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Sacrifier

Définitions de « sacrifier »

Trésor de la Langue Française informatisé

SACRIFIER, verbe trans.

A. − [Corresp. à sacrifice A]
1. RELIG. Qqn sacrifie qqc. à qqn.Offrir en sacrifice. Synon. immoler.Sacrifier un agneau, une victime (sur l'autel d'un dieu). Dans ces fêtes barbares, six sacrificateurs étaient chargés de l'horrible fonction de sacrifier aux dieux des milliers de captifs (Dupuis, Orig. cultes, 1796, p. 420).Demain, à la fin des temps, Mithra viendra de nouveau sacrifier un taureau divin. Et du sacrifice ne sortira plus cette fois la vie terrestre mais la résurrection des corps et des âmes, avec les châtiments et les félicités éternels (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 432).
Empl. abs. Offrir un sacrifice, des sacrifices. La femme [romaine] n'a plus rien de commun avec la religion domestique de ses pères; elle sacrifie au foyer du mari (Fustel de Coul., Cité antique, 1864, p. 45).Faire retentir une prière juive au pied de la colline sacrée où sacrifiait David? (Tharaud, An prochain, 1924, p. 59).
Empl. pronom. réfl. S'offrir en sacrifice. Se sacrifier (à Dieu). Jésus se sacrifie en toute vérité quand, dès le premier instant, il s'offre pour l'autel (...) et se soumet à la souffrance (Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 677).
P. anal. [Dans le lang. mystique] Se consacrer à la vie religieuse, entrer dans les ordres. Maintenez-la dans la sainte résolution qu'elle vient de témoigner solennellement, en demandant à se sacrifier à Dieu, en qualité de victime (Huysmans, En route, t. 1, 1895, p. 212).
[Avec effacement du compl. dir.] Sacrifier à.Offrir un/des sacrifices à. Sacrifier aux idoles. [Le roi] négligeait de sacrifier au dieu Phthâh, et n'envoyait plus d'offrandes à la déesse de Tafné (Du Camp, Nil, 1854, p. 71).Ces soldats chrétiens qui, sommés par l'empereur romain de sacrifier aux dieux, ne voulurent ni céder ni se révolter et acceptèrent le martyre (Barrès, Greco, 1911, p. 25).
2. Au fig., littér. Qqn sacrifie à qqn/qqc.
a) Sacrifier aux grâces. V. grâce III A 2 b.
b) Sacrifier à Vénus (p. plaisant.). [Le suj. désigne un homme] Avoir des relations sexuelles avec une femme. De Morny (...) qui ne couchait jamais avec une femme, mais qui, tous les matins (...) sacrifiait à Vénus avec une visiteuse enjuponnée (Goncourt, Journal, 1886, p. 597).Quoiqu'il en paraisse et malgré mes trente-six ans, je n'ai point encore sacrifié à Vénus! (Giraudoux, Folle, 1944, i, p. 56).
c) [Avec parfois une nuance de blâme] Être dépendant de, être sous l'emprise de, se soumettre ou se conformer à. Sacrifier au devoir, au goût du jour, à des intérêts, à la mode, à un sentiment. Alexandre sacrifia aussi à la peur avant la bataille d'Arbelles (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 2, 1821, p. 43).L'auteur est un écrivain de grande qualité, mais c'est lui qui a eu la « trouille », il a sacrifié au goût du public (Green, Journal, 1950, p. 344).
B. − [Corresp. à sacrifice B] Qqn sacrifie qqn/qqc. (à qqn/qqc., pour qqn/qqc.)
1. [L'obj. désigne un animé]
a) Vouer quelqu'un à la mort ou le laisser aller à sa perte, au bénéfice d'autres personnes ou d'un intérêt supérieur. Sacrifier l'individu à l'espèce; sacrifier qqn au bien de l'État; sacrifier des combattants, des soldats. Pétain, ça se sait, ne veut pas qu'on sacrifie les hommes (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 278).Une mission sacrifiée... Je vous demande un peu s'il est sensé de sacrifier un équipage pour des renseignements dont personne n'a besoin (Saint-Exup., Pilote guerre, 1942, p. 277).V. commende A ex. de Chateaubriand.
