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Revêtir

Définitions de « revêtir »

Trésor de la Langue Française informatisé

REVÊTIR, verbe trans.

A. − [Le suj. désigne une pers.]
1. Revêtir qqn (de qqc.)
a) Vieilli. Revêtir qqn.Pourvoir de vêtements celui qui en manque. Revêtir les pauvres. (Dict. xixeet xxes.).
b) Habiller quelqu'un d'un vêtement particulier (vêtement de cérémonie ou de parade, signe d'une fonction ou d'une dignité) ou le munir d'un attribut particulier. Revêtir un prélat de ses ornements sacerdotaux. Ses femmes la dépouillent [la reine] de son armure et la revêtent de ses ornements royaux (Valéry,Variété III, 1936, p. 117):
1. ... [les Romains] se faisoient un devoir de célébrer, en présence de leurs dieux, l'entrée de leurs enfans dans le second âge de la vie. C'étoit sous les auspices de ces dieux qu'ils les revêtoient de la robe virile. Bonald,Législ. primit., t. 1, 1802, p. 198.
Au passif. Être revêtu d'un cilice, de la pourpre, d'une robe de magistrat. Grand escogriffe, revêtu de la livrée marron (Bourges,Crépusc. dieux, 1884, p. 23).
Empl. pronom. réfl. Se revêtir d'un costume, d'un habit, de son uniforme. Maurice (...) dissimulait avec peine son malaise sous les luxueux habits dont il s'était revêtu (Gozlan,Notaire, 1836, p. 283).
[Sans compl. indir.] Mettre de nouveau un vêtement. Il est minuit moins un quart (...) et je vais me revêtir pour aller à la messe [de minuit], dans un petit couvent de religieuses près d'ici (Flaub.,Corresp., 1876, p. 376).
En partic., vieilli. Habiller richement quelqu'un. M. d'Heureux, fils d'un capitaine de vaisseau, vingt ans, allant en Dalmatie (...), on dirait un paysan qu'on a revêtu (Stendhal,Journal, 1806, p. 307).
c) Au fig.
α) Littér. Investir quelqu'un d'une autorité, d'une charge, d'une fonction. Revêtir qqn d'une dignité. Le roi l'a revêtu d'un plein pouvoir (Ac.1835, 1878).Ils ne pourraient m'accuser un jour de remplir les fonctions dont ils m'auraient revêtu, mais ils auraient à s'accuser seulement eux-mêmes de dispositions trop bienveillantes à mon égard (Lamart.,Corresp., 1832, p. 250).Au passif. Être revêtu d'une charge, d'un commandement; le pouvoir, le titre dont il est revêtu. Ministres, revêtus de l'autorité et de la responsabilité inhérentes à leur fonction (De Gaulle,Mém. guerre, 1956, p. 122).
β) Conférer à quelqu'un une qualité, le doter ou le pourvoir d'un caractère. Revêtir qqn d'honneur, de gloire. L'abbé Birotteau, l'un de ces hommes que Dieu a marqués comme siens en les revêtant de douceur, de simplicité (Balzac,Lys, 1836, p. 296).Ceux qui l'ont entendue [Sarah Bernhardt] se souviennent de la majestueuse grandeur dont elle revêtait la fille d'Achab (Mauriac,Vie Racine, 1928, p. 194).Empl. pronom. Allons au Nord nous revêtir de force et de confiance; et le midi sera bientôt soumis (Saint-Martin,Homme désir, 1790, p. 375).
2. Revêtir qqc. de qqc.
a) [L'obj. désigne une surface, un local, un objet] Recouvrir d'une couche protectrice, d'un revêtement, d'une décoration. Synon. couvrir.Revêtir un mur de carrelage. Il fallait revêtir ces murs de lambris en bois d'Irlande ou de ces tapisseries de haute lice, d'or et de fil d'Arras, si recherchées à cette époque (Huysmans,Là-bas, t. 1, 1891, p. 183).On avait même dû le revêtir [le plafond] d'une enveloppe de zinc pour protéger les hommes contre les douches continuelles (Moselly,Terres lorr., 1907, p. 258).Part. passé en empl. adj. Salon revêtu de marbre. Tubes (...) revêtus extérieurement d'une chemise de plomb (Verne,500 millions, 1879, p. 124).Statue colossale d'Athéna, toute revêtue d'or et d'ivoire et haute de quinze mètres (Barrès,Voy. Sparte, 1906, p. 67).
En partic. Faire un revêtement (sur quelque chose) (v. revêtement A 2 b). Revêtir un fossé, un bastion; revêtir une terrasse de gazon. Pour éviter le ravinement de la surface des talus, il suffit (...) de revêtir le talus (Bricka,Cours ch. de fer, t. 1, 1894, p. 106).
