispose pour pallier un défaut de ravitaillement. (Dict. xxes.).
Vieilli. Commis, entrepreneur, fournisseur aux vivres. Militaire chargé du ravitaillement des troupes (Dict. xxes.).
MARINE
Vivres frais. Nourriture achetée aux escales par l'ordinaire. Les ports d'escale sont tout d'abord utilisés pour le ravitaillement en combustible, en eau douce et en vivres frais (M. Benoist- Pettier, Transp. mar., 1961, p. 211).
Cambuse, soute à vivres. Soute où est conservé le ravitaillement. (Dict. xxes.).
Prononc. et Orth.: [vi:vʀ ̥]. Homon. et homogr. vivre3. Att. ds Ac. dep. 1694. Il est plus usité au plur. Ds Ac. 1935 en sous-vedette vivres, plur. Étymol. et Hist. Ca 1160 le vivre « ce qui est nécessaire pour subsister » (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 350); 1369 subst. masc. plur. « id. » (Guillaume de Machaut, Prise d'Alexandrie, éd. de Mas-Latrie, p. 56); 1601 couper les vivres (Fauchet, Fleur Maison de Charlemagne, p. 128). Subst. de vivre1*. Fréq. abs. littér.: 682. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 315, b) 1 238; xxes.: a) 629, b) 735.

VIVRE3, subst. fém.

HÉRALD. Synon. de guivre. (Ds Crayencour Hérald. 1985).
REM.
Vivré, -ée, adj.,,Se dit de toute figure dont les bords présentent de grosses dents`` (Crayencour Hérald. 1985). J'avais trop affaire d'esquiver la machine roulante pour voir si elle était historiée (...) de croix cléchées ou vivrées (Gautier, Fracasse, 1863, p. 300).
Prononc. et Orth.: [vi:vʀ ̥]. Homon. et homogr. vivre1 et 2. Fér. 1768: vîvre. Étymol. et Hist. 1306 voivre, v. vouivre; 1528 wivre (Perceforest, vol. VI, ch. XXXIX ds Gdf.); 1581 guivre, v. ce mot; 1681 vivre indirectement att. par son dér. vivré (Menestrier, Abrégé méthodique des Principes heraldiques, p. 173: guivré est le même que vivré; p. 186: Vivré des fasces, bandes, peaux [...] à replis quarrez); 1690 vivre (Fur.). Var. de guivre*, vouivre*.

Wiktionnaire

Nom commun 2 - français

vivre \vivʁ\ féminin

  1. (Héraldique) Voir vouivre.

Nom commun 1 - français

vivre \vivʁ\ masculin

  1. (Vieilli) ou (Soutenu) Fait de vivre.
    • Passant à un stade plus évolué l’A. [Académie des sciences] précise : « […] dans la société de type féodal, la classe dominante remplit […] la fonction sociale de rationneur et […] accroît ainsi la population qui vit sur un territoire donné ; le vivre plus s’accompagne du vivre mal ». — (Revue de géographie de Lyon, Institut des études rhodaniennes, 1934, page 420)
    • Ce jeune homme à visage livide […], aussi sobre dans sa parole que dans le vivre, vêtu de noir, […] cultivait la famille de son ancien patron […] — (Honoré de Balzac, Modeste Mignon, 1844)
  2. (Vieilli) Nourriture.
    • « Où es-tu, Muñio Gustioz, mon noble vassal ? À une heure bonne je t’ai donné le vivre en ma maison. Porte ce message en Castille, au roi Alphonse […] » — (La Légende du Cid, traduction d’Emmanuel Saint Albin, 1866, Librairie Internationale)
    • Pour comble, les derniers vivres sur le point de manquer, demain peut-être sans pain. — (Paul et Victor Margueritte, Les Tronçons du glaive, 1900)

Verbe - français

vivre \vivʁ\ intransitif ou transitif 3e groupe (voir la conjugaison)

  1. Être doué de vie, être en vie.
    • Tous les hommes et tous les animaux qui vivent. - Si nous vivons dans ce temps-là. - Les poissons vivent dans l’eau.
  2. (Par extension) Dérouler le cours de sa vie.
    • Il venait de songer, comme à un aspect spécial de l’injustice irrationnelle du destin, que ces deux hommes vivaient, alors que Kurt était mort. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 346 de l’édition de 1921)
    • C’était la première fois qu’il leur paraissait être seuls, bien qu’ils eussent vécu côte à côte. — (Henri Barbusse, L’Enfer, Éditions Albin Michel, Paris, 1908)
    • Retourner au village, vivre à nouveau parmi les racontars des femmes, écouter tout le jour les piaulements des dindes et des poulets, les bêlements des moutons, cela l’attirait peu. — (Out-el-Kouloub, Zaheira, dans « Trois contes de l’Amour et de la Mort », 1940)
    • Mais le seul nom qui ait été sauvé de l’oubli, dans la poésie profane, est celui de ce médiocre rimeur de Mathieu-le-Juif, d’Arras, qui vivait au XIIIe siècle […] — (Léon Berman, Histoire des Juifs de France des origines à nos jours, 1937)
    • J’avais vécu enfermée jusqu’alors, cloîtrée avec les Dames de Reims […] — (Jean Rogissart, Hurtebise aux griottes, L’Amitié par le livre, Blainville-sur-Mer, 1954, p. 51)
    • Trois top-modèles vivaient en colocation dans l'appartement prêté par un couturier en vogue. — (Patricia Lepetit, Les colocataires, TheBookEdition, 2015, page 32)
  3. Se développer, respirer, grandir, pour un organisme biologique.
    • Déchues de leur rôle de dominatrices, les Fougères se sont réfugiées à l’ombre des grands Phanérogames; elles vivent sous bois et n’y brillent pas. — (Henry Correvon, Les fougères de pleine terre et les prêles, lycopodes et sélaginelles rustiques, Octave Droin éditeur, 1896, introduction, page III)
    • Il est bien évident que les plantes vivent uniquement dans les milieux qui leur conviennent, […]. — (Henri Gaussen, Géographie des Plantes, Armand Colin, 1933, page 67)
    • Fins gourmets, les Chinois se délectent d'une holothurie vivant dans les eaux tropicales, la bêche-de-mer. Les plongeurs indigènes vont la chercher entre les rochers de deux à quatre mètres de profondeur. — (Jean Heffer, Les États-Unis et le Pacifique, éditions Albin Michel, 1995, page 42)
  4. (Figuré) Employer utilement sa vie, jouir de la vie.
    • Ici, Piganiol et Pesquidoux se rencontrent : il faudrait qu’une impulsion suprahumaine vînt redonner à ces races blasées l’appétit de vivre, la foi en l’avenir. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
  5. (Dévotion religieuse) Connaître une vie spirituelle ou mystique en religion.
    • Ces dévoués, ou victimes de l’amour, étaient des gens immolés, anéantis en eux-mêmes, et qui ne vivaient plus qu’en Dieu. — (Jules Michelet, Du prêtre, de la femme, de la famille, 3e édition, Hachette & Paulin, 1845, page 111)
    • Son corps est une plaie mais son âme rayonne ; elle vit en Dieu qui la comble de grâces, qui s’entretient doucement avec elle ; […] — (Joris-Karl Huysmans, La Cathédrale, Plon-Nourrit, 1915)
  6. Être fourni des moyens de subsister, de se soutenir.
    • […], voilà vingt ans que ça durait ; tout en piochant ferme, et en ne vivant que de pain et de pommes de terre, il avaient pu, tout juste, payer les intérêts et les frais de renouvellement. — (Émile Thirion, La Politique au village, Fischbacher, 1896, page 325)
    • La question d’argent devient épineuse. Je ne peux plus vivre que pauvrement dans cette grande ville. — (Albert Camus, L’Envers et l’Endroit, Gallimard, 1958, page 82)
    • À la fin du XIXe siècle, c’est toute une population qui vit du hareng à Boulogne-sur-Mer: outre les équipages de la centaine de harenguiers, il y a les saleurs, les fileuses, les tonneliers qui concourent à cet âge d’or. — (Jacky Durand, La nuit où le hareng sort, dans Libération (journal) du 29 novembre 2010, pages 30-31)
    • Vivre de notre plume, ce serait le rêve. Des romans et des piges, des piges et des romans. De quoi vivre d'une manière décente, sans demander le bout du monde. Entre un et deux Smic par mois pour commencer, là, ça irait. — (Jan Thirion, 20 manières de se débarrasser des Limaces, Éditions Lajouanie, 2015, chapitre 6)
  7. Faire des dépenses, pour sa table, pour ses vêtements, etc., mener un train de vie.
    • Vivre splendidement, magnifiquement, honorablement, grandement, largement. - Vivre en grand seigneur, en prince.
    • Vivre avec économie. — Vivre mesquinement, sordidement, pauvrement, étroitement, petitement, misérablement.
    • Il ne vit pas selon sa condition.
  8. Passer sa vie selon les divers états que l’on embrasse, les différents lieux que l’on habite, dans une situation heureuse ou malheureuse, etc.
    • On se précipitait avec ardeur vers les jouissances matérielles : […]. Les hommes utiles et modestes vivaient dans l’oubli, tandis que les histrions et les courtisanes attiraient les regards. — (Général Ambert, Récits militaires : L'invasion (1870), page 240, Bloud & Barral, 1883)
    • Je puis en dire autant d’El-Haj Ahmed Ben-Chekron qui me sert d’interprète dans mes autres visites et qui, lui, ayant vécu en Espagne, s’exprime correctement en castillan. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 96)
    • J’ai longtemps essayé de vivre comme j’imaginais que mes parents avaient vécu leurs années militantes : je discutais de politique jusqu’à pas d’heure avec un tas de gens en fumant et en picolant… — (Virginie Linhart, Le jour où mon père s’est tu, Éditions du Seuil, 2011)
  9. Être soumis au gouvernement politique, aux lois, aux usages du pays dans lequel on demeure.
    • Vivre sous les lois d’un prince. - Les lois, les coutumes suivant lesquelles nous vivons.
  10. (Philosophie) Se sentir et s’éprouver soi-même en tout point de son être.
    • Vivre consiste toujours, pour une part significative, à résister à ce qui menace l'affirmation de ton Humanité. — (Jean Proulx, Grandir en humanité, Fides, 2018, page 80)
  11. (Figuré) Durer, subsister, passer à la postérité.
    • La société existe. Elle veut vivre. Donc elle réagit. Supposez qu’elle ne se défende pas : elle serait en quelques heures la proie d’innombrables fripouilles… Tout s’écroulerait. — (Francis Carco, Messieurs les vrais de vrai, Les Éditions de France, Paris, 1927)
    • Un si grand prince vivra éternellement dans l’histoire. - La mémoire de ce conquérant, son nom, sa gloire vivra jusque dans la postérité la plus reculée.
  12. Se nourrir ; s’alimenter.
    • Il n'y avait aucun risque de collision, car le schnorchel avait été rentré pour cette raison même, et le submersible vivait sur ses réserves d'air. — (Arthur C. Clarke, Le Laboureur de la mer, Brage, 2014)
    • Donner à quelqu’un de quoi vivre, le faire vivre.
    • Il n’a pas les moyens de vivre.
    • Cet homme vit de rien : Il mange très peu, il dépense très peu pour sa nourriture
  13. Se conduire, se comporter bien ou mal, eu égard à la morale, à la religion.
    • Vivre en homme de bien.
    • Vivre saintement, licencieusement, dans la débauche.
  14. Être en commerce, partager la vie de quelqu’un.
    • Il est possible que des épaves ou des embarcations aient été drossées à terre, et que des baleiniers survivants aient vécu avec les indigènes il y a cent-cinquante ans. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
    • Celle-ci, mariée à un ingénieur du P.-L.-M., vivait avec ses trois enfants, dans une maisonnette que le ménage avait fait élever, après la guerre, sur un lotissement de Brunoy. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
    • On ne saurait vivre avec cet homme-là, il est d’une humeur à laquelle on ne saurait s’accoutumer.
    • Cet homme est facile à vivre, est commode à vivre : Cet homme est d’un commerce doux et facile, il est aisé de vivre avec lui
  15. (Familier) Être avec quelqu’un dans un état de concubinage, cohabiter.
    • À partir de ce moment, ils vécurent ensemble.
    • Il vit avec cette femme depuis longtemps.
    • Elle vit avec un jeune homme.
    • Cet homme et cette femme vivent ensemble.
  16. Le subjonctif s’emploie comme formule d’acclamation.
    • Vive la France !
    • Vive le Roi !
    • Vive la liberté !
  17. (Familier) Marque l’estime qu’on porte envers quelque chose.
    • Vivent les arts !
    • Vive l’amour !
    • Il a vécu une existence bien dure.
    • Elle a vécu un véritable roman.
    • Vivre sa vie comme on veut : Vivre librement, à sa guise, en ne se souciant que de satisfaire ses goûts, ses penchants, ses désirs
    • Chaque jour à vivre est une victoire. Chaque jour vécu une défaite. — (San Antonio, Réflexions définitives sur l'au-delà, S-A 9 , Fleuve noir, 2000)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