ÉCON. [L'obj. désigne un animal] L'abattre pour la consommation ou en cas d'accident ou de maladie. Si le cal doit gêner, voire même empêcher la sortie du fœtus, il faut sacrifier la jument, la vache ou la chienne (Garcin, Guide vétér., 1944, p. 153).Au repas du soir (...) on sacrifie (...) l'oie que l'on engraisse pour cette occasion (Menon, Lecotté, Vill. Fr., 1, 1954, p. 88).
b) Négliger au profit de quelqu'un ou de quelque chose d'autre. Synon. négliger.Sacrifier un ami; sacrifier sa famille à son métier. Ce théâtre (...) a maladroitement ou à dessein amorti Madame Dorval, notre première tragédienne, et l'a complètement sacrifiée à Mademoiselle Georges (Mussetds R. des Deux Mondes, 1832, p. 642).Les hommes regardent ma décoration et Marinette. Quand elle passe d'un côté et moi de l'autre, ils me sacrifient pour ne regarder qu'elle, qui est un peu décolletée (Renard, Journal, 1902, p. 781).
c) Empl. pronom. réfl.
Donner sa vie pour quelqu'un ou quelque chose. Se sacrifier à qqn; se sacrifier à l'honneur, à la Patrie; se sacrifier pour sauver qqn. « Se sacrifier à un autre! » Chose étrange, inouïe, qui scandalisera l'oreille de nos philosophes. « S'immoler à qui? À un homme, qu'on sait valoir moins que soi (...) » (Michelet, Peuple, 1846, p. 304).Au cours de l'histoire des grandes nations, beaucoup d'individus se sont sacrifiés pour le salut de leur pays (Carrel, L'Homme, 1935, p. 347).
Se dévouer, faire le sacrifice de soi. Se sacrifier pour ses enfants, pour un idéal; se sacrifier avec joie, de grand cœur, sans regret. Décidée à se sacrifier pour rétablir la tranquillité domestique, elle ne craignait aucune espèce d'inquisition (Champfl., Bourgeois Molinch., 1855, p. 283).Amour qui n'était pas un désir charnel, mais un besoin de se sacrifier, d'admirer, de se sacrifier pour ce qu'on admire (Maurois, Ariel, 1923, p. 268).
Empl. réciproque. Quand on aime, on se sacrifie l'un à l'autre (Rolland, J.-Chr., Adolesc., 1905, p. 347).
Absol. Il faut se sacrifier. − (...) Mais, mon cher, il faut être aveugle pour ne pas voir qu'elle t'aime. − Alors Alissa... − Alors Alissa se sacrifie (Gide, Porte étr., 1909, p. 537).
2. [L'obj. désigne un inanimé] Renoncer à un bien ou à une valeur auquel on tient au profit d'une personne ou d'une valeur supérieure; subordonner une valeur à une autre.
a) [L'obj. désigne un inanimé le plus souvent abstr.] Sacrifier à Dieu sa haine, son ressentiment, sa vengeance (Ac.). Dût-il m'en coûter la moitié des jours qui me restent et la moitié de ma fortune, je sacrifierais tout pour la rendre heureuse (Balzac, Lys, 1836, p. 240):
1. Des employés amateurs sacrifiant à leur coupable fainéantise la dignité de leurs fonctions, jusqu'à laisser choir dans la déconsidération publique et dans le mépris sarcastique de la foule l'antique prestige des administrations de l'État! Courteline, Ronds-de-cuir, 1893, 1ertabl., 2, p. 35.
SYNT. Sacrifier l'amour à l'ambition, au devoir; sacrifier l'avenir au présent; sacrifier l'intérêt général aux intérêts particuliers; sacrifier son bonheur, son existence, sa gloire, ses intérêts, ses sentiments, sa vie à qqn, à qqc.; sacrifier un plaisir, son repos à qqn, à qqc.
[Sans compl. second] Sacrifier ses loisirs. Quand j'ai appris que Jacques ne pouvait se lever entre nous, j'ai faibli, je n'ai pas eu le courage de sacrifier mes tendresses (Zola, M. Férat, 1868, p. 150).Il crut qu'en sacrifiant ses plaisirs et sa liberté [en se mariant], il ferait naître en lui un homme neuf, solidement convaincu de ses devoirs et de ses droits (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 348).
Absol. Ils se sentent lourds de la richesse de tous les possibles, et décider, c'est choisir, choisir c'est sacrifier, renoncer (Mounier, Traité caract., 1946, p. 416).