b) Au fig. Présenter sous un aspect agréable, séduisant. Synon. orner, parer.Revêtir ses pensées d'un style brillant; revêtir le mensonge des apparences de la vérité (Ac. 1835-1935). Je sentais en moi je ne sais quelle pudeur d'âme qui s'opposait à l'entière expression de mes sentiments, et je tâchais de les revêtir des formes de la pensée (Balzac,Lambert, 1832, p. 180).Dépouillons les faits de la rhétorique dont tu les revêts (Estaunié,Empreinte, 1896, p. 247).V. arabesque ex. 6.
c) [L'obj. désigne un écrit] Munir un acte de ce qui lui donne un caractère authentique, juridique ou officiel. Revêtir un dossier de sa signature; revêtir un écrit d'un cachet, de la formule exécutoire. L'acte de mon baptême (...) que le grand primat de Macédoine et d'Épire a revêtu de son sceau (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 398).Le portrait (...) ne pourra être tiré sans que je l'aie revu et revêtu de mon bon à paraître (Hugo,Corresp., 1862, p. 425).Au passif. [La rente viagère] peut être aussi constituée, à titre purement gratuit, par donation entre-vifs ou par testament. Elle doit être alors revêtue des formes requises par la loi (Code civil, 1804, art. 1969, p. 354).
3. Revêtir qqc.
a) [L'obj. désigne un vêtement]
Mettre sur soi un vêtement alors qu'on en quitte un autre ou qu'on est nu. Revêtir un habit, une robe. Le matin, à un signal, l'équipage, rangé sur le pont, dépouillait la chemise bleue pour en revêtir une autre qui séchait dans les haubans (Chateaubr.,Mém., t. 1, 1848, p. 259).La nuit, j'écarquillai les yeux en la voyant revêtir au lieu d'une chemise de nuit un pyjama (Beauvoir,Mém. j. fille, 1958, p. 276).
Revêtir un vêtement par dessus d'autres. Revêtir un imperméable, un manteau. Le supérieur du séminaire, qui revêtait sa douillette, lui fit signe de rester (A. France,Orme, 1897, p. 20).
Mettre sur soi un vêtement particulier, un vêtement de cérémonie ou de fonction. Revêtir une armure, un habit religieux, l'uniforme. Il ne se permettait jamais de dicter une dépêche sans avoir revêtu le costume brodé [de chambellan], garni de tous ses ordres (Stendhal,Chartreuse, 1839, p. 15):
2. Hélas! chez ton amant tu n'es point ramenée. Tu n'as point revêtu ta robe d'hyménée. L'or autour de tes bras n'a point serré de nœuds. Chénier,Bucoliques, 1794, p. 168.
b) Au fig.
α) Entrer dans une fonction, un rôle. Synon. endosser.En revêtant les fonctions de prieur (1300), il trouva les nobles et les plébéiens rentrant en lutte (Ozanam,Philos. Dante, 1838, p. 64).
β) Prendre telle ou telle apparence, avoir tel ou tel caractère. Aussitôt d'un serpent il revêt [Hercule] la figure; Il siffle, il s'enfle, il roule, il déroule ses nœuds (Delille,Homme des champs, 1800, p. 86).Incomparable pantomime, il revêtait le personnage de tous les gens de la maison ducale (Bourges,Crépusc. dieux, 1884, p. 36).[P. méton.] Un jeune homme dont le visage revêtait cette expression triomphante que donnent le bonheur et la conscience d'une grande beauté physique (Green,Journal, 1938, p. 155).
γ) RELIG. [P. allus. à St Paul Gal. 3, Éph. 4] Revêtir Jésus-Christ, le Christ, l'Homme nouveau. Prendre les sentiments, pensées et manières d'agir de Jésus-Christ de façon à devenir une créature nouvelle. Mais qu'est-ce que revêtir le Christ, sinon, par la grâce, l'assimiler, sinon s'adapter à cette activité qui est la sienne (Claudel,Poète regarde Croix, 1938, p. 295).
B. − [Le suj. désigne une chose]
1. Revêtir qqn ou qqc. (de qqc.)
a) Rare. [Le suj. désigne un vêtement] Habiller. Ceux-ci [les sarraux] rappelaient les houppelandes qui revêtent certaines des figures symboliques de Giotto (Proust,Swann, 1913, p. 80).
