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Pain

Variantes Singulier Pluriel
Masculin pain pains

Définitions de « pain »

Trésor de la Langue Française informatisé

PAIN, subst. masc.

A. − Aliment fait d'une certaine quantité de farine mêlée d'eau et de levain et cuit au four; p.méton. masse de pâte cuite ayant une forme donnée. Beurrer, couper, cuire, distribuer, émietter, enfourner, grignoter, manger du pain. On voit pourquoi, ayant fait une seconde spéculation de la vente du pain d'orge et de seigle pour pain de froment, et même d'en altérer la qualité avec des farines de féveroles, de vesce, de marons d'Inde, avec des farines gâtées, il constitua l'État dans des dépenses énormes pour la construction (...) d'une infinité de moulins à bras (Marat,Pamphlets,Nouv. dénonc. Necker, 1790, p.185).L'odeur du pain de seigle parfumait le crépuscule autour des métairies (Mauriac,Baiser Lépreux,1922, p.173).Enfin, les pains levés sont soumis à la cuisson dans des fours de modèles variés et plus ou moins perfectionnés (Brunerie,Industr. alim.,1949, p.13):
1. −Reste-t-il du pain d'hier? dit-il à Nanon. −Pas une miette, monsieur. Grandet prit un gros pain rond, bien enfariné, moulé dans un de ces paniers plats qui servent à boulanger en Anjou, et il allait le couper, quand Nanon lui dit: «Nous sommes cinq aujourd'hui, Monsieur». −C'est vrai, répondit Grandet, mais ton pain pèse six livres, il en restera. D'ailleurs, ces jeunes gens de Paris, tu verras que ça ne mange point de pain. Balzac,E. Grandet,1834, p.86.
SYNT. Mettre le pain au four; partager le pain; pétrir le pain; pain blanc, bis, chaud, croustillant, (bien) cuit, dur, frais, grillé, long, moulé, noir, rassis, sec, tendre; petit pain; pain fendu, natté, bâtard, viennois; pain d'avoine, de boulanger, de campagne, de gruau, de ménage, de mie; pain de quatre livres; pain au levain; baguette de pain; croûte de pain; fournée de pain; mie de pain; miche de pain; miette, morceau de pain; prix du pain; quignon, tranche, sandwich de pain de mie; yeux du pain; corbeille, couteau, sac à pain.
Pain coquille*. Pain cornu*. Pain mollet*.
Pain complet. Il y a quelques années, on fit campagne en faveur du pain complet, fait avec le son et la farine du grain tout entier, pour laisser au pain tous ses principes alimentaires et ses phosphates. En réalité, le pain complet n'a aucun avantage (Macaigne,Précis hyg.,1911, p.249).
Pain polka. Pain dont la croûte présente des stries formant des losanges ou des carrés (d'apr. Lar. encyclop.).
Pain de campagne. Pain fabriqué selon les méthodes traditionnelles pratiquées autrefois à la campagne (d'apr. Lar. encyclop.).
Pain de luxe ou de fantaisie. Dans les grandes villes, on fait, sous le nom de pain de luxe, ou de fantaisie, un pain très blanc qui est plus riche en amidon, mais moins riche en gluten et en phosphore organique, parce qu'il est fabriqué avec une farine blutée à 70 pour 100 (MacaignePrécis hyg.,1911, p.249).
Pain de ménage. Pain fabriqué à la maison; région. (Belgique), Pain de ménage. Pain ordinaire (d'apr. Baet. Boulang. 1971).
Vx. Pain de munition. Pain grossier fabriqué pour l'armée. Synon. boule* de pain.Le pain surtout est un vrai pain de munition (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres,1847, p.221).
Pain de régime. Pain sans sel. Enfin les pains spéciaux de régime seront étudiés au chapitre aliments de régime (Brunerie,Industr. alim.,1949p.12).
Planche* à pain. Au fig. V. planche II A 1 au fig.
Pain brûlé p.ell. pour couleur de pain brûlé. Couleur du pain qui a subi une trop forte cuisson. L'autre [petit chat] n'est, des oreilles à la queue, que zébrures pain brûlé sur champ marron très clair, comme une fleur de giroflée (Colette,Mais. Cl.,1922, p.245).