En partic. Sacrifier son temps à qqn, à qqc. Consacrer son temps à quelqu'un, à quelque chose. Sacrifier ses vacances à un travail. Je me crois obligée à vous donner une soirée en échange de celle que vous m'avez sacrifiée (Balzac, Illus. perdues, 1837, p. 110).Toujours je l'ai connu prêt à me sacrifier une heure, deux heures, et davantage, parfois des journées entières pour m'expliquer n'importe quoi (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 424).
b) [L'obj. désigne un inanimé concr.] Les femmes qui sacrifient résolument leur visage à la sveltesse de leur taille et ne quittent plus Marienbad (Proust, Fugit., 1922, p. 665):
2. L'histoire de la mode doit enregistrer une des bizarreries du temps: les cheveux rasés de la main du bourreau, dans ce qu'on appelle la toilette du condamné, furent mis en vogue, comme fantaisie de la parure du jour. Les élégantes sacrifièrent leur chevelure pour se coiffer « à la victime », « à la sacrifiée ». Stéphane, Art coiff. fém., 1932, p. 153.
[Sans compl. second] Sacrifier sa barbe, une pièce (d'habitation), une plante. Après avoir sacrifié vingt fois son navire, il aperçut la mer, qui s'ouvrait largement dans le sud-ouest. Le détroit existait (Verne, Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 43).On démolit bientôt chez soi [pour se chauffer]. On sacrifia une chaise, un escabeau, une vieille table, une malle, une caisse à linge (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 335).
c) Spécialement
ARTS, LITT. Éliminer, réduire ce qui est accessoire en particulier pour faire valoir l'ensemble. Sacrifier une mise en scène, le rôle d'un personnage. Toutes les substitutions ont leur but, relatif généralement à la composition, et je n'ai pas hésité à sacrifier des vers qui me semblaient d'une jolie peinture (Mallarmé, Corresp., 1866, p. 211).Le goût tend ici à assurer la ligne et à sacrifier la couleur, dont les Japonais ont laissé de frappants exemples (Alain, Beaux-arts, 1920, p. 286).
COMM. Sacrifier une marchandise. Vendre à prix très bas. Synon. brader, solder.Le tailleur anglais de Paris (...) sacrifie ses plus beaux tailleurs de dames coupés dans ses ateliers (Le Figaro, 19-20 janv. 1952, p. 3, col. 5).Au part. passé. Remarquez, tout ça partait d'un bon sentiment, confie un maire rouergat. L'État voulait nous fournir des projets types, du prêt à municipaliser à des prix sacrifiés (Le Point, 30 oct. 1978, p. 76, col. 2).
JEUX (échecs, dames, cartes). Sacrifier une pièce de jeu, une carte. Perdre une pièce de jeu, une carte délibérément pour s'assurer par la suite un avantage (notamment de position) ou quelque opportunité tactique. P. anal. Nancy n'a pas hésité à sacrifier une pièce du jeu pour sauver cela, à recourir au dernier moyen dont elle disposait, sa propre vie dégradée, et perdue (Camus, Requiem, 1956, 2epart., 6etabl., p. 902).
Prononc. et Orth.: [sakʀifje], (il) sacrifie [-fi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1119 abs. « offrir un sacrifice à la divinité » (Philippe de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 2249); 2. a) ca 1145 « rendre quelqu'un victime de quelque dessein ou de quelque intérêt » (Wace, Conception N.D., éd. W. R. Ashford, 405); b) 1668 se sacrifier (La Fontaine, Fables, VII, I, éd. H. Régnier, t. 2, p. 96); 3. 1674 fig. (Racine, Iphigénie, IV, 4: Cruel! C'est à ces dieux [l'orgueil et l'ambition] que vous sacrifiez); 4. 1875 arts (Lar. 19e). Empr. au lat.sacrificare (de sacrum, neutre de sacer « ce qui est sacré » et facere « faire ») littéral. « accomplir une cérémonie sacrée » d'où « offrir en sacrifice à une divinité ». Fréq. abs. littér.: 2 270. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4 214, b) 2 396; xxes.: a) 3 003, b) 2 964.