b) [Le suj. désigne ce qui peut servir de couverture, de protection] Être ajusté, être placé de façon à couvrir, protéger ou orner. Les écailles revêtent les poissons; les prairies revêtent les pentes. Dans l'homme, l'épiderme est généralement très-mince, à l'exception de la partie qui revêt la plante des pieds et la paume des mains (Cuvier,Anat. comp., t. 2, 1805, p. 542).
Au passif. Les carreaux des fenêtres, revêtus de givre au dehors et de vapeur au dedans, tamisaient une lumière plus adoucie (Bourget,Disciple, 1889, p. 133).
Empl. pronom. Se recouvrir de. Les champs se revêtaient d'une parure mouvante. C'est le moment de l'année où la forêt déroule ses masses de feuillage d'un vert lourd, presque noir (Moselly,Terres lorr., 1907, p. 184).
c) Au fig., littér. Conférer tel caractère, telle qualité; couvrir de telle ou telle apparence. Il y a [au XIIesiècle] (...) un épanouissement culturel qui revêt les femmes d'un prestige nouveau (Beauvoir,Deux. sexe, t. 1, 1949, p. 160).
Empl. pronom. Prendre tel aspect. Le paysage se revêt de splendeur. Au-dessus (...) une tête de Romulus dessinée au crayon noir, d'après David (...). Et ces quatre murs si vulgaires se revêtaient de majesté (A. France,Vie fleur, 1922, p. 332).
2. Au fig. Revêtir qqc.Avoir, prendre (un aspect, un caractère, une forme). Nulle autorité nouvelle ne pourra jamais revêtir un caractère aussi sacré (Sand,Lélia, 1839, p. 472):
3. Si l'heure de la mort revêt pour nous une telle importance, si la jurisprudence, la religion et la morale attachent aux dernières volontés, aux derniers sentiments, aux dernières pensées du mourant un rayonnement (...) n'est-ce point que ce sont là les derniers témoins de la liberté humaine avant son impuissance définitive? J. Vuillemin,Essai signif. mort, 1949, p. 179.
Revêtir un éclat, une importance. Cette cérémonie devait revêtir un certain éclat (Joffre,Mém., t. 2, 1931, p. 268).
REM.
Revêtu, -ue, part. passé en empl. adj.a) Vx, fam. Gueux, sot revêtu. Homme pauvre devenu riche et arrogant, personne cachant sa sottise sous une riche apparence. Nargue des vertus! On n'en sait que faire. Aux sots revêtus Le tout est de plaire. Bon! (Béranger,Chans., t. 1, 1829, p. 206).b) Technol. Pourvu d'un revêtement. Route revêtue. Des suintements (...) ravinèrent le talus non revêtu du côté des fouilles (Bourde,Trav. publ., 1929, p. 257).
Prononc. et Orth.: [ʀ əveti:ʀ], [-vε-], (il) revêt [-vε]. Ac. 1694, 1718: -ves-; dep. 1740: -vê-. Étymol. et Hist. 1. 2emoit. du xes. revestir « mettre sur quelqu'un ou sur soi un vêtement, surtout un habit de cérémonie (particulièrement en parlant d'ecclésiastiques, de personnages attachés au service d'une église) » (St Léger, éd. J. Linskill, 145); ca 1050 revestu en « vêtu d'(un costume d'église) » (Alexis, éd. Chr. Storey, 582); 2. ca 1140 revestir « mettre sur soi (un vêtement) » (Pèlerinage Charlemagne, éd. G. Favati, 189); 3. 1160-74 revestir « donner des vêtements à quelqu'un qui en manque » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 3642); 4. a) ca 1165 revestir « investir, mettre quelqu'un en possession de quelque chose » (Troie, 29502 ds T.-L.); b) ca 1165 revestir « livrer une personne à une autre » ([Chrétien de Troyes], Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 1890); ca 1274 revestir « doter, parer quelqu'un de quelque caractère » (Adenet le Roi, Berte, éd. A. Henry, 3466); c) 1690 revêtir un acte de « mettre (à un acte) tout ce qui est nécessaire pour qu'il soit valide » (Fur.); 5. ca 1170 revestir « mettre de nouveau sur soi (un vêtement) » (Marie de France, Lais, éd. J. Rychner, Bisclavret, 285); 6. 1364-65 revestir « couvrir d'un dessus qui rehausse, qui garnit, qui protège (par exemple de planches) » (Invent. mobiliers des ducs de Bourgogne, éd. B. Prost, t. 1, 432). Dér. de vêtir*; préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 2 577. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5 226, b) 2 864; xxes.: a) 3 511, b) 3 274.