Région. (Belgique). Pain français. Baguette, flûte. (Ds Baet. 1971 et A. Doppagne, Les Région. fr., Paris-Gembloux, Duculot, 1978).
1. En partic.
a) INDUSTR. ALIM.
Pain filant. ,,Altération du pain d'origine bactérienne`` (Clém. Alim. 1978).
Pain saignant. ,,Maladie du pain qui devient rouge`` (Clém. Alim. 1978).
b) Arg. La rue au pain. ,,Gosier`` (Hautel t.2 1808).
Expr. Prendre un pain dans la fournée. ,,Avoir des relations intimes avec une fille avant le mariage`` (France 1907).
2. Aliment à base de farine dans lequel interviennent d'autres ingrédients. Pain au chocolat, de Gênes, au lait, au raisin.
Pain d'épice(s). Gâteau fabriqué avec de la farine de seigle, de la mélasse, du miel et diverses substances aromatiques. On se croirait à la foire aux pains d'épice... Hein? c'est ça! La foire aux pains d'épice (Zola,Nana,1880, p.1422).
Pain de Gênes. Gâteau à base d'oeufs, de sucre, d'amandes mondées, de farine ou de fécule, de beurre, de vanille en poudre, de rhum ou curaçao (d'apr. Lar. encyclop.).
Pain à la grecque. Sorte de biscuit couvert de cristaux de sucre (d'apr. Baet. Boulang. 1971).
Pain perdu, pain doré. Dessert fait de tranches de pain que l'on fait tremper dans du lait sucré et de l'oeuf battu avant de le faire frire. Pain perdu: faites bouillir un quart de litre de lait et réduire à moitié avec un peu de sucre, une pincée de sel, (...) ayez des mies de pain coupées de la grandeur d'une pièce de 5 fr. (...) les faire tremper un petit moment, quand elles seront tout imbibées, mettez-les égoutter, trempez dans l'oeuf battu, et faites frire (Audot,Cuisin. campagne et ville,1896, pp.407-408).
Pain azyme. Petit pain sans levain et sans sel, mince comme une feuille de papier, dont on fait les hosties et que l'on utilisait aussi pour cacheter les lettres. (Dict. xixeet xxes.). Synon. pain à chanter (v. infra 3 a ex. de Baudel.).
Rem. Les Israélites le font cuire la veille de la Pâque, en mémoire du repas que leurs ancêtres, au moment de quitter l'Égypte avaient fait avec du pain sans levain.
Loc. [Désignant l'élément essentiel de notre culture, le pain donne lieu à de très nombreuses loc.]
Avoir du pain sur la planche. V. planche I B 1 e.
Être au pain sec. Être réduit au pain pour toute nourriture, être réduit à un régime alimentaire spartiate. Si l'on m'eût mis au pain sec, il m'eût porté des confitures (Sartre,Mots,1964, p.17).
Mettre au pain et à l'eau. ,,Se dit d'une punition dans laquelle on ne donne au délinquant que du pain pour son repas`` (Littré).
Rompre le pain ensemble. Partager le pain. Pendant les conférences de Tilsitt qui ont duré quinze jours, l'empereur Alexandre a souvent mangé chez Bonaparte et il y venait sans garde. Ce dernier au contraire n'a jamais rompu le pain avec Alexandre (J. de Maistre, Corresp.,1807, p.451).
Ça ne mange pas de pain (fam.). V. manger D 3.
Proverbe. Lorsque le pain se ramollit, la pluie va venir. ,,L'humidité ramollit le pain`` (Chass. 1970).
3. Spécialement
a) LITURGIE
Pain bénit. Pain béni au cours de la messe et distribué aux paroissiens pour symboliser l'union qui doit régner entres les fidèles. Ce n'étoit plus eux, ni leurs femmes, ni leurs enfans, qui venoient à leur tour dans les paroisses de Paris, selon la coutume vénérable de leurs ancêtres, présenter le pain bénit, en signe d'alliance spirituelle avec Jésus-Christ et avec tous les fidèles de son Église (Bonald,Législ. primit.,t.1, 1802, p.200).