VIVRE. (Je vis, tu vis, il vit; nous vivons, vous vivez, ils vivent. Je vivais. Je vécus. Je vivrai. Je vivrais. Vis, vivons. Que je vive. Que je vécusse. Vivant. Vécu.) v. intr.
Être doué de vie, être en vie. Tous les hommes et tous les animaux qui vivent. Si nous vivons dans ce temps-là. Saint Louis vivait au treizième siècle. Cesser de vivre. Être las de vivre. Les poissons vivent dans l'eau. Les chênes vivent fort longtemps. Il se construit elliptiquement avec certains noms de temps, comme s'ils lui servaient de complément direct, en sous-entendant les mots Pendant, durant. Il a vécu quatre-vingts ans. Il vécut seulement quelques jours. Dans le style élevé, Il a vécu, Il est mort. Ne vivre que pour soi, Ne songer qu'à soi, ne s'occuper que de ses intérêts. On dit dans des sens analogues. Ne vivre que pour servir Dieu, que pour étudier, que pour le bonheur des autres, que pour les autres. Prov., Qui vivra verra, On saura cela avec le temps. Prov., On ne sait qui vit ni qui meurt se dit pour exprimer l'Incertitude où l'on est sur la durée de la vie et sur le moment de la mort. Je vais vous donner une reconnaissance de l'argent que vous m'avez prêté, car on ne sait qui vit ni qui meurt. Dans le langage théologique, Dieu vit de toute éternité, vit dans les siècles des siècles, vit par lui-même, L'existence de Dieu est éternelle et indépendante. Les bienheureux vivront éternellement avec Dieu dans la gloire, Ils jouiront de la vue de Dieu pendant l'éternité.

VIVRE signifie, figurément, Employer utilement sa vie, jouir de la vie. On cesse souvent de vivre avant d'être mort. Combien d'hommes oublient de vivre, combien d'hommes meurent sans avoir vécu! Fig., Ne pas vivre se dit, par exagération, d'une Vie diminuée, troublée, en proie à l'inquiétude. Il est toujours malade, il est dans des transes continuelles, ce n'est pas vivre. Il ne vit pas, il ne fait que languir.

VIVRE signifie figurément Durer, subsister; il s'emploie surtout dans le style soutenu. Un si grand prince vivra éternellement dans l'histoire. La mémoire de ce conquérant, son nom, sa gloire vivra jusque dans la postérité la plus reculée. Cet ouvrage vivra, Il passera à la postérité. Les mauvais ouvrages ne vivent que peu de temps.

VIVRE se dit, en termes de Dévotion, de la Vie spirituelle. Un pêcheur converti vit de la vie de la grâce, vit d'une vie nouvelle. Dans l'Écriture sainte, il est dit : Le juste vit de la foi.

VIVRE signifie aussi Se nourrir, soutenir sa vie par le moyen des aliments. Donner à quelqu'un pour vivre, le faire vivre. Il n'a pas de quoi vivre. Il n'a pas les moyens de vivre. Il ne vit que de racines, que de légumes. Cet homme-là vit de peu, vit sobrement. Il vit aux dépens d'autrui, sur son revenu. Les oiseaux qui vivent de grains, de proie. Vivre de régime, Observer strictement une règle dans sa nourriture, pour rétablir ou pour conserver sa santé. Fam., Cet homme vit de rien, Il mange très peu, il dépense très peu pour sa nourriture. Fig. et fam., Il vit de l'air du temps se dit d'un Homme qui mange très peu, et à peine autant qu'il faut pour se soutenir. On dit aussi : On ne peut pas vivre de l'air du temps, On ne peut pas vivre sans ressources. Prov., Il faut que tout le monde vive, Il faut laisser ou fournir à chacun les moyens de pourvoir à son existence.

VIVRE se dit également en parlant de Tout ce qui fournit les moyens de subsister, de se soutenir. Vivre de son bien, de ses rentes. Vivre de son travail, de son métier. Vivre de privations. Vivre d'aumônes. Vivre d'expédients. Vivre de rapine. Fig., Vivre de sa réputation, vivre sur sa réputation, Garder son crédit, l'estime publique, par le souvenir de ce que l'on a fait et non par ce que l'on fait actuellement. Fig., Vivre d'espérance, Vivre dans l'attente de quelque avantage être soutenu par cette attente. Vivre au jour la journée, au jour le jour, N'avoir pour subsister que ce qu'on gagne chaque jour par son travail. Il signifie aussi S'inquiéter peu du lendemain, être sans prévoyance. Prov., Il faut bien vivre, La nécessité de pourvoir à sa subsistance est une excuse à certaines choses que l'on fait et que l'on ne ferait pas sans cela.