Wiktionnaire

Verbe - français

revêtir \ʁə.ve.tiʁ\ ou \ʁə.vɛ.tiʁ\ transitif 3e groupe (voir la conjugaison)

  1. Pourvoir de vêtements quelqu’un qui en a besoin.
    • Revêtir les pauvres.
  2. Couvrir d’un vêtement, spécialement en parlant des habits de cérémonie ou des autres marques de dignité.
    • Les chevaliers du Saint Esprit étaient revêtus du grand collier de l’ordre.
    • Le président du tribunal était revêtu de sa robe de magistrat.
  3. (Figuré) Recevoir des emplois, des titres, des dignités, du pouvoir, de l’autorité, dont ainsi on est investi.
    • La charge dont je vous ai revêtu.
    • Le titre, le pouvoir, les dignités dont il est revêtu.
    • Il se dépouilla de l’autorité avec plus de contentement qu’il n’en avait eu à s’en revêtir, à s’en voir revêtu.
  4. (Figuré) Donner une apparence parfois trompeuse.
    • Les plus importants phénomènes de la météorologie revêtent la forme cyclonique. — (Hervé Faye, ib. t. LXXVI, page 510 — cité par Littré)
    • En outre, l’organisation de la famille française s’est achevée sous l’influence du droit canon et du droit romain qui revêtaient hier encore un aspect d’éternité et qui nous surprennent aujourd’hui par l’imminence de leur déclin. — (Pierre Louÿs, Liberté pour l’amour et pour le mariage, 1900, dans Archipel, 1932)
    • Revêtir ses pensées d’un style brillant.
    • Revêtir le mensonge, l’erreur des apparences de la vérité.
  5. Mettre sur soi, spécialement en parlant des habits de cérémonie et des autres marques de dignité. — Note : S’emploie alors avec le nom du vêtement comme complément direct.
    • […] il n’eut que le temps de réendosser prestement sa soutane et de filer en hâte à la sacristie pour revêtir les habits sacerdotaux. — (Louis Pergaud, « Le Sermon difficile », dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • […] en songeant à Héléna, il prit courage, quitta les habits qu’il avait fait faire à Cologne et revêtit ceux qui lui étaient destinés à l’avenir. — (Alexandre Dumas, Othon l’archer, 1839)
    • […] elles quittaient la livrée conventuelle, revêtaient les robes de gala, les ballons et les coques, les vertugadins et les fraises à la mode dans ce temps-là […] — (Joris-Karl Huysmans, La Cathédrale, Plon-Nourrit, 1915)
    • Les femmes, très coquettes, revêtent en général le costume traditionnel ; la petite veste très serrée moulant le torse et les bras, passe dans la ceinture d’une culotte flottante. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
    • En 2000, je suis allé au Kosovo et j’ai revêtu une de ces cuirasses des démineurs. C'est lourd, ça pèse trente-cinq kilos. — (Pascal Convert, Raymond Aubrac. Résister, reconstruire, transmettre, Éditions du Seuil, 2011)
  6. (Figuré) Prendre, se donner ou s’attribuer telle ou telle apparence ou telle ou telle qualité.
    • Elle découvre des gestes de coquetterie qui, comme les gestes de pudeur, revêtent une sorte de beauté austère d’être accomplis dans la solitude. — (Henri Barbusse, L’Enfer, Éditions Albin Michel, Paris, 1908)
    • La mesure de la teneur en humidité d’un sol et la force de rétention de l’eau par celui-ci revêtent une grande importance pour l’aménagement des bassins versants et l’hydrologie. — (H. Tschinkel, « Mesure de la tension de l’eau dans le sol », Revue internationale des forts et des industries forestières, 1974, archives de la FAO)
    • Cette fois, ce fut Damen que les soldats congratulèrent. Il revêtait désormais un prestige nouveau à leurs yeux, en tant que celui dont les réflexes affûtés avaient sauvé la moitié des hommes et la totalité du vin. — (C.S. Pacat, Prince Captif, tome 2 : Le Guerrier, traduit de l'anglais (Australie) par Louise Lafon, éd. Milady/Bragelonne, 2017, chap. 8)
  7. (Architecture) Faire un revêtement.
    • Revêtir un fossé, un bastion.
    • Revêtir une terrasse de gazon.
    • Revêtir une muraille de carreaux de faïence.
    • Revêtir de marbre, de stuc, les lambris d’un appartement.
  8. (Plus généralement) Recouvrir, enduire,
    • Revêtir l’aire d’une grange d’une touche de sable et de terre battus.
    • Revêtir le fond d’un bassin d’un lit de glaise.
  9. (Pronominal) Se rhabiller.
    • Savinet. — C’est vous qui étiez tout à l’heure chez madame Savinet quand je suis arrivé inopinément ! Vous qui, en m’entendant, vous êtes revêtu à la hâte ! Et vous êtes enfui par le salon pendant que j’entrais par le couloir !… Mais pas assez vite pour que je ne puisse m’élancer sur vos traces ! — (Georges Feydeau, Le Système Ribadier, 1892, acte II, scène 3)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