Loc. fig. C'est pain bénit. C'est bien fait, bien mérité. Les hommes ne nous imposent qu'une vertu, et ils passent leur temps à nous en détourner. N'est-ce pas pain bénit (...) de leur casser le nez contre les devoirs qu'ils nous ont faits? (Augier,MeGuérin,1865, p.190).
b) HIST. RELIG.
Pain de proposition. Les douze pains offerts à Dieu par les Hébreux le jour du Sabbat. Synon. pain de l'offrande*.Les pains de proposition, adoptés par les Hébreux pour leurs sanctuaires (...) représentaient, comme idée première, la nourriture du dieu (Renan,Hist. peuple Isr.,t.2, 1889, p.153).
Pain eucharistique. Pain sans levain servant à la fabrication des hosties. De cette médecine souveraine, l'hostie est la réplique accessible au plus grand nombre, et ce n'est pas sans raison, certes, que les chrétiens orientaux désignent les fragments du pain eucharistique par le nom de charbons (Canseliet,Alchim.,1941, p.179).
Pain à chanter, pain des anges. Pain d'autel, pain azyme. On peut le prendre [le haschisch] (...) soit enveloppé dans une feuille de pain à chanter, soit dans une tasse de café (Baudel.,Paradis artif.,1860, p.352).Nous étions (...) privés du sacrement de l'eucharistie (...). Privés du pain des anges, ils s'abandonnèrent sans force aux vices (A. France,Île ping.,1908, p.46).
Multiplication des pains. Miracle accompli par le Christ nourrissant plusieurs milliers de personnes avec quelques pains en Galilée (Marc, VI, 8). ,,Le pain sous les espèces eucharistiques se rapporte traditionnellement à la vie active (...) le miracle du pain (sa multiplication) est d'ordre quantitatif`` (Symboles1969).
c) HISTOIRE
S'ils n'ont plus de pain, qu'ils mangent de la brioche. Paroles de Marie-Antoinette parlant du peuple affamé. V. brioche ex.1.
Du pain et des jeux [expr., tirée de Juvénal (Satires, X, 81), qui symbolise, de manière méprisante, les deux appétits primaires du peuple: se nourrir et se divertir].
B. − P.ext. Toute espèce de nourriture indispensable à la vie. Dieu, dans sa bonté, nous donne le pain de chaque jour (Lamennais,Paroles croyant,1834, p.194).On disait: «L'avenir est au peuple. La démocratie va créer un monde nouveau... Le droit au pain, le droit à la retraite, le droit de partager...» (R. Bazin, Blé,1907, p.2):
2. ... on a le nécessaire, on peut vivre, on peut même se dire privilégié, et j'oubliais le pain quotidien, la santé, l'indépendance, la profession choisie et autres ingrédients du bonheur qui te sont en outre accordés et qui ne sont pas peu de chose. Amiel,Journal,1866, p.235.
Rem. Le pain quotidien est une allusion à la prière du «Notre Père», car dans l'Ancien Testament le pain symbolisait la subsistance de l'homme, comme il est précisé dans l'ex. de Amiel supra. Quant au Pater, au Credo et à l'Ave Maria, que je savais très-bien en français, excepté donnez-nous notre pain de chaque jour, j'aurais aussi bien pu les réciter en latin comme un perroquet (Sand, Hist. vie, t.2, 1855, p.153).
Locutions
Faire la guerre au pain. ,,Rentrer affamé chez soi`` (Littré).
Gagner son pain à la sueur de son front. Gagner sa vie en travaillant. Travailler, c'est exercer son activité dans le but de se procurer ce qui est requis pour les divers besoins de la vie, mais surtout pour l'entretien de la vie elle-même. Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front (Léon xiiids Doc. hist. contemp.,1891, p.138).
Il sait son pain manger. ,,Se dit d'un homme habile qui a voyagé`` (Littré; dict. xixeet xxes.).
Il ne vaut pas le pain qu'il mange. ,,Se dit d'un fainéant`` (Littré).
Il ne mange pas son pain dans sa poche. ,,Il est très dépensier`` (Littré).
Mendier son pain. Mendier pour survivre. Je tâcherai de parfaire la somme avec mes pauvres hardes, pour l'honneur de ma parole, obligé de mendier son pain depuis la ruine du temple de Jérusalem (Nodier,Fée Miettes,1831, p.132).