VIVRE se dit encore par rapport à la dépense qu'on fait pour sa table, pour ses vêtements, par rapport au train qu'on mène et aux commodités ou incommodités de la vie. Vivre splendidement, magnifiquement, honorablement, grandement, largement. Vivre en grand seigneur, en prince. Vivre avec économie. Vivre mesquinement, sordidement, pauvrement, étroitement, petitement, misérablement. Il ne vît pas selon sa condition. Vivre noblement, Mener un genre de vie dans lequel il n'y a rien qui puisse déroger à la noblesse. Cette locution a vieilli.

VIVRE se dit aussi par rapport à la manière de passer sa vie dans les divers états que l'on embrasse, dans les différents lieux que l'on habite, dans une situation heureuse ou malheureuse, etc. Vivre dans le célibat, dans le mariage. Vivre à la ville, à la campagne. à la cour. Vivre chez soi. Vivre dans le monde. Vivre dans la solitude, dans la retraite. Vivre dans la joie, dans la tristesse, dans le dénuement. Vivre heureux, content, tranquille. Prov., Il faut laisser chacun vivre à sa mode, à sa guise, Il faut que chacun en use, agisse comme il lui plaît, en ce qui le regarde. On dit de même : Chacun vit à sa mode, à sa guise.

VIVRE signifie encore Se conduire, se comporter bien ou mal, eu égard à la morale, à la religion. Vivre en homme de bien. Vivre saintement, sagement. Vivre en bon chrétien. Vivre en libertin. Vivre licencieusement. Vivre dans les plaisirs, dans la débauche. Vivre dans la pénitence. Il faut bien vivre pour bien mourir. On meurt d'ordinaire comme on a vécu. Il signifie encore Être en commerce habituel. Il vit avec toutes sortes de gens. Il vivait avec ses disciples comme avec des amis. À partir de ce moment, ils vécurent ensemble. Vivre avec soi-même, Vivre dans la retraite, sans commerce avec le monde. Fam., Vivre avec quelqu'un signifie quelquefois Être avec quelqu'un dans un état de concubinage. Il vit avec cette femme depuis longtemps. Elle vit avec un jeune homme. Cet homme et cette femme vivent ensemble. On ne saurait vivre avec cet homme-là, Il est d'une humeur à laquelle on ne saurait s'accoutumer. Cet homme est facile à vivre, est commode à vivre, Cet homme est d'un commerce doux et facile, il est aisé de vivre avec lui. Dans le sens contraire, on dit : C'est un homme difficile à vivre. Savoir vivre. Voyez SAVOIR. Le savoir-vivre. Voyez ce mot à son rang alphabétique. Fam., Je lui apprendrai à vivre, Je le corrigerai, je le punirai de sa faute, de ses torts.

VIVRE se dit encore par rapport au gouvernement politique, aux lois, aux usages du pays dans lequel on demeure. Vivre sous les lois d'un prince. Les lois, les coutumes suivant lesquelles nous vivons. Ils vivaient sous un prince généreux.

VIVRE s'emploie aussi comme verbe transitif. Il a vécu une existence bien dure. Elle a vécu un véritable roman. Fam., Vivre sa vie, Vivre librement, à sa guise, en ne se souciant que de satisfaire ses goûts, ses penchants, ses désirs. Le subjonctif VIVE s'emploie comme formule d'acclamation. Vive la France! Vive le Roi! Vive la République! Vive la liberté!

VIVE est aussi un terme familier dont on se sert pour marquer qu'on estime quelqu'un, qu'on fait grand cas de quelque chose. Vive un tel, c'est un galant homme! Vivent les arts! Vivent la Champagne et la Bourgogne pour les bons vins! Vive le vin! Vive l'amour! Vive la joie! Un vive-la-joie. Voyez ce mot à son rang alphabétique. Qui vive? Cri d'une sentinelle, d'une patrouille qui entend du bruit, qui voit venir une personne ou une troupe. La sentinelle cria : Qui vive? il répondit : France! Il s'emploie aussi comme nom masculin : Qui-vive. Voyez ce mot à son rang alphabétique. Le participe passé

VÉCU s'emploie comme adjectif. Un roman vécu, Un roman dont les péripéties ont réellement eu lieu.

Littré (1872-1877)

VIVRE (vi-vr'), je vis, tu vis, il vit, nous vivons, vous vivez, ils vivent ; je vivais ; je vécus, nous vécûmes ; je vivrai ; je vivrais ; vis, qu'il vive, vivons, vivez ; que je vive, que nous vivions, que vous viviez ; que je vécusse ; vivant, vécu v. n.
  • 1Être en vie. Les oiseaux vivent dans l'air, et les poissons dans l'eau. Les chênes vivent fort longtemps. Il n'y a rien qui exhorte tant à savoir bien mourir, que de n'avoir point de plaisir à vivre, Voiture, Lett. 71. Mes crimes, en vivant, me la pourraient ôter [la vie céleste], Corneille, Poly. II, 6. Mécénas fut un galant homme ; Il a dit quelque part : qu'on me rende impotent, Cul-de-jatte, goutteux, manchot, pourvu qu'en somme Je vive, c'est assez, je suis plus que content, La Fontaine, Fabl. I, 15. L'homme, sourd à ma voix comme à celle du sage, Ne dira-t-il jamais : c'est assez, jouissons ? Hâte-toi, mon ami, tu n'as pas tant à vivre, La Fontaine, ib. VIII, 27. Je dis toujours que, si je pouvais vivre seulement deux cents ans, je deviendrais la plus admirable personne du monde, Sévigné, Lett. à Bussy, 27 juin 1679. La dernière heure [pour un vieillard] n'en sera pas moins insupportable, et l'habitude de vivre ne fera qu'en accroître le désir, Bossuet, le Tellier. Indigne également de vivre et de mourir, On l'abandonne aux mains qui daignent le nourrir, Racine, Baj. I, 1. Cette expression : elle ne vit plus, ne lui ôtait que la vie, et ne lui donnait pas les laideurs de la mort, Marivaux, Marianne, 7e part. J'ai vécu, c'est-à-dire, souffert trop longtemps, Voltaire, Lett. Vaines, 12 août 1777. Il me semble que je vous avais conseillé de vivre, uniquement pour faire enrager ceux qui vous payent des rentes viagères, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 23 avr. 1754. Une raison pour vivre, est d'avoir vécu ; cela est évident dans les sept premières années de la vie, où le nombre des jours que l'on doit espérer va toujours en augmentant, Buffon, Prob. de la vie, t. x, p. 244. Plus on vit, plus on aime à vivre, même sans jouir de rien, Rousseau, Hél. VI, 11. J'échangerais ce qu'il me reste à vivre Contre un des mois qu'ici Dieu m'a comptés, Béranger, Grenier. J'ai vécu, j'ai passé le désert de la vie, Lamartine, Méd. I, 18.

    Âme, personne qui vive, avec une négation, personne. Ce grand et rare effet d'une imaginative Qui ne cède en vigueur à personne qui vive, Molière, l'Ét. II, 14.

    Faire vivre, prolonger l'existence. Le régime rigoureux qu'il suit, le fait vivre. Le médecin a fait vivre ce malade dont la poitrine est menacée.

    Fig. Vous y devez [dans la langue] avoir une souveraine puissance, et faire vivre ou mourir les paroles comme il vous plaît, Voiture, Lett. 53.

    Dans le style élevé. Il a vécu, il est mort. Non, non : avant ce coup Sabine aura vécu, Corneille, Hor. II, 6. Au moment où je parle, ils ont vécu peut-être, Voltaire, Brutus, v, 5.

    Fig. J'ai vécu, ma vie est finie, touche à son terme. C'en est fait, madame, et j'ai vécu, Racine, Mithr. v, 5.

    Il n'a que trop vécu, se dit d'une personne qu'on menace de faire mourir. Bajazet est un traître et n'a que trop vécu, Racine, Bajaz. IV, 6.

    Vis, vivez, se dit à une personne à qui l'on fait grâce de la vie. Vis donc, Horace, vis, guerrier trop magnanime ; Ta vertu met ta gloire au-dessus de ton crime, Corneille, Hor. v, 3.

    Par exagération. Ne pas vivre, être dans des inquiétudes continuelles qui troublent la vie. Mme votre mère ne vivait pas, et nous vous trouvions bien plus en danger que pendant la petite vérole, Maintenon, Lett. au duc de Noailles, 29 mai 1706.

    On dit dans le même sens : ce n'est pas vivre. Il est toujours malade, ce n'est pas vivre. Vivons-nous, chrétiens, vivons-nous ? cet âge que nous comptons et où tout ce que nous comptons n'est plus à nous, est-ce une vie ! Bossuet, Mar.-Thér.

  • 2Dieu vit de toute éternité, vit dans les siècles des siècles, vit par lui-même, se dit pour exprimer la vie de Dieu infinie, éternelle, indépendante.