REVÊTIR. (Il se conjugue comme VÊTIR.) v. tr.
Pourvoir de vêtements quelqu'un qui en a besoin. Revêtir les pauvres. Il signifie aussi Couvrir d'un vêtement, spécialement en parlant des Habits de cérémonie ou des autres marques de dignité. Deux aumôniers revêtirent ce prélat de ses habits pontificaux. Les chevaliers du Saint-Esprit étaient revêtus du grand collier de l'ordre. Le président du tribunal était revêtu de sa robe de magistrat. Se revêtir d'un habit, d'un costume. Il se dit figurément en parlant des Emplois, des titres, des dignités, du pouvoir, de l'autorité qu'on reçoit, dont on est investi. La charge dont je vous ai revêtu. Le titre, le pouvoir, les dignité dont il est revêtu. Il se dépouilla de l'autorité avec plus de contentement qu'il n'en avait eu à s'en revêtir, à s'en voir revêtu. Il s'emploie aussi figurément dans quelques autres acceptions. Revêtir ses pensée. d'un style brillant, Les exprimer d'une manière brillante. Revêtir le mensonge, l'erreur des apparences de la vérité, Donner du mensonge, à l'erreur l'air de la vérité. En termes de Jurisprudence, Cet acte est revêtu de toutes les formalités requises, Toutes les formes nécessaires pour qu'il soit Valide y ont été observées. Cet écrit, cet acte est revêtu de la signature de telle personne, la porte la signature de telle personne.

REVÊTIR s'emploie aussi avec le nom du vêtement comme complément direct et signifie Mettre sur soi, spécialement en parlant des Habits de cérémonie et des autres marques de dignité. Revêtir un habit, une robe de soie. Revêtir l'uniforme, l'habit vert. Il avait revêtu la pourpre, les vêtements sacerdotaux. Revêtir ses habits de fête, des vêtements de deuil. Il se dit aussi figurément et signifie Prendre, se donner, s'attribuer telle ou telle apparence, telle ou telle qualité. Les formes que revêt la pensée, dont la pensée se revêt. JÉSUS-CHRIST revêtit les apparences les plus humbles pour venir racheter les hommes. On dit dans un sens analogue : Revêtir un personnage.

REVÊTIR signifie, en termes d'Architecture, Faire un revêtement. Revêtir un fossé, un bastion. Revêtir une terrasse de gazon. Revêtir une muraille de carreaux de faïence. Revêtir de marbre, de stuc, les lambris d'un appartement. Il signifie également, dans une acception plus générale, Recouvrir, enduire, Revêtir l'aire d'une grange d'une touche de sable et de terre battus. Revêtir le fond d'un bassin d'un lit de glaise.