Wiktionnaire

Verbe - français

sacrifier \sa.kʁi.fje\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se sacrifier)

  1. (Religion) Offrir quelque chose à Dieu ou aux divinités, avec certaines cérémonies, pour leur rendre hommage.
    • Sacrifier des victimes, un taureau, un agneau. — Abraham consentit à sacrifier son propre fils, pour obéir à Dieu.
    • Socrate mourant demanda que l’on sacrifiât un coq à Esculape.
    • (Absolument)
      • Abraham alla sacrifier sur la montagne.
      • Les prêtres des Juifs avaient seuls le droit de sacrifier dans le temple.
      • – [...] Pourquoi refuserais-tu de sacrifier? [...] Je sais ta piété, ta fidélité et ton attachement à la grandeur de Rome.
        – Tu sais aussi que je suis chrétien.
        — (Après Jésus. L'invention du christianisme, sous la dir. de Roselyne Dupont-Roc et Antoine Guggenheim, Albin Michel, 2020, p. 29.)
  2. (Figuré) Se conformer par faiblesse, par complaisance, par habitude.
    • Les deux sœurs se casaient, plus ou moins confortablement mariées, et l'aînée, sacrifiant à la tradition, enfantait régulièrement deux fois tous les trois ans. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930, page 27)
    • C'est bien fait, beau travail, fit-il, je vois que vous avez sacrifié au rite de la petite communauté qui veut que l’intégration ici passe par la production jardinière, une sorte d’urbanité légumière, le raffinement horticole, […]. — (Fabrice Lomon, Pendant que les champs brûlent, Éditions Le Manuscrit, 2012, p. 27)
  3. Abandonner volontairement quelque chose, y renoncer, pour l’amour de Dieu ou en considération d’une personne, d’une chose.
    • Sacrifier à Dieu sa haine, son ressentiment, sa vengeance.
    • Il a sacrifié ses intérêts à son ami. — J’ai tout sacrifié pour vous. — Il a sacrifié sa vie pour son pays.
  4. Perdre, délaisser, abandonner.
    • Sacrifier une chose, une personne à une autre. — J’ai sacrifié mes plus légitimes ambitions à mon repos.
    • Cet architecte sacrifie la solidité à l’élégance. — Il m’a sacrifié à mes pires ennemis.
  5. (Absolument) Rendre quelqu’un victime de quelque dessein ou de quelque intérêt.
    • Les physiocrates paraissaient disposés à sacrifier les individus à l'utilité générale ; […] — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, Chap.III, Les préjugés contre la violence, 1908, p.140-141)
    • On a sacrifié ce subalterne pour sauver l’honneur d’un homme puissant.
    • On a sacrifié inutilement les meilleures troupes.
  6. (Figuré) Employer, utiliser ce qui nous est précieux.
    • Sacrifier tout son temps, tout son loisir à quelque chose.
    • Sacrifier son repos, son bonheur, etc., à celui d’un autre.
    • Sacrifier tout à sa passion, à son ambition, à sa vengeance, etc. — Sacrifier quelqu’un à son ambition, à son ressentiment, etc.
  7. (Pronominal) Se dévouer à quelqu’un ou quelque chose sans réserve ; souffrir tout pour son service, pour l’amour de lui.
    • De toute évidence, il était humainement impossible que l’escadre américaine de l’Atlantique pût vaincre les Allemands ; […]. Son devoir, donc, n’était pas de vaincre, mais de se sacrifier, le plus sévère devoir au monde. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 176 de l’édition de 1921)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