    Les bienheureux vivront éternellement avec Dieu dans la gloire, ils jouiront de la vue de Dieu pendant l'éternité.

    En termes de dévotion, il se dit par rapport à la disposition de l'âme qui est en état de grâce. Un pécheur converti vit de la vie de grâce, vit d'une vie nouvelle. Représentez-vous un véritable juste qui vit de la foi, Massillon, Carême, Vérité de la relig.

  • 3Passer sa vie en un certain temps. Ceux qui ont vécu avant l'ère chrétienne. Joinville a vécu dans le XIIIe siècle, et est mort au commencement du XIVe.

    Il se dit aussi par rapport au gouvernement, aux usages, aux lois du pays où l'on demeure. Les lois, les coutumes sous lesquelles nous vivons. Nous vivons sous un prince ennemi de la fraude, Molière, Tart. v, 7.

    En termes de galanterie, vivre sous les lois d'une femme.

  • 4Passer sa vie. Si c'est un aveuglement surnaturel de vivre sans chercher ce qu'on est, c'en est un terrible de vivre mal en croyant Dieu, Pascal, Pens. XXIV, 57 bis, édit. HAVET. Est-on dans les grandes places pour se reposer et pour vivre ? Bossuet, le Tellier. Jouissons de la vie ; ne nous refusons aucun plaisir ; le temps est court, hâtons-nous de vivre, parce que nous mourrons demain, et tout mourra avec nous, Massillon, Carême, Doutes. Pour exécuter de grandes choses, il faut vivre comme si on ne devait jamais mourir, Vauvenargues, Réflex. et max. 142. Il résultait de ses observations [de Montesquieu] que l'Allemagne est faite pour y voyager, l'Italie pour y séjourner, l'Angleterre pour y penser et la France pour y vivre, D'Alembert, Élog. Montesq.

    D'une façon emphatique et absolument. Employer sa vie. Contre de telles gens [les stoïciens, qui ôtent les passions], quant à moi, je réclame : Ils ôtent à nos cœurs le principal ressort ; Ils font cesser de vivre avant que l'on soit mort, La Fontaine, Fabl. XII, 20. Nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais, Pascal, Pens. III, 5. Quand il n'en faudrait retrancher [de la vie] ni l'enfance où l'homme ne se connaît pas, ni les maladies où l'on ne vit point…, Bossuet, le Tellier. La pensée de la mort nous trompe ; car elle nous fait oublier de vivre, Vauvenargues, Réfl. et max. 143. La plupart des hommes meurent sans avoir vécu ; vous vivez beaucoup, puisque vous pensez beaucoup, Voltaire, Lett. d'Uzès, 4 déc. 1751. L'homme qui a le plus vécu n'est pas celui qui a compté le plus d'années, mais celui qui a le plus senti la vie ; tel s'est fait enterrer à cent ans, qui mourut dès sa naissance, Rousseau, Ém. I. Vivre ce n'est pas respirer, c'est agir ; c'est faire usage de nos organes, de nos sens, de nos facultés, de toutes les parties de nous-mêmes qui nous donnent le sentiment de notre existence, Rousseau, ib. Ceux qui… N'ont connu qu'une oisive et morne indifférence… Ils n'ont fait qu'exister, l'amant seul a vécu, Chénier, Élég. XXVI. Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front, Hugo, Châtim. IV, 9.

    Avoir trop vécu, s'être livré à des excès dans sa jeunesse. Ceux qui ne meurent jamais que parce qu'ils ont trop vécu, Mme de Puisieux, Ridic. à la mode, p. 161, dans POUGENS.

  • 5Vivre pour, consacrer sa vie à. Ne vivre que pour servir Dieu, que pour son pays, que pour l'étude. Ce cœur qui n'a jamais vécu que pour son époux, Bossuet, Reine d'Anglet. Moi, j'aimerais Roxane, ou je vivrais pour elle ! Racine, Baj. III, 4. Gnathon ne vit que pour soi, et tous les hommes ensemble sont à son égard comme s'ils n'étaient pas, La Bruyère, XI. Que je le voie, plein de mépris pour moi, ne vivant plus que pour ma rivale, Fénelon, Tél. VII. Qui ne vit que pour soi n'est pas digne de vivre, Boissy, Sage étourdi, II, 3.

    On a dit dans le même sens : ne vivre qu'à. Mon cœur gêné d'amour n'a vécu qu'aux ennuis, Régnier, Élég. I. Ainsi des plus grands saints la sagesse profonde Pour ne vivre qu'à Dieu fuyait les jeux du monde, Corneille, Imit. I, 20.

  • 6Vivre avec une femme, avoir avec elle des rapports conjugaux. Pour éviter la fornication, que chaque homme vive avec sa femme, et chaque femme avec son mari, Sacy, Bible, St Paul, 1re ép. aux Cor. VII, 2. Savez-vous seulement [vous, Œdipe] avec qui vous vivez ? Voltaire, Œd. III, 4.

    En un sens défavorable. Vivre en état de concubinage. Elle vit avec un jeune homme. La surprise avec laquelle j'appris par lui que personne ne doutait dans le monde que je n'eusse vécu avec Mme d'Épinay, comme Grimm y vivait maintenant, ne peut être égalée que par celle qu'il eut lui-même en apprenant combien ce bruit était faux, Rousseau, Conf. x. On épouse une femme, on vit avec une autre, l'on n'aime que soi, Saurin, Mœurs du temps, 5.

    Vivre avec le public, vivre dans la prostitution. Cette Rosten, qui vit avec le public, fille d'un acteur, Mirabeau, Lett. orig. t. IV, p. 167.

  • 7Il se construit avec certains noms de temps et d'une manière qui pourrait faire croire qu'il a un régime direct ; mais il n'en est rien : c'est une ellipse de pendant, durant. Oui c'est moi qui voudrais effacer de ma vie Les jours que j'ai vécu sans vous avoir servie, Corneille, Ment. III, 5. Le regret qu'ont les hommes du mauvais emploi du temps qu'ils ont déjà vécu, ne les conduit pas toujours à faire de celui qui leur reste à vivre, un meilleur usage, La Bruyère, XI. L'homme, qui est trente ans à croître, vit quatre-vingt-dix ou cent ans ; le chien, qui ne croît que pendant deux ou trois ans, ne vit aussi que dix ou douze ans, Buffon, Hist. nat. hom. t. IV, p. 354. Nous trouverons dans la table qu'à l'âge de 25 ans on n'a vécu que le quart de sa vie, qu'à l'âge de 38 ans on n'en a vécu que la moitié, et que ce n'est qu'à l'âge de 56 ans qu'on a vécu les trois quarts de sa vie, Buffon, Hist. nat. hom. t. IV, p. 424. Ah ! si l'on peut vivre mille ans en un quart d'heure, à quoi bon compter tristement tous les jours qu'on aura vécu ? Rousseau, Hél. I, 10. Similis, courtisan de Trajan, ayant, sans aucun mécontentement personnel, quitté la cour et tous ses emplois pour aller vivre paisiblement à la campagne, fit mettre ces mots sur sa tombe : J'ai demeuré soixante-seize ans sur la terre, et j'en ai vécu sept, Rousseau, Lett. à M. de Malesherbes, 3.
  • 8Se nourrir. Les animaux qui vivent de proie. Il fait cher vivre dans cette ville. Il a fait meilleur vivre cette année que l'année dernière où les récoltes avaient souffert. Jean était vêtu de poil de chameau ; il avait une ceinture de cuir autour des reins, et vivait de sauterelles et de miel sauvage, Sacy, Bible, Évang. St Marc, I, 6. On ne vit ni d'air ni d'amour, La Fontaine, Fianc. Je vis de bonne soupe, et non de beau langage, Molière, Femm. sav. II, 7. Le roi a très bien dormi ; il a grand'faim, et est bien las de ne vivre que de bouillons, Dangeau, I, 420, 23 nov. 1686. Parmi des tas de blé vivre de seigle et d'orge, Boileau, Sat. VIII. Sa nourriture était simple ; il vivait comme les soldats, pour leur donner l'exemple de la sobriété et de la patience, Fénelon, Tél. XVII. Les Tartares de l'Asie et les Patagons de l'Amérique vivent également de la chair de leurs chevaux, Buffon, Suppl. à l'hist. nat. t. XI, p. 130. Il [Sommanocodom] vivait avec un grain de riz par jour ; il arracha un de ses yeux pour le donner à un pauvre auquel il n'avait rien à donner, Raynal, Hist. phil. IV, 13.

    Familièrement. Il vit de rien, il mange très peu, il dépense très peu pour sa nourriture. La bouche pleine, osez-vous bien Chanter l'amour qui vit de rien ? Béranger, Gourmands.

    Fig. Je me renferme avec eux, et je vis de sentiments, de douleurs, et de chagrins, Maintenon, Lett. à l'abbé Gobelin, 1674, t. II, p. 11. La riche fiction est le charme des vers ; Nous vivons du mensonge, Racine L. Relig. ch. IV.