REVÊTU s'emploie au figuré et signifie Qui est orné, décoré. Les vertus et les qualités aimables dont il était revêtu le rendent digne de tous nos regrets. On dédaigne souvent la vérité, quand elle n'est pas revêtue des ornements qui plaisent à l'esprit.

Littré (1872-1877)

REVÊTIR (re-vê-tir) v. a.

Il se conjugue comme vêtir.

  • 1Donner des vêtements à quelqu'un qui en manque. Il [Tobie] nourrissait ceux qui avaient faim, revêtait ceux qui étaient nus, Sacy, Bible, Tobie, I, 20. C'est là [dans les hospices] que la faim est rassasiée, que la nudité est revêtue, Fléchier, Lamoignon.

    Fig. Tandis qu'il revêt de beauté le lis qui croît dans les plus profondes vallées, au milieu des épines, Massillon, Carême, Prosp. temp. Aimable d'innocence et belle de candeur, Son corps [d'ève] est revêtu de sa seule pudeur, Delille, Parad. perd. V.

    Fig. et absolument. C'est par cette dernière grâce que la mort change de nature pour les chrétiens, puisqu'au lieu qu'elle semblait être faite pour nous dépouiller de tout, elle commence, comme dit l'apôtre, à nous revêtir, et nous assurer éternellement la possession des biens véritables, Bossuet, Duch. d'Orl.

  • 2 Terme de peinture et de sculpture. Revêtir des figures, les habiller.
  • 3Mettre sur soi ou sur quelqu'un un vêtement. Revêtir un habit.

    Particulièrement, il s'emploie quand il est question d'habits de cérémonie. Deux aumôniers revêtirent ce prélat de ses habits pontificaux. Il commanda qu'on le revêtît de la pourpre, qu'on lui donnât le collier d'or, que tout le peuple le révérât et lui obéît, Bourdaloue, 4e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 143.

  • 4 Fig. Il se dit des emplois, des charges, des dignités qu'on reçoit, dont on est décoré. La place de bibliothécaire du roi n'avait jamais été si brillante, ni revêtue d'autant de titres et de prérogatives qu'elle l'a été en la personne de M. l'abbé Bignon, Mairan, Éloges, l'abbé Bignon. La cour avait cru devoir revêtir son représentant d'un titre imposant et d'une autorité très étendue, Raynal, Hist. phil. VII, 7.
  • 5 Terme de jurisprudence. Mettre à un acte tout ce qui est nécessaire pour qu'il soit valide. Cet acte est revêtu de toutes les formes requises. Il faudra revêtir cet écrit, cet acte de la signature de telle personne.
  • 6 Fig. Couvrir comme d'un vêtement. L'idolâtrie… il ne fallait que la revêtir de quelque apparence, et l'expliquer en parole dont le son fût agréable à l'oreille, pour la faire entrer dans les esprits, Bossuet, Hist. II, 12. Pour porter le joug de Jésus - Christ, pour être revêtus de Jésus - Christ, Bourdaloue, Serm. 20e dim. après la Pentec. Domin. t. IV, p. 223. Accoutumés de bonne heure à nous dépouiller de nos sensations pour en revêtir les objets, nous ne nous bornons pas à juger que nous avons des sensations, Condillac, Art de penser, I, 2.

    Revêtir ses pensées d'un style poétique, les exprimer poétiquement.

    Revêtir le mensonge des apparences de la vérité, donner au mensonge l'air de la vérité.

  • 7 Fig. Prendre, recevoir telle ou telle apparence, telle ou telle qualité. N'est-ce pas [Eusèbe] un témoin qui dans cet ouvrage [la Vie de Constantin] revêt partout le caractère de panégyriste plutôt que celui d'historien ? Voltaire, Dict. phil. Vision de Constantin. En même temps que les feuilles de l'acacia revêtent la forme d'une gouttière, chaque foliole la revêt aussi, mais d'une manière moins sensible, Bonnet, Us. feuilles, 2e mém. Revêts la forme humaine et deviens l'homme-Dieu, Delille, Parad. perdu, III.

    On dit dans un sens analogue : revêtir un personnage.

    Revêtir un caractère, faire connaître la qualité, l'autorité qu'on possédait sans la montrer. Il ne passait que pour un voyageur, mais il a depuis peu revêtu un caractère d'envoyé, Dict. de l'Acad.