SACRIFIER. v. tr.
Offrir quelque chose à Dieu avec certaines cérémonies, pour lui rendre un hommage souverain. Sacrifier des victimes, un taureau, un agneau. Abraham consentit à sacrifier son propre fils, pour obéir à Dieu. Absolument, Abraham alla sacrifier sur la montagne. Les prêtres des Juifs avaient seuls le droit de sacrifier dans le temple. Il se dit aussi en parlant des Sacrifices offerts aux idoles, aux fausses divinités. Socrate mourant demanda que l'on sacrifiât un coq à Esculape. Absolument, Il refusa de sacrifier aux idoles, aux faux dieux. Fig., Sacrifier aux Grâces, Mettre de la grâce dans ses manières, dans ses discours, dans son style. Fig., Sacrifier aux préjugés, à la mode, au goût de son siècle, Se conformer par faiblesse, par complaisance excessive, à ce que veulent les préjugés, la mode, le goût régnant.

SACRIFIER signifie encore Abandonner volontairement quelque chose, y renoncer, pour l'amour de Dieu ou en considération d'une personne, d'une chose. Sacrifier à Dieu sa haine, son ressentiment, sa vengeance. Il a sacrifié ses intérêts à son ami. J'ai tout sacrifié pour vous. Il a sacrifié sa vie pour son pays. Se sacrifier pour quelqu'un, Se dévouer à lui sans réserve, souffrir tout pour son service, pour l'amour de lui. Je me suis sacrifié pour vous. Se sacrifier pour la patrie. Sacrifier une chose, une personne à une autre, Perdre, délaisser une chose, une personne en faveur d'une autre. J'ai sacrifié mes plus légitimes ambitions à mon repos. Cet architecte sacrifie la solidité à l'élégance. Il m'a sacrifié à mes pires ennemis. Sacrifier tout son temps, tout son loisir à quelque chose, Y employer tout son temps, tout son loisir. Sacrifier son repos, son bonheur, etc., à celui d'un autre, Renoncer au repos, au bonheur, etc., pour assurer le repos, le bonheur de quelqu'un. Sacrifier tout à ses intérêts, Faire céder toutes choses à ses intérêts, préférer ses intérêts à tout. On dit de même : Sacrifier tout à sa passion, à son ambition, à sa vengeance, etc. On dit également : Sacrifier quelqu'un à son ambition, à son ressentiment, etc. Absolument, Sacrifier quelqu'un, Le rendre victime de quelque dessein ou de quelque intérêt. Ce général, ce ministre a été sacrifié. On a sacrifié ce subalterne pour sauver l'honneur d'un homme puissant. On a sacrifié inutilement les meilleures troupes. Le participe passé

SACRIFIÉ s'emploie comme adjectif. Un rôle, un personnage sacrifié, Un rôle, un personnage peu important.

Littré (1872-1877)

SACRIFIER (sa-kri-fi-é), je sacrifiais, nous sacrifiions, vous sacrifiiez ; que je sacrifie, que nous sacrifiions, que vous sacrifiiez v. a.
  • 1Offrir quelque chose à Dieu avec certaines cérémonies. Sacrifier des victimes. Abraham allait sacrifier son fils.

    Absolument. Nous trouvons une lettre de Julien l'apostat, par laquelle il promet aux Juifs de rétablir la sainte cité, et de sacrifier avec eux au Dieu créateur de l'univers, Bossuet, Hist. II, 12. C'était non seulement trop de bassesse, mais encore trop d'ingratitude au genre humain, de sacrifier à d'autres qu'à Dieu, Bossuet, ib.

    Fig. et absolument. Ils [les faux saints] appellent zèle une colère, et, quand ils tuent, ils pensent sacrifier, Guez de Balzac, Lett. 11, liv. VI.

  • 2Chez les chrétiens, sacrifier le corps et le sang de Jésus-Christ, faire le sacrifice de la messe. Quel homme fut jamais plus propre à sacrifier le corps et le sang de Jésus-Christ que celui qui lui avait fait un sacrifice de tous les moments de sa vie ? Fléchier, Panég. II, p. 110.

    Absolument. Que peut-on imaginer de plus malheureux que de ne pouvoir conserver la foi sans s'exposer au supplice, ni sacrifier sans trouble, ni chercher Dieu qu'en tremblant ? Bossuet, Reine d'Anglet.