    Vivre de régime, suivre un régime, vivre avec beaucoup de règle pour cause de santé. Il vivait de régime et mangeait à ses heures, La Fontaine, Fabl. VII, 4.

    Vivre à table d'hôte, manger habituellement à une table commune où chacun paye tant par repas.

    Ils vivent en commun, se dit de plusieurs personnes qui n'ont qu'une table tenue à frais communs.

  • 9Vivre sur soi-même, se dit d'une personne d'embonpoint, qui mange peu, et qui semble se sustenter de sa propre substance.

    Fig. Nous sommes dans un profond silence… dans un entier éloignement de toute sorte de nouvelles, et vivant enfin sur nos réflexions, Sévigné, 12 mai 1680.

    Fig. Vivre de sa réputation, vivre sur sa réputation, garder son crédit, son influence non par ce qu'on fait, mais par le souvenir de ce qu'on a fait. Nous vivons [nous Français] encore un peu de notre ancienne réputation littéraire ; mais cette vie précaire ne durera pas longtemps, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 20 nov. 1772.

  • 10Se procurer les moyens de vivre, de se soutenir. Vivre de son travail. Vivre de ses revenus. Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l'écoute, La Fontaine, Fabl. I, 2. Il est juste que ceux qui servent à l'autel vivent de l'autel, Pascal, Prov. VI. Au lieu que ce devrait être de l'argent pour vivre, c'est de l'argent pour avoir vécu, Sévigné, 339. Ces malheureux [les gredins du Parnasse] cherchent à penser pour vivre, et moi je n'ai vécu que pour penser, Voltaire, Lett. Panckoucke, 13 févr. 1769. La basse littérature cherche toujours à tout empoisonner ; elle ne vit que de ce métier, Voltaire, Lett. Lebrun, 9 décemb. 1760. Il faut bien que je vive, disait l'abbé Desfontaines à un ministre d'Etat ; le ministre eut beau lui dire qu'il n'en voyait pas la nécessité ; Desfontaines vécut, Voltaire, Lett. Albergati, 23 déc. 1760.

    Avoir de quoi vivre, posséder un revenu suffisant pour la manière dont on vit. Non, morbleu, il n'y aura plus moyen de vivre avec moi ; car je n'aurai bientôt plus de quoi vivre, Dancourt, Maison de camp. sc. 14.

    En mauvaise part, vivre d'industrie, vivre par des moyens peu honorables.

    Vivre de ménage, vivre avec économie, et fig. par plaisanterie, vendre ses meubles pour subsister. Martine : Un homme… qui me vend pièce à pièce tout ce qui est dans le logis ! - Sganarelle : C'est vivre de ménage, Molière, Méd. m. lui, I, 1.

    Vivre au jour le jour, au jour la journée, vivre avec ce qu'on gagne chaque jour.

    Fig. Vivre au jour le jour, vivre sans prévoyance, sans s'inquiéter du lendemain.

    Fig. Il vit de la grâce de Dieu, se dit d'un homme à qui on ne connaît aucune ressource pour subsister. Il se dit aussi d'un homme qui mange très peu, et à peine assez pour se soutenir.

    Fig. Vivre d'espérance, vivre dans l'attente de quelque bien, et se soutenir par cette attente.

  • 11 Terme d'administration militaire. Se procurer les aliments nécessaires à une armée. Il [le marquis de Resnel] prétend qu'on n'a pas de quoi vivre une campagne, si l'on n'a en divers magasins de quoi en vivre deux, Pellisson, Lett. hist. t. II, p. 204. Ce jour-là même, il [Napoléon] interpella hautement un administrateur par ces mots remarquables : Pour vous, monsieur, songez à nous faire vivre ici [Vitepsk] ; car, ajouta-t-il à haute voix, nous ne ferons pas la folie de Charles XII, Ségur, Hist. de Nap. v, 1. Nos longs et lourds convois auraient appesanti notre marche ; il était plus à propos de vivre du pays, Ségur, ib. III, 2.

    Vivre à discrétion, se dit des soldats qui se font traiter à leur gré par les habitants du pays envahi.

  • 12Se dit par rapport à la dépense que l'on fait, à l'état que l'on tient. Vivre splendidement, honorablement, noblement, grandement, largement. Vivre en prince, en grand seigneur. Vivre misérablement, mesquinement, petitement. Je sais que la vengeance Est un morceau de roi ; car vous vivez en dieux, La Fontaine, Fabl. X, 12.

    Vivre noblement, vivre d'une façon qui ne déroge en rien à la noblesse (locution qui vieillit). Que dites-vous tous les jours vous-mêmes de ceux qui lui ressemblent ? un tel vit noblement ; il mange son bien avec honneur, Massillon, Carême, Mauv. riche.

    Vivre noblement, vivre en gentilhomme, vivre sans rien faire. Chacun d'eux résolut de vivre en gentilhomme, Sans rien faire, La Fontaine, Fabl. III, 2.

  • 13Mener une certaine existence, un genre de vie quelconque. Vivre dans le célibat, dans le mariage. Vivre dans la joie, dans la tristesse. Il vit content. Les prêtres et les religieux, zélés et infatigables pasteurs de ce troupeau affligé, qui vivaient en Angleterre pauvres, errants, travestis, Bossuet, Reine d'Anglet. Si je n'ai pas vécu la compagne d'Achille, Racine, Iphig. v, 2. Je vis dans une retraite profonde auprès de la dame la plus estimable du siècle présent, et avec les livres du siècle passé, Voltaire, Lett. au pr. roy. de Pr. 27 mai 1737. Les hommes éclairés, qui sont en grand nombre, gémissent tout bas en Italie ; le reste vit dans les plaisirs et l'ignorance ; le bas peuple, dans la superstition, Voltaire, Mœurs, 140.

    Vivre paix et aise, passer sa vie tranquillement dans l'abondance (locution vieillie).

    Il faut laisser chacun vivre à sa mode, que chacun règle sa vie comme il l'entend.

    On dit de même : Chacun vit à sa mode.

  • 14Être en contact, en commerce habituel. Ah ! mon enfant, qu'il est aisé de vivre avec moi ! Sévigné, 6 nov. 1680. La condition des comédiens était infâme chez les Romains, et honorable chez les Grecs ; qu'est-elle chez nous ? on pense d'eux comme les Romains, et on vit avec eux comme les Grecs, La Bruyère, XII. Il [Charlemagne] aimait à vivre avec les gens de sa cour, Montesquieu, Esp. XXXI, 18. Le maréchal de Vivonne, connu par son esprit et par son amitié pour Despréaux, allait souvent chez Molière, et vivait avec lui comme Lelius avec Térence, Voltaire, Vie de Molière. Pythagore, qui régnait sur tout le corps [de ses disciples] avec la tendresse d'un père, mais avec l'autorité d'un monarque, vivait avec eux comme avec ses amis ; il les soignait dans leurs maladies, et les consolait dans leurs peines, Barthélemy, Anach. ch. 75.

    Vivre avec les vivants, se conformer aux mœurs, aux usages. Il faut solliciter, il faut se familiariser, il faut vivre avec les vivants, Sévigné, 555. Quand je fais autrement, ce n'est pas ma faute ; je sais bien qu'il faut vivre avec les vivants, Carmontelle, Prov. les Braconniers, sc. 2.

    Vivre avec soi-même, vivre dans la retraite, sans communication avec le monde. Il faut être bien avec ceux avec qui l'on vit, et bien avec soi quand on vit avec soi, Fontenelle, Ressons.

    Vivre bien, vivre mal avec quelqu'un, être en bonne, en mauvaise intelligence avec lui. Quoiqu'elle vécût parfaitement bien avec lui, il n'était pas entièrement heureux, La Fayette, Princ. Clèves, Œuv. compl. t. II, p. 34, dans POUGENS.

    Vivre bien avec quelqu'un, signifie aussi se comporter à son égard convenablement, décemment, ne pas manquer aux égards de convenance. Je désire, madame, dit le roi, que vous viviez bien avec Mme de Montespan, Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p. 32, dans POUGENS. La Fare [amant de Mme de la Sablière] était l'ami du marquis de la Sablière, qui vécut toujours bien avec sa femme, Genlis, ib. t. I, p. 151.

    On dit dans le sens contraire : vivre mal avec quelqu'un. Ce jeune homme vit mal avec ses parents.

    Cet homme est aisé, commode à vivre, il est d'un commerce facile, on vit facilement avec lui.

    Dans le sens contraire : C'est un homme difficile à vivre.

    On ne saurait vivre avec cet homme, il est d'une humeur à laquelle on ne saurait s'accommoder.