  • 8 Terme de féodalité. Se disait des héritages et des fiefs. Revêtir un vassal de sa terre.
  • 9Couvrir, recouvrir, enduire. Les poils qui revêtent extérieurement les animaux. Les lames d'or qui revêtaient extérieurement les portes du Capitole. Revêtir l'aire d'une grange d'une couche de sable. …Celui dont l'art industrieux Des trésors d'Amphitrite a revêtu ces lieux, La Fontaine, Psyché, I, p. 17. Le velouté qui revêt la base du bec, Buffon, Ois. t. XVIII, p. 71.
  • 10Faire un revêtement. Revêtir un fossé. Revêtir une terrasse de gazon. Vauban était d'avis de le raser ; mais M. le Prince sauva la vie à ce pauvre fort, et l'on résolut, au lieu de le raser, qu'on le ferait revêtir, Pellisson, Lett. hist. t. I, p. 28.

    Couvrir de boiseries ou de planches les murs d'une chambre.

    Placer les poteaux et tournisses dans un pan de bois.

  • 11Se revêtir, v. réfl. Mettre un vêtement. Revêtons-nous d'habillements Conformes à l'horrible fête Que l'impie Aman nous apprête, Racine, Esth. I, 5. Enfin je l'étouffai [un lion] entre mes bras ; et les bergers, témoins de ma victoire, voulurent que je me revêtisse de la peau de ce terrible animal, Fénelon, Tél. II.

    Fig. Tâche à t'en revêtir [de ma gloire], non à m'en dépouiller, Corneille, Hor. IV, 7. Mesdames, revêtez-vous de ces sentiments, Bossuet, Sermons, Septuag. I. De quel front aujourd'hui vient-il, sur nos brisées, Se revêtir encor de nos phrases usées ? Boileau, Ép. I. La victoire se déclare pour eux [les Antoine, les Sérapion, les Macaire, les Pacôme] ; le Seigneur se revêt de l'Égypte, comme un berger de son manteau, Chateaubriand, Mart. X.

  • 12Prendre une charge, une dignité. Après avoir désarmé la multitude, il [Pisistrate] se revêtit de l'autorité suprême, Barthélemy, Anach. Introd. part. 2, sect. 1.
  • 13Prendre telle ou telle apparence, telle ou telle qualité. C'est en se revêtant d'une nature semblable à la nôtre, et en se faisant homme, que le Verbe divin est venu sur la terre, Bourdaloue, Instruct. pour l'Avent, Exhort. t. II, p. 211.

    En parlant des choses. Les formes dont la pensée se revêt.

REMARQUE

La conjugaison de ce verbe est souvent l'occasion de fautes : On parle en soi-même un langage humain et on revêtit ses pensées de paroles…, Bossuet, Ét. d'orais. V, 20. lisez revêt. En te revêtissant d'une forme dernière, Le Bailly, Fables, les Métamorphoses du singe. lisez revêtant. C'est d'après cette conjugaison fautive que Bossuet a fait le barbarisme revêtissement : De même que nos paroles sont une espèce de corps et de revêtissement que nous donnons à nos pensées, Bossuet, 6e avert. 89. Voy. VÊTIR.

HISTORIQUE

XIIe s. De tout son fié [d'un baron mort] vieut estre ravesti, Raoul de C. 36.

XIIIe s. [Berte avoit] La povre gent souvent chaucie et revestue, Berte, CII. Mout refu Blanchefleurs de joie revestie, ib. CXXVIII. Et si demoura encore li cuens en sa baillie, et fu raviestus des roiaus gonfanons, H. de Valenciennes, XXI. Paumée est senefiance que l'en revest l'achateor par bone foi de marchié, Liv. de jost. 8.

XVe s. [La reine] leur fit oster [aux six bourgeois de Calais qui s'étaient offerts à la mort] les chevestres d'entour le cou, et les emmena avec li en sa chambre, et les feit revestir et donner à diner tout aise… [les bourgeois étaient arrivés en chemise], Froissart, I, I, 321.