  • 3Il se dit des sacrifices offerts aux dieux, dans le polythéisme. Pour obtenir les vents que le ciel vous dénie, Sacrifiez Iphigénie, Racine, Iph. I, 1. Les premiers hommes ne sacrifiaient que de l'herbe, Montesquieu, Esp. IV, 25. Sanchoniathon, cité par Eusèbe, rapporte que les Phéniciens sacrifiaient dans les grands dangers le plus cher de leurs enfants, Voltaire, Pol. et lég. Tolérance, si l'intolérance fut de droit divin. Ensuite on sacrifia des chevaux au soleil, des cerfs à Diane, des chiens à Hécate, Barthélemy, Anach. ch. 21.

    Par extension. Si votre esprit [M. Barillon, ambassadeur] plein de souplesse… Peut adoucir les cœurs et détourner ce coup [la guerre], Je vous sacrifierai cent moutons : c'est beaucoup Pour un habitant du Parnasse, La Fontaine, Fabl. VIII, 4.

    Absolument. Ceux qui occupent des places comme la vôtre sont d'ordinaire traités comme des dieux ; plusieurs les craignent ; tous leur sacrifient, Voiture, Lett. 34. La victime est choisie, et le peuple à genoux ; Et pour sacrifier on n'attend plus que vous, Corneille, Poly. II, 5. Il [le roi de Babylone] commanda que l'on fît venir des victimes et de l'encens, et qu'on lui sacrifiât, Sacy, Bible, Daniel, II, 46. Cette reine d'Israël, qui.. de retour à Samarie sacrifie à ses veaux d'or comme auparavant, Massillon, Carême, Inconst.

    Fig. Sacrifier aux Grâces, mettre de la grâce dans ses manières, dans ses discours, dans son style. Les Grecs recommandaient aux poëtes de sacrifier aux Grâces ; Milton a sacrifié au diable, Voltaire, Dict. phil. Épopée. Thomas sacrifia toujours à la vertu, à la vérité, à la gloire, jamais aux Grâces, Marmontel, Mém. VI.

    Fig. Sacrifier à, écouter, obéir. Cruel ! c'est à ces dieux [l'orgueil et l'ambition] que vous sacrifiez, Racine, Iphig. IV, 4. En parlant de ce que le roi a fait de grand et d'utile, vous avez trouvé le secret de faire l'éloge d'un ministre votre ami [M. de Choiseul]… vous avez sacrifié à l'amitié et à la vérité, Voltaire, Lett. Beauvau, 5 avril 1771.

    Sacrifier aux préjugés, à la mode, au goût de son siècle, s'y conformer par faiblesse avec excès.

  • 4Sacrifier à ou pour, renoncer à… pour l'amour de Dieu ou d'une personne. Sacrifier à Dieu son ressentiment. J'ai tout sacrifié pour vous. Il a sacrifié sa vie pour son pays. Je sacrifierais tout ce que je possède pour le sauver. Il est du sang d'Hector, mais il en est le reste, Et pour ce reste enfin j'ai moi-même en un jour Sacrifié mon sang, ma haine et mon amour, Racine, Andr. IV, 1. Ces yeux… Qui m'ont sacrifié l'empire et l'empereur, Racine, Brit. V, 1.

    Absolument. Elle a toujours sacrifié ses ressentiments, et n'a jamais voulu nuire, Fléchier, Mme de Montaus.

  • 5Perdre ou délaisser quelqu'un ou quelque chose en vue de quelque chose. Sacrifier sa fortune à son honneur. Il sacrifierait un ami à un bon mot. Et je sacrifierais à de si puissants nœuds Amis, femme, parents et moi-même avec eux, Molière, Tart. V, 7. La vertu demande une vie uniforme, et sacrifie constamment à l'ordre et au devoir les inconstances d'une imagination légère et variable, Massillon, Mystères, Passion, 2. Dans cette année malheureuse [1757], M. de la Rochefoucauld sacrifia soixante mille francs à faire travailler tous les habitants de sa terre, Diderot, Salon de 1765, Œuv. t. XIII, p. 151, dans POUGENS. On avait été forcé de sacrifier tout un jour au passage de la Nara et de son marais, ainsi qu'au ralliement des différents corps, Ségur, Hist. de Nap. IX, 2.