  • 15Se conduire d'une certaine manière par rapport aux mœurs, à la religion. Vivre saintement. Vivre mal. Ma fille, c'est ainsi que l'on vit à Paris, Régnier, Sat. XII. On les voit [les vrais dévots], pour tous soins, se mêler de bien vivre, Molière, Tart. I, 6. Votre fille ne vit pas comme il faut qu'une femme vive, Molière, G. Dandin, I, 4. Et je me vis contrainte à demeurer d'accord Que l'air dont vous vivez vous faisait un peu tort, Molière, Mis. III, 4. Les conditions les plus aisées à vivre selon le monde sont les plus difficiles à vivre selon Dieu, et au contraire, Pascal, Pens. XXIV, 27. Je ne vous rapporterai que l'exemple d'une femme qui, pratiquant tous les jours la dévotion des images de la Vierge, vécut toute sa vie en péché mortel… et qui ne laissa pas d'être sauvée par le mérite de cette dévotion, Pascal, Prov. IX. C'est avoir envie de vivre chrétiennement avec la fortune, que de lui pardonner la conduite qu'elle a eue avec vous, Sévigné, à Bussy, 26 août 1688. Je vis enfin comment meurt un chrétien qui a bien vécu, Fléchier, Duc de Montaus. Je ne suis pas peureuse de mon naturel : qui vit bien ne craint rien, Marivaux, Pays. parv. 3e part. Nous ne commençons à vivre moralement que quand nous commençons à ordonner nos pensées, à les tourner vers un certain avenir, et à prendre une espèce de consistance, Buffon, Hist. nat. hom. t. IV, p. 424.
  • 16Se conformer aux usages du monde. Ils [les faux dévots] sont trop politiques pour cela, et savent trop bien vivre pour découvrir le fond de leur âme, Molière, Tart. Préface. Nous fûmes ensuite chez Mme Colbert, qui est extrêmement civile, et sait très bien vivre, Sévigné, 12 janv. 1674. Il est vrai que ces messieurs, qui savaient mieux vivre que lui [Ménage], raccommodaient tout, faisant signe qu'ils se garderaient bien d'accepter les offres qu'on leur faisait, Anti-Menagiana, p. 66. Hélas ! on n'a plus rien à craindre ! Les vices n'ont plus de censeurs ; Le monde n'est rempli que de lâches flatteurs : Savoir vivre, c'est savoir feindre, Deshoulières, t. I, p. 133. Oh ! monsieur, il sait trop bien vivre pour en user si familièrement avec vous, Lesage, Crispin rival de son maître, 7. Il faut prendre le parti de la vérité ; mais faut-il blesser pour cela l'humanité ? faut-il renoncer à savoir vivre, parce qu'on se flatte de savoir écrire ? Voltaire, Mél. litt. sur la satire. Congédie honnêtement cet homme estimable et grossier, qui sait donner et qui ne sait pas vivre, Voltaire, Écoss. II, 5. Je le verrai, madame, je sais vivre, et l'on peut se fier à moi sur l'article des procédés, Marmontel, Contes mor. Quatre flacons.

    Apprendre à vivre, enseigner comment il faut se conformer aux usages du monde. Faut-il que la jeunesse Apprenne maintenant à vivre à la vieillesse ? Regnard, le Distr. IV, 2. Tu es un gentilhomme français si zélé pour la politesse de ton pays, que tu es venu exprès à Londres pour l'y enseigner publiquement, et pour apprendre à vivre à toute l'Angleterre, Boissy, Français à Lond. I.

    Familièrement. Je lui apprendrai à vivre, je lui apprendrai à agir plus convenablement ; je le corrigerai, je le punirai de sa faute. Il faut apprendre à vivre à ce sexe volage, Molière, le Dép. IV, 2. Et qu'enfin, si quelqu'un parlait mal de Teutatès, il lui apprendrait à vivre, Voltaire, Zadig, 12.

    Apprendre à vivre, acquérir la connaissance des usages du monde.

    Le savoir-vivre, voy. SAVOIR-VIVRE.

  • 17 Fig. Avoir une seconde vie, demeurer dans le souvenir, dans l'affection, en parlant des personnes. …oui, j'aime mieux, n'en déplaise à la gloire, Vivre au monde deux jours que mille ans dans l'histoire, Molière, Princ. d'Él. I, 2. Il [Alexandre] vit dans la bouche de tous les hommes, sans que sa gloire soit effacée ou diminuée depuis tant de siècles, Bossuet, la Vallière. Ô prince, le digne sujet de nos louanges et de nos regrets, vous vivrez éternellement dans ma mémoire, Bossuet, Louis de Bourbon. Si l'espoir de régner et de vivre en mon cœur Peut de son infortune adoucir la rigueur, Racine, Bérén. III, 1. Quel homme d'État osera se répondre de vivre dans l'histoire, quand on voit des médailles de plusieurs rois dont les noms ne se trouvent dans aucun historien ? Duclos, Consid. mœurs, 5. Combien d'années Caton a-t-il vécu ? Caton vit encore, il s'adresse à nous, il s'adresse à nos neveux, il a laissé le modèle impérissable de l'homme vertueux, Sénèque, dans DIDER. Claude et Nér. II, 34.

    Il se dit des choses dans le même sens. Ce cantique portera contre eux un témoignage, qui vivra dans la bouche de leurs enfants sans qu'il puisse jamais être effacé, Sacy, Bible, Deutéron. XXXI, 21. Quoi ! tu crois, cher Osmin, que ma gloire passée Flatte encor leur valeur, et vit dans leur pensée ? Racine, Bajaz. I, 1. Et qu'à jamais mon nom vive dans leur mémoire, Racine, Esth. III, 7. Leurs usages, leurs lois, leurs noms vivent encore, Delille, Én. v.

    Cet ouvrage vivra, il passera à la postérité.

    Les mauvais ouvrages ne vivent pas longtemps, ils tombent bientôt dans l'oubli.

  • 18Vive, vivent, expression qu'on emploie pour indiquer qu'on souhaite longue vie et prospérité à quelqu'un. Vive le roi ! Il s'élève un grand bruit, et mille cris confus Ne laissent discerner que Vive Héraclius ! Corneille, Héracl. v, 7. Le temps vient, dit le Seigneur, qu'on ne dira plus à l'avenir : Vive le Seigneur, qui a tiré les enfants d'Israël de l'Égypte ; mais Vive le Seigneur, qui a tiré les enfants d'Israël de la terre d'aquilon, Sacy, Bible, Jérémie, XVI, 15. Le sage dit selon les gens : Vive le roi ! Vive la ligue ! La Fontaine, Fabl. II, 5. Au moment où il arriva à l'Académie, il trouva plus de deux mille personnes dans la cour du Louvre, qui criaient en battant des mains : Vive M. de Voltaire ! D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 1 juil. 1778. Les soldats prenaient le pas de course ; les tambours battaient la charge ; l'air retentissait des cris mille et mille fois répétés : En avant ! en avant ! Vive la république ! Général Foy, Guerre de la Péninsule, I.

    Par extension. Vive le roi, cri de ralliement des royalistes.

    On dit de même : Vivent les braves ! Vive la liberté ! ma main brise vos fers, Voltaire, M. de Cés. III, 7. Vive le vainqueur, disent leurs habitants à l'exemple des Italiens, passant et repassant d'un joug à l'autre dans une seule campagne, Raynal, Hist. phil. XIV, 48.

    Il se dit familièrement pour marquer qu'on estime quelqu'un, qu'on fait grand cas de quelque chose. Vive le vin ! Vivent les sots pour donner de l'esprit ! La Fontaine, Comm. l'espr. Vivent les provinces pour les manières ; on se pique à Paris d'un petit air aisé, qui est la grossièreté même, Destouches, Fausse Agnès, I, 7. Vivent les grands esprits pour former les grands cœurs ! Piron, Métrom. v, 2. Malgré tout le jargon de la philosophie, Malgré tous les chagrins, ma foi, vive la vie ! Gresset, Sidney, III, 5. Où je ne vois pas de profit, je veux au moins du plaisir ; et vive la joie ! Beaumarchais, Barb. de Sév. III, 5.

    Substantivement. Un vive-la-joie, un homme joyeux, sans souci.

    Vive Dieu ! sorte d'affirmation tirée de l'Écriture sainte. Vive Dieu ! ah ! j'ai pitié de votre aveuglement : je veux ôter de dessus votre dos ce fardeau qui vous accable, et mettre devant vos yeux cette vérité qui vous éclaire, Bossuet, Sermons, Vaines excus. des péch. 2. Si je les rencontre demain, vive Dieu ! ils verront ce qui leur arrivera, Lesage, Gil Blas, v, 1.

  • 19Qui vive ? voy. QUI-VIVE.

    Vivre se conjugue avec l'auxiliaire avoir.

  • 20Il s'emploie quelquefois activement, avec le mot vie ou un nom de temps pour régime. Cette distance infinie que vos crimes avaient mise entre le Seigneur et vous, et que des siècles de pénitence, quand vous les auriez vécus, n'auraient pu remplir eux-mêmes, Massillon, Confér. Jubilé. Beaucoup n'auront vécu leur vie chétive…, É. Littré, Revue de la philosophie positive, t. IV, p. 319.
  • 20Le vivre, l'état d'être en vie. Ô douce volupté, sans qui dès notre enfance Le vivre et le mourir nous deviendraient égaux, La Fontaine, Psyché, II, p. 215. En sorte que [suivant les casuistes] le simple vivre est plus malaisé que le bien vivre [la bonne conduite], Pascal, Prov. IX.