XVIe s. Ils avoient les proues revestues et armées de grosses poinctes d'airain, Amyot, Anton. 84. Dieu est revestu de l'humaine figure, Montaigne, II, 274. Quelque ingénieur pourra dire que l'eau mine les fondemens d'un rempart, et que de dix ans en dix ans ils versent ou s'escoulent : ce qui n'avient quand ils sont revestus, Lanoue, 340. À fin que plus aisement ils puissent se revestir des affections qu'ils doyvent avoir aux choses generales, Lanoue, 390. La sacrée dignité, dont il est revestu, Lanoue, 391. Paon revestu, Cotgrave

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Étymologie de « revêtir »

Re… et vêtir ; provenç. revestir, rivestir ; espagn. revestir ; ital. rivestire.

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(Date à préciser) Mot dérivé de vêtir, avec le préfixe re-.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « revêtir »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
revêtir rœvɛtir

Fréquence d'apparition du mot « revêtir » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « revêtir »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « revêtir »

  • Le vin sait revêtir le plus sordide bouge D’un luxe miraculeux (...).
    Charles Baudelaire — Les Fleurs du mal
  • Une oeuvre de la langue traduite dans une autre langue : quelqu'un passe la frontière en y laissant sa peau, pour revêtir le costume local.
    Karl Kraus — Aphorismes
  • L’église Saint-Grégoire de Tourrettes-sur-Loup en passe de revêtir son nouveau couvre-chef
    Nice-Matin — L’église Saint-Grégoire de Tourrettes-sur-Loup en passe de revêtir son nouveau couvre-chef - Nice-Matin
  • Les constructeurs le savent pertinemment : le patronyme d'un modèle de voiture ne se choisit pas à la légère. Il faut lancer de longues et coûteuses consultations dans toutes les langues, afin de se garder des pièges sémantiques comme des allusions sulfureuses. Sans oublier qu'une appellation à vocation strictement commerciale peut revêtir au fil des années une charge affective inattendue.  
    Challenges — Pourquoi la première électrique de Mazda s’appelle MX-30 - Challenges
  • Pensez-vous que l’équipe aurait dû revêtir les costumes X-Men fidèles à la bande dessinée? Sound-off dans les commentaires ci-dessous!
    Marseille News .net — Le producteur de `` X-Men '' répond au manque de tenues précises pour les bandes dessinées - Marseille News .net
  • Enfin voici un vêtement sacerdotal. Tu te tiendras devant le Seigneur dans le costume des fils d’Aaron : tu lui offriras des sacrifices d’action de grâce, et t’approcheras du Seigneur avec l’encens de la louange. Qui ne combattrait pas pour un Maître qui promet de tels honneurs au dernier de ses fidèles serviteurs ? Qui ne voudrait porter le costume d’un fou pour le Seigneur Jésus, afin de revêtir ensuite sa robe glorieuse ?
    Journal Chrétien — "Celui qui vaincra sera revêtu ainsi de vêtements blancs" (Apocalypse 3:5) - Verset du jour avec commentaire biblique - Journal Chrétien
  • Si quelque chose m'a toujours profondément écoeuré chez l'homme, c'est bien de voir comment sa cruauté, sa bassesse et son esprit borné parviennent à revêtir le masque du lyrisme.
    Milan Kundera — La Valse aux adieux
  • « Je vais tout donner. Je pense que chaque coureur rêve de revêtir le maillot tricolore. »
    www.leberry.fr — Julian Alaphilippe se préparera pour le Tour sur les routes du Dauphiné - Saint-Amand-Montrond (18200)
  • Car c’est là que se situe la vraie bonne idée de ce qui pourrait revêtir l’apparence d’un gadget et c’est avant toute chose le point fort du projet Pop.
    Freenews — Freebox Pop : le répéteur wi fi sur la « console »
  • Pour qu’il puisse revêtir l’uniforme bleu, blanc et noir, il faudrait d’abord acheter une place internationale à une autre équipe de la MLS, au prix du marché. Mais Olivier Renard a les mains liées par la pandémie mondiale.
    Radio-Canada.ca — L’Impact en quarantaine, une catastrophe appréhendée pour Olivier Renard | Radio-Canada.ca
Voir toutes les citations du mot « revêtir » →

Traductions du mot « revêtir »

Langue Traduction
Anglais clothe
Espagnol vestir
Italien vestire
Allemand kleiden
Chinois 穿衣服
Arabe الملبس
Portugais vestir
Russe для одежды,
Japonais
Basque arropa
Corse mantellu
Source : Google Translate API

Antonymes de « revêtir »

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Nombre de points du mot revêtir au scrabble : 9 points

Revêtir

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