    Sacrifier tout son temps, tout son loisir à une chose, l'y consacrer tout entier.

    Sacrifier son repos, son bonheur, etc. à celui d'un autre, renoncer au repos, au bonheur, etc. pour les assurer à un autre.

    Sacrifier tout à ses intérêts, faire céder toutes choses à ses intérêts.

    On dit de même : sacrifier tout à sa passion, à sa gloire, à son ambition, à la vengeance, etc.

  • 6Sacrifier quelqu'un, le faire périr. Dieu les frappe [les grands] pour nous avertir ; leur élévation en est la cause, et il les épargne si peu, qu'il ne craint pas de les sacrifier à l'instruction du reste des hommes, Bossuet, Duch. d'Orl. Eugène fut pris : il fallut le sacrifier à la vengeance publique, Bossuet, Hist. I, 11. Sur le moindre soupçon il les sacrifiait à sa sûreté, Fénelon, Tél. VIII. Plusieurs des rois furent d'avis qu'il fallait, dans le doute, sacrifier Acanthe à la sûreté publique, Fénelon, ib. XX.
  • 7Sacrifier quelqu'un, signifie aussi le rendre victime de quelque vue, de quelque passion, de quelque intérêt. Sacrifier quelqu'un à son ambition, à son ressentiment.

    Absolument. On a sacrifié les meilleures troupes pour une attaque inutile. César n'est point à lui [Cicéron], Crassus le sacrifie, Voltaire, Catil. II, 1. Angélique : Croyez-vous, monsieur, que mon oncle veuille me sacrifier ? - Dorval : Qu'appelez-vous sacrifier ? Goldoni, Bourru bienf. II, 11. Louis XI, cédant à la nécessité, accorda tout pour sortir du péril où il s'était engagé par son imprudence, et sacrifia les Liégeois, Duclos, Œuv. t. II, p. 353. Comment, ma tante, vous iriez donner Sophie à ce vieux marin ! c'est la sacrifier, Al. Duval, les Héritiers, sc. 12.

  • 8Il se dit aussi dans un sens atténué pour subordonner, mettre dans un rang inférieur. L'auteur a entièrement sacrifié ce rôle de Maxime [dans Cinna] ; il ne faut le regarder que comme un personnage qui sert à faire valoir les autres, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Cinna, III, 2. Il [Le Tourneur, traducteur de Shakespeare] l'appelle le dieu du théâtre ; il sacrifie tous les Français, sans exception, à son idole, Voltaire, Lett. d'Argental, 19 juill. 1776. Ce qui la choqua le plus [Mme du Châtelet], ce fut de voir que ces trois ou quatre nations puissantes sont sacrifiées dans ce livre [l'Histoire universelle de Bossuet] au petit peuple juif, qui occupe les trois quarts de l'ouvrage, Voltaire, Mœurs, Rem. I.

    Sacrifier un amant, le quitter pour un autre. Marion de Lorme, qui était un peu moins qu'une prostituée, fut un des objets de son amour, et elle le [le cardinal de Richelieu] sacrifia à des Barreaux, Retz, Mém. t. I, liv. I, p. 16, dans POUGENS.

  • 9Se sacrifier, v. réfl. S'offrir en sacrifice. Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du céleste courroux, La Fontaine, Fabl. VII, 1. Il [le Messie] devait… se sacrifier pour eux [les hommes], être une hostie sans tache…, Pascal, Pens. XVIII, 16, édit. HAVET. Toutes ces pieuses observances avaient dans la reine l'effet bienheureux que l'Église même demande ; elle se renouvelait dans toutes les fêtes, elle se sacrifiait dans tous les jeûnes et dans toutes les abstinences, Bossuet, Mar.-Thér.
  • 10 Fig. Se rendre victime de quelque intérêt, de quelque dévouement. Il mande à ses agents dans la conférence qu'il n'est pas juste que la paix de la chrétienté soit retardée à sa considération… qu'on lui laisse suivre sa fortune ; ah ! quelle grande victime se sacrifie au bien public ! Bossuet, Louis de Bourbon. Je vais donc, puisqu'il faut que je me sacrifie, Assurer à Pyrrhus le reste de ma vie, Racine, Andr. IV, 1. Tous deux d'intelligence à nous sacrifier, Loin de moi, par mon ordre, il courait m'oublier, Racine, Mithr. IV, 4. Je me charge de vous excuser auprès de la marquise, n'en soyez pas en peine, et ne vous sacrifiez point, Marivaux, Marianne, part. 9.