    Manière de vivre. Je pense, quant à moi, que cet homme fut ivre, Qui changea le premier l'usage de son vivre, Et, rangeant sous ses lois les hommes écartés, Bâtit premièrement et villes et cités, Régnier, Sat. VI. On est nourri, vêtu, logé bien mieux qu'on ne l'était, et les mœurs s'améliorent avec le vivre physique, Courier, Lett. VI.

    Donner aux soldats pour le bien vivre, se disait d'une certaine somme qu'on donnait aux soldats dans les garnisons, pour les obliger à ne rien exiger de leurs hôtes au delà de ce que prescrivaient les ordonnances.

  • 22Vivre s'est dit pour usage du monde. Oh ! madame, M. le chevalier sait trop bien son vivre, Dancourt, le Chevalier à la mode, III, 6.

PROVERBES

On ne sait qui meurt ni qui vit, il faut mettre ses affaires, sa conscience en ordre, pour être préparé à la mort.

Qui vit à compte, il vit à honte.

Qui plus vit, plus a à souffrir.

Qui a honte de manger, a honte de vivre.

Assez jeûne qui pauvrement vit.

Item il faut vivre, la nécessité de pourvoir à sa subsistance fait faire bien des choses qu'on ne ferait pas autrement et qu'on doit excuser.

S'il vit, il aura de l'âge, se dit pour exprimer qu'un enfant, un jeune homme avec l'âge acquerra de l'expérience.

Il faut que tout le monde vive, il faut permettre à chacun de pourvoir à son existence, à ses goûts. Ceux qui ont des organes grossiers cherchent des plaisirs où l'âme n'entre pour rien ; et ceux qui ont un sentiment plus délicat, veulent des plaisirs plus fins ; il faut que tout le monde vive, Voltaire, Rem. Pens. Pascal, 58.

Le prêtre vit de l'autel, se dit quand on veut faire entendre que chacun vit de son métier. Suivant le dire d'un ancien, il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger, Molière, Avare, III, 5.

Cet enfant a trop d'esprit, il ne vivra pas, se dit pour se moquer des enfants trop précoces, d'après cette opinion que la précocité est un danger. Quand ils ont tant d'esprit, les enfants vivent peu, Delavigne, Enfants d'Édouard, I, 2.

REMARQUE

1. Il faut dire : les années qu'il a vécu, et non qu'il a vécues. En effet années n'est pas complément direct de vivre ; mais il faut entendre les années pendant lesquelles il a vécu. Ainsi vivre un long temps, c'est vivre pendant longtemps.

2. Dans le XVIIe siècle, l'usage et les grammairiens n'étaient pas fixés sur la forme du prétérit : je vécus ou je véquis, et de l'imparfait du subjonctif : je vécusse ou je véquisse. La corruption de la raison parait par tant de différentes et extravagantes mœurs ; il a fallu que la vérité soit venue, afin que l'homme ne véquît plus en soi-même, Pascal, Pens. XXV, 90, éd. HAVET. Jamais prince ne véquit si bien dans son domestique, Fléchier, Hist. Théodose, IV, 80. Ce fameux conquérant, ce vaillant Sésostris, Qui jadis en Égypte, au gré des destinées, Véquit de si longues années, N'a vécu qu'un jour à Paris, Racine, Épigr. sur le Sésostris de Longepierre. Aujourd'hui on ne dit plus que : je vécus, je vécusse.

3. À la première personne du présent de l'indicatif, Malherbe a dit : je vi au lieu de je vis. Le peu qu'ils ont vécu leur fut grand avantage, Et le trop que je vi ne me fait que dommage, Malherbe, I, 4. C'est un archaïsme ; dans l'ancien français les premières personnes de ce temps, aux verbes où l's n'est point au radical, ne prenaient point d's. Cet archaïsme doit être admis quand la rime l'exige.

HISTORIQUE

XIe s. E s'il ne volt [veut], ou s'il ne vist…, Lois de Guill. 45. Quant tu es mors, dolur est que je vif, Ch. de Rol. CXLIX.

XIIe s. Se Deu plaist et je vif, je vous metrai à mal, Ronc. p. 193. Bien [je] cuidai vivre sans amour Dès ore en pais tout mon aé [âge], Couci, III. Puis fu morte la dame, ne vesqui que six ans, Sax. v. Gardez bien ces messages [ces messagers] ; car lor vivres ert cors [sera court], ib. XXVII. Li bieneurous Job viscat entre les felons, Job, p. 441.

XIIIe s. Ne vivoit que de pain et d'eve au samedi, Berte, LIX. Tout aussi com d'un enfant qui, quant on le trouve de bon engien, si dist on que il ne vivra mie long tans, Hist. litt. de la Fr. t. XXIII, p. 725. Ce est par une tel nature que tozjors li maindres [le moindre] est viande dou graignor [du plus grand] ; et ainsi li uns vit de l'autre, Latini, Trésor, p. 183. L'amor des freres est aussi comme amor de compaignons, por ce que il sont vesqu et norri ensemble, Latini, ib. p. 314. Povreté fait homme despire Et haïr et vivre à martire, Et tolt au sage neis [même] le sen, la Rose, 8026. Si sai ge bien certainement Que, se loial amor ne ment, Se vous vivez et je morroie, Tousjors en vostre cœur vivroie, ib. 8182. Le prelat qui le corone, et toz les autres dient en latin par trois fois : Vive le roi en bone prosperité, Ass. de Jér. I, 30. La maniere de leur vivre estoit tele ; car il ne mangoient point de pain, et vivoient de char et de let, Joinville, 264. Les orges, et les ris, et tout ce de quoy en peut vivre, Joinville, 216. Le comte de Bretaingne a pis fait au roy que nul homme qui vive, Joinville, 203.

XIVe s. Et dit li uns à l'autre à la fois et souvent : Vive ce Bertran, vive, qui regne tellement ! Guesclin. 18073.

XVe s. Nous n'avons qu'un petit vivre, Froissart, Espinette amour. Donc dirent ils que ils vouloient que il vesquisist, car il estoit trop durement bel, Froissart, II, III, 27. Il faut, qui veut vivre en ce monde et avoir honneur, avoir du bien et du mal, Froissart, II, II, 218. Aussi en y a maint de ceauls [ceux] Qui gourmandent, boivent, manguent Sans faim, sans soif, si se tuent, Et veulent vivre pour mangier, Non manger pour vie allongier, Deschamps, Poésies mss. f° 473. En pillant et robbant nostre pauvre peuple, se vivent sur iceluy en degastant leurs biens, et font plusieurs autres grans dommaiges, maulx et excès, Monstrelet, t. I, ch. 106, p. 176, dans LACURNE. Lyonnel mon cousin vit, ce m'est advis, d'amours ; car il ne luy souvient de manger, Perceforest, t. II, f° 97. [Louis XI] en sa jeunesse, et vivant le roy Charles septiesme son pere, se y vint retirer, Commines, v, 9.

XVIe s. Les artisans vivans de leurs bras, Amyot, Solon, 60. Il vescut toute sa vie en très estroitte pauvreté, Amyot, Arist. 1. Ainsi vescut il, comme Nestor, presque trois aages d'homme, Amyot, Caton, 31. Encore la laissa il [Athènes] libre, franche et vivante à ses loix, Amyot, Sylla et Lysand. 10. Nous vivons, mon Belleau, une vie sans vie, Ronsard, 815. L'homme ne vit pas tant de l'air tiré des cieux, De pain, de vin, de feu…, Ronsard, 904. Assez sçait qui vivre sçait, Génin, Récréat. t. II, p. 234. Je veux mal aux destins dont les loix adversaires M'ont si tard fait sentir vostre aimable rigueur ; Le tans vescu devant ne m'estoit que langueur, Desportes, Cléonice, LXVIII. Il vesquit jusques à la la mort, en despit des envieux, Rabelais, Garg. 1, 21. Nul ne vit plus desordonnément, que celui qui vit à soy, et ne pense qu'à son profit, Calvin, Instit. 313. C'estoit ores, c'estoit qu'à moy je devois vivre, Sans vouloir estre plus que cela que je suis, Du Bellay, J. VI, 13, recto. Mais il n'a pleu aux dieux me permettre de suivre Ma jeune liberté, ny faire que depuis Je vesquisse aussi france de travaux et d'ennuis…, Du Bellay, J. VI, 13, recto. Leur vivre solitaire, Du Bellay, J. VI, 35, recto. Tout œuvre qui doit vivre, il a dès sa naissance Un daemon qui le guide à l'immortalité, Du Bellay, J. VI, 38, verso. L'homme est né pour une meilleure fin que pour vivre, c'est pour bien vivre, Lanoue, 116. Ils [les vaudois] vesquirent sans persecution sous les ducs de Savoye, D'Aubigné, Hist. I, 68. La belle moitié de leur vie, ils [Annibal et Scipion] la vescurent de la gloire acquise en leur jeunesse, Montaigne, I, 408. J'ay vescu en assez bonne compaignie pour n'ignorer pas…, Montaigne, I, 52. Le longtemps vivre, Montaigne, 84. Cicero disoit que, quand il vivroit la vie de deux hommes…, Montaigne, I, 179. Adorant un Dieu qui vesquit aultrefois homme, Montaigne, II, 336. Vive liberté, La Boétie, Servit. volont.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. VIVRE. Ajoutez :
23Le long vivre, l'action de vivre longtemps. C'est un malheur du trop long vivre, Chateaubriand, Mém. d'outre-tombe, éd. de Bruxelles, t. VI, M. Thiers.
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Étymologie de « vivre »