Pour une bouchée de pain, pour un morceau de pain. Pour presque rien. Alors je lui ai expliqué [à ma femme] (...) que le mieux serait d'accepter la proposition que vous m'aviez faite de la dégager, en lui achetant sa part, pour un morceau de pain, il est vrai (Zola,Curée,1872, p.525).
Retirer, ôter à qqn le pain de la bouche. Lui retirer le nécessaire. Voilà Lisbeth outre-vengée!... Quel dommage qu'elle soit chez son vieux maréchal, aurions-nous ri! ah! La vieille veut m'ôter le pain de la bouche!... Je vais te la secouer, moi! (Balzac,Cous. Bette,1846, p.298).
Faire passer le goût du pain (pop. et fam.). Tuer. La colère de maître Jean avait été terrible; tout ce qu'il demandait maintenant, c'était de rencontrer son vieux compagnon, pour lui faire passer le goût du pain (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan,t.2, 1870, p.247).
Manger du pain rouge (arg.). Vivre de crimes, d'assassinats. Il m'a fait observer que s'il ne mangeait pas de pain rouge, il ne fallait pas en dégoûter les autres, et que vous pourriez me donner un coup de main [dans cette aventure criminelle] (Sue, Myst. Paris,1842-43, p.15).
Manger son pain à la fumée*, à l'odeur du rôt.
Manger son pain blanc le premier. Commencer par le plus agréable. C'est fâcheux qu'il ait mangé son pain blanc le premier, mais dans ce noviciat il s'est fortement déniaisé: il sait voir et il sait écouter (Barrès,Déracinés,1897, p.143).
Promettre plus de beurre que de pain. Se dit de quelqu'un qui promet plus qu'il ne peut tenir. Et, j'étais à part moi-même comme quelqu'un à qui (...) on aurait promis plus de beurre que de pain et à qui il ne reviendrait ni pain ni beurre (Verlaine,OEuvres compl.,t.5, Confess., 1895, p.146).
BOTANIQUE
Pain d'oiseau. ,,L'orpin brûlant`` (Ac. Compl. 1842). Nous allions chercher du pain d'oiseau, des baies d'aubépine derrière le calvaire (Michelet,Journal,1857, p.353).
Pain de singe. ,,Fruit du baobab dans le langage des indigènes du Sénégal`` (Ac. gastr. 1962):
3. L'arbre géant, en avant duquel elle [une idole] était accroupie et sur le tronc duquel elle se détachait, s'élançait d'un seul jet comme le fût lisse d'un palissandre, mais en haut, ses branches étaient emmêlées et noueuses, trapues, tronquées, contorsionnées, ramifiées comme celles d'un baobab surchargées de pain de singes, et de chaque noeud, de chaque coude, de chaque aisselle pendaient des plantes, des fleurs parasitaires... Cendrars,Lotiss. ciel,1949, p.255.
Pain de hanneton. ,,Nom que les enfants et les gens du peuple donnent aux fruits de l'orme`` (Littré Suppl. 1877).
Arbre à pain. V. infra C 2.
C. − P.anal.
1. [Désigne ce dont la forme rappelle la masse d'un pain]
a) [Aliments comestibles] Pain de poisson, de viande, de volaille. La presse à beurre Pilter (...) permet de faire rapidement des pains de beurre d'un poids rigoureusement exact (Pouriau,Laiterie,1895, p.300):
4. Pain de lièvre: −Vous préparez une farce (...) vous pilez bien votre foie; vous le passez au tamis (...) vous le mettez dans votre farce; vous en mettez presque plein le moule... Viard,Cuisin. roy.,1831, p.203.
Pain de sucre. Masse de sucre blanc de forme conique. Des hommes (...) font sauter lestement, de bras en bras, des pains de sucre jusque dans la cale du bateau à vapeur (A. France, Bonnard, 1881, p.419).