    Se consacrer entièrement. Un homme capable comme lui de se sacrifier entièrement à l'algèbre n'est pas un présent que la nature fasse tous les jours aux sciences, Fontenelle, Rolle.

    Se sacrifier pour quelqu'un, se dévouer à lui sans réserve.

HISTORIQUE

XIIe s. E fist abatre le vergier où l'om lui soleit sacrefier [à Priape], Rois, p. 302.

XIIIe s. Là ot deux chats sacrefiés Et deux colombiaus… Pour encercher la verité, Bataille des sept arts.

XIVe s. Comme l'en raconte d'un qui occist et sacrifia sa mere et en menga, Oresme, Eth. 203.

XVIe s. Des tyrans ont esté sacrifiez à la haine du peuple par les mains de ceulx mesmes qu'ils avoient iniquement advancez, Montaigne, IV, 9.

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Étymologie de « sacrifier »

Provenç. sacrificar, sacrifiar ; espagn. sacrificar ; ital. sagrificare ; du lat. sacrificare (voy. SACRIFICE).

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(c. 1155) Du latin sacrificare « faire un acte sacré, rendre sacré ».
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Phonétique du mot « sacrifier »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
sacrifier sakrifje

Fréquence d'apparition du mot « sacrifier » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « sacrifier »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « sacrifier »

  • Et qui peut immoler sa haine à sa patrie Lui pourrait bien aussi sacrifier sa vie.
    Jean Racine — La Thébaïde
  • Vivre, c'est choisir, et choisir, c'est sacrifier quelque chose.
    G. Courtois
  • Il faut savoir sacrifier la barbe pour sauver la tête.
    J.D. Démétriades — Proverbes turcs
  • Notre coup de maître, c'est de sacrifier notre existence propre, afin de mieux exister.
    Johann Wolfgang von Goethe — Maximes et réflexions
  • Pour se sauver il n’y a qu’un moyen : sacrifier sa réputation.
    Francis Picabia — Littérature - Mai 1923
  • Le sacrifice de nous-mêmes nous permet de sacrifier les autres sans honte.
    George Bernard Shaw — Bréviaire d'un révolutionnaire
  • Dans le récit coranique, Abraham se voit sacrifier son fils en songe. Obéissant à cette vision, le patriarche sera arrêté in extremis par l’ange Gabriel envoyé par Dieu, lequel remplacera le sacrifice d’un enfant par une « immolation généreuse » (sourate 37, verset 107). Les interprètes musulmans classiques identifient cette « immolation généreuse » à un bélier.
    Le Monde.fr — Que fêtent les musulmans lors de l’Aïd-el-Kébir ?
  • Se sacrifier au service de la vie équivaut à une grâce.
    Albert Einstein — Comment je vois le monde
  • On peut se sacrifier pour ses propres idées, mais pas pour la folie des autres.
    Stefan Zweig — La contrainte
  • La révolution cesse dès l’instant où il faut se sacrifier pour elle.
    Le comité des enragés — Discours de Mai 68
Voir toutes les citations du mot « sacrifier » →

Traductions du mot « sacrifier »

Langue Traduction
Anglais sacrifice
Espagnol sacrificio
Italien sacrificio
Allemand opfern
Chinois 牺牲
Arabe تضحية
Portugais sacrifício
Russe приносить в жертву
Japonais 犠牲
Basque sakrifikatu
Corse sacrifiziu
Source : Google Translate API

Synonymes de « sacrifier »

Source : synonymes de sacrifier sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « sacrifier »

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Nombre de points du mot sacrifier au scrabble : 14 points

Sacrifier

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