(Verbe) Du moyen français vivre, de l’ancien français vivre, du latin vīvere (« vivre »), infinitif présent actif de vīvō, du proto-italique *gʷīwō, ultimement de l’indo-européen *gʷíh₃weti (« vivre, être vivant »). Cognat du francoprovençal vivre, de l’italien vivere, de l’espagnol vivir, du portugais viver.
(Nom 1) Par substantivation du verbe. Attesté aux environs de 1160[1]. Au sens de « nourriture » il est davantage utilisé au pluriel depuis au moins la fin du XVIIe siècle[2]. → voir vivres
(Nom 2) Voir vouivre.
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Prov. viure, vieure ; catal. viurer ; esp. vivir ; portug. viver ; ital. vivere ; du latin vivere ; comparez le grec βίος, vie ; le gaél. beo, vivant ; kimry, byw, vivant ; sanscr. jiv, vivre. Le wallon dit viké ; au XIIe siècle on trouve une forme viscat.

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Phonétique du mot « vivre »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
vivre vivr

Fréquence d'apparition du mot « vivre » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « vivre »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « vivre »

  • Mais comme chaque chose a sa raison, et que la fantaisie d’un individu me paraît tout aussi légitime que l’appétit d’un million d’hommes et qu’elle peut tenir autant de place dans le monde, il faut, abstraction faite des choses, et indépendamment de l’humanité qui nous renie, vivre pour sa vocation, monter dans sa tour d’ivoire et là, comme une bayadère dans ses parfums, rester, seul, dans nos rêves
    Gustave Flaubert — Correspondance
  • Voilà. Ces personnages vont vous jouer l’histoire d’Antigone. Antigone, c’est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu’elle va être Antigone tout à l’heure, qu’elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu’elle va mourir, qu’elle est jeune et qu’elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n’y a rien à faire. Elle s’appelle Antigone et il va falloir qu’elle joue son rôle jusqu’au bout… Et, depuis que ce rideau s’est levé, elle sent qu’elle s’éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n’avons pas à mourir ce soir.Le jeune homme avec qui parle la blonde, la belle, l’heureuse Ismène, c’est Hémon, le fils de Créon. Il est le fiancé d’Antigone. Tout le portait vers Ismène : son goût de la danse et des jeux, son goût du bonheur et de la réussite, sa sensualité aussi, car Ismène est bien plus belle qu’Antigone ; et puis un soir, un soir de bal où il n’avait dansé qu’avec Ismène, un soir où Ismène avait été éblouissante dans sa nouvelle robe, il a été trouver Antigone qui rêvait dans un coin, comme en ce moment, ses bras entourant ses genoux, et il lui a demandé d’être sa femme. Personne n’a jamais compris pourquoi. Antigone a levé sans étonnement ses yeux graves sur lui et elle lui a dit « oui » avec un petit sourire triste… L’orchestre attaquait une nouvelle danse, Ismène riait aux éclats, là-bas, au milieu des autres garçons, et voilà, maintenant, lui, il allait être le mari d’Antigone. Il ne savait pas qu’il ne devait jamais exister de mari d’Antigone sur cette terre et que ce titre princier lui donnait seulement le droit de mourir.Cet homme robuste, aux cheveux blancs, qui médite là, près de son page, c’est Créon. C’est le roi. Il a des rides, il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. Avant, du temps d’Œdipe, quand il n’était que le premier personnage de la cour, il aimait la musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes. Mais Œdipe et ses fils sont morts. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses manches, et il a pris leur place.Quelquefois, le soir, il est fatigué, et il se demande s’il n’est pas vain de conduire les hommes. Si cela n’est pas un office sordide qu’on doit laisser à d’autres, plus frustes… Et puis, au matin, des problèmes précis se posent, qu’il faut résoudre, et il se lève, tranquille, comme un ouvrier au seuil de sa journée.La vieille dame qui tricote, à côté de la nourrice qui a élevé les deux petites, c’est Eurydice, la femme de Créon. Elle tricotera pendant toute la tragédie jusqu’à ce que son tour vienne de se lever et de mourir. Elle est bonne, digne, aimante. Elle ne lui est d’aucun secours. Créon est seul. Seul avec son petit page qui est trop petit et qui ne peut rien non plus pour lui.Ce garçon pâle, là-bas, au fond, qui rêve adossé au mur, solitaire, c’est le Messager. C’est lui qui viendra annoncer la mort d’Hémon tout à l’heure. C’est pour cela qu’il n’a pas envie de bavarder ni de se mêler aux autres. Il sait déjà…Enfin les trois hommes rougeauds qui jouent aux cartes, leurs chapeaux sur la nuque, ce sont les gardes. Ce ne sont pas de mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants, et des petits ennuis comme tout le monde, mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l’heure. Ils sentent l’ail, le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents et toujours satisfaits d’eux-mêmes, de la justice. Pour le moment, jusqu’à ce qu’un nouveau chef de Thèbes dûment mandaté leur ordonne de l’arrêter à son tour, ce sont les auxiliaires de la justice de Créon.Et maintenant que vous les connaissez tous, ils vont pouvoir vous jouer leur histoire. Elle commence au moment où les deux fils d’Œdipe, Étéocle et Polynice, qui devaient régner sur Thèbes un an chacun à tour de rôle, se sont battus et entre-tués sous les murs de la ville, Étéocle l’aîné, au terme de la première année de pouvoir, ayant refusé de céder la place à son frère. Sept grands princes étrangers que Polynice avait gagnés à sa cause ont été défaits devant les sept portes de Thèbes. Maintenant la ville est sauvée, les deux frères ennemis sont morts et Créon, le roi, a ordonné qu’à Étéocle, le bon frère, il serait fait d’imposantes funérailles, mais que Polynice, le vaurien, le révolté, le voyou, serait laissé sans pleurs et sans sépulture, la proie des corbeaux et des chacals… Quiconque osera lui rendre les devoirs funèbres sera impitoyablement puni de mort.Pendant que le Prologue parlait, les personnages sont sortis un à un. Le Prologue disparaît aussi. L’éclairage s’est modifié sur la scène. C’est maintenant une aube grise et livide dans une maison qui dort. Antigone entr’ouvre la porte et rentre de l’extérieur sur la pointe de ses pieds nus, ses souliers à la main. Elle reste un instant immobile à écouter. La nourrice surgit.
    Jean Anouilh —  Antigone
  • Vieillir est ennuyeux, mais c’est le seul moyen que l’on ait trouvé de vivre longtemps.
    Sainte Beuve — Portraits littéraires
  • Vivre est une torture puisque vivre sépare.
    Albert Camus — Les Justes
  • Vivre tous simplement pour que tous puissent simplement vivre.
    Gandhi
  • C'est vivre et cesser de vivre qui sont des solutions imaginaires. L'existence est ailleurs.
    André Breton — Manifeste du surréalisme, Pauvert
  • Suivant le dire d'un ancien*, il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger.
    Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière — L'Avare, III, 1, Valère
  • Nous nous conduisons comme des gens qui doivent toujours vivre et nous ne vivons jamais.
    Marcus Manilius — Astronomica, IV, 4
  • La nouvelle éco : un traitement pour mieux vivre avec des acouphènes à Saint-Étienne
    France Bleu — "J'ai peur de vivre dans ce quartier" : l'inquiétude après une fusillade ce lundi aux Dervallières à Nantes
  • L'esprit à sec et la tête ivre, Fini, mais ne sachant finir, Il mourut en s'attendant vivre Et vécut s'attendant mourir.
    Édouard Joachim, dit Tristan Corbière — Les Amours jaunes
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Traductions du mot « vivre »

Langue Traduction
Anglais live
Espagnol vivir
Italien vivere
Allemand leben
Chinois 生活
Arabe حي
Portugais viver
Russe прямой эфир
Japonais 住む
Basque bizi
Corse campà
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Synonymes de « vivre »

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Antonymes de « vivre »

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Vivre

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