En pain de sucre. Ayant la forme d'un pain de sucre. Ragache fut aussitôt remplacé par un long garçon blondasse et larveux, au crâne en pain de sucre d'un mystique (E. de Goncourt, Faustin,1882, p.19).
b) [Substances non comestibles] On trouve la cire à bouteilles, dans le commerce, sous forme de pains diversement colorés (Brunet,Matér. vinic.,1925, p.504).Un marché noir actif permettait au personnel de se procurer, contre les pains de savon détournés des stocks, quelque alcool de grain (Ambrière,Gdes vac.,1946, p.214):
5. Bloc de fer ou de fonte, habituellement rond, d'un certain poids et qui, pourvu d'une encoche, permet aux machinistes d'assurer rapidement la rigidité d'un morceau de décor isolé en assujettissant à la base de celui-ci un ou plusieurs «pains» selon la hauteur du décor. Cette appellation de pain est donnée à Paris, mais dans le midi on dit une tourte; dans le Nord c'est un pâté; enfin par ironie évidemment, dans d'autres endroits ce pain devient une pastille! Génin,Lang. planches,1911, p.52.
Spécialement
Pain à cacheter*.
Pain d'acier. ,,Sorte d'acier qu'on tire d'Allemagne`` (Chesn. t.2 1858).
Pain d'émail. ,,Petits disques d'émail de différentes couleurs dont les peintres broient des fragments dans un mortier d'agate`` (Adeline, Lex. termes d'art, 1884).
Pain de laine. ,,Tas de laine ayant la forme d'un pain de sucre et qui sert à garnir l'intérieur des balles`` (Chesn. t.2 1858).
Pain de lie. ,,Lie sèche que les vinaigriers tirent de leurs presses, après en avoir exprimé le vin pour faire du vinaigre`` (Chesn. t.2 1858).
Pain de liquidation. ,,Gâteau de cuivre qui demeure sur le fourneau de liquidation, après que le plomb et l'argent en ont été dégagés`` (Chesn. t.2 1858).
Pain de noeuds. ,,Fragment de pierre d'ardoise`` (Chesn. t.2 1858).
Pain de noix, d'olives, de roses. ,,Masse formée du résidu des noix, des olives, des roses (...) après qu'on en a extrait l'huile ou l'arôme`` (Chesn. t.2 1858).
Pain de salignon. ,,Masse de sel en forme de pain`` (Chesn. t.2 1858).
Pain de trouille. ,,Tourteau restant après l'extraction`` (Chesn. t.2 1858).
Pain de vendange. ,,Masse de celle-ci qui surnage sur la cuve au-dessous du chapeau`` (Chesn. t.2 1858).
Arg. et pop. Lâcher un pain. ,,Donner un soufflet. (...) laisser sur la figure une marque comparée ici à celle d'un pain à cacheter rouge`` (Larchey, Dict. hist. arg., 2eSuppl., 1883, p.112).
2. [Désigne ce qui fait penser au pain par son goût ou son apparence]
Arbre à pain. Nom vulgaire du jaquier. (Dict. xixeet xxes.):
6. Ils coupent le poisson ou le cochon cru avec des couteaux de bambou, pèlent les bananes vertes et les fruits rôtis de l'arbre à pain avec des grattoirs en bois, épluchent les taros, les ignames et le fruit de l'arbre à pain avec des coques de noix de coco partagées par la moitié et aiguisées sur les bords... Lowie,Anthropol. cult.,trad. par E. Métraux, 1936, p.78.
3. [Désigne l'endroit où l'on fait ou vend le pain, la boulangerie] Aller au pain (pop.). C'est une maison solitaire, sur une colline, à cinq kilomètres du pain et du clocher (Barrès,Leurs fig.,1909, p.183).
D. − Au fig. et valeurs symboliques.
1. Source de vie.
a) [Sur le plan physique] Les deux jambes sont fracturées (...). Je ferai moi-même la réduction (...) car ses jambes (...) c'est le pain de ce garçon (E. de Goncourt, Zemganno,1879, p.235).
b) [Sur le plan intellectuel, affectif ou spirituel] Pain de l'espérance, de l'exil, de l'illusion, de l'indifférence, de l'intelligence, des larmes, de misère. Oh! l'amour d'une mère! amour que nul n'oublie! Pain merveilleux qu'un dieu partage et multiplie! Table toujours servie au paternel foyer! (Hugo,Feuilles automne,1831, p.717).La présence du mort est imaginaire mais son absence est bien réelle; elle est désormais sa manière d'apparaître. Il ne faut pas chercher le vide, car ce serait tenter Dieu que de compter sur le pain surnaturel pour le combler (S. Weil, Pesanteur,1943, p.32):
7. Avec quelle plénitude paisible, ce matin, comme je me promenais dans la cathédrale [de Reims], j'ai reconnu sur ses tapisseries les images de mon histoire sainte d'enfant: voilà le premier pain spirituel que j'ai mangé, le premier aliment fourni à mon esprit. Barrès,Pitié églises,1914, p.311.
[P.réf. à l'assimilation du pain au corps du Christ] Le pain et le vin, dans leur être naturel, ou par une institution de Dieu ou de Jésus-Christ, sont déjà une figure, un symbole du corps et du sang du sauveur (Théol. cath.t.14, 11939, p.507).
Pain de vie. La nécessité vitale de se nourrir du pain de vie postule le sacerdoce comme sa condition incluse dans l'institution eucharistique (Philos., Relig., 1957, p.52-2).
Rem. 1. S'il est vrai que l'homme ne vit pas seulement de pain, c'est encore le nom de pain que l'on donne à sa nourriture spirituelle ainsi qu'au Christ eucharistique, le pain de vie. 2. ,,Jésus a promis de donner un jour une nourriture qui reste pour la vie éternelle, un pain qui descend du ciel et donne la vie au monde, (lui-même venu du ciel, envoyé par son Père, sera dans l'Eucharistie, qui le contiendra sous l'apparence du pain, le vrai pain venu du ciel: «Je suis le pain de vie» c'est-à-dire nourriture de l'âme comme objet et auteur de la foi)`` (Marcel 1938).
Locutions
Avoir du pain cuit. ,,Avoir de quoi vivre`` (Larch. 1858, p.639).
Ne pas manger de ce pain-là. Refuser d'agir d'une certaine manière qui heurte un système de valeurs. Mais on dirait que vous ne savez pas ce que c'est que Madame Elstir. J'aimerais mieux recevoir la dernière des filles! Ah! non, je ne mange pas de ce pain-là (Proust,Sodome,1922, p.940).
Être le pain quotidien. Être le lot habituel. Une telle vertu guerrière et patriotique, c'est le pain quotidien de la France en 1917 (Barrès,Cahiers,t.11, 1917, p.226).
2. [Symbole du nécessaire] Une nouvelle émission de bons à cent francs l'hectare s'enleva comme des petits pains blancs (A. Daudet, Port-Tarascon,1890, p.62).Or, sa face de carême, son corps long comme un jour sans pain, ses pieds interminables (A. France,Vie littér.,1892, p.310).
3. [Symbole de la bonté et en général de toutes les belles qualités morales] Bien plus retors que ne l'était Beauru qui était «franc comme le pain» (...) Jupil réussit avec les «actionnaires» (Vialar,Fusil,1960, p.95).
REM. 1.
Panifuge, adj.,hapax. Espèces panifuges. Saintes espèces (v. oblates). Songez enfin, poursuivit l'abbé, aux pyxides dans lesquelles on conserve les espèces panifuges, les oblates saintes (Huysmans,Cathédr.,1898, p.133).
2.
Panasserie, subst. fém.,,Fabrication parisienne des pains de fantaisie`` (Lexis 1975).
Prononc. et Orth.: [pε ̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) Fin xes. pan «aliment fait d'une masse de farine délayée dans l'eau, pétrie et cuite au four» (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 97 [ici: allusion à la Cène]); b) 1120 un pain «une miche de pain» (Benedeit, St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 750); c) mil. xiies. pain cotidian (Psautier d'Oxford, éd. Fr. Michel, p.254); 2. a) mil. xiies. pain de lermes, pain de dolur (ibid., p.114, 203); b) ca 1200 pain beneoit «hostie» (Aliscans, éd. E. Wienbeck, W. Hartnacke, P.Rasch, 817); 1328 pain à chanter (Douët d'Arcq, Nouv. rec. de comptes de l'argenterie, p.66); c) xiiies. pain espiritau (Sermon poitevin, 15 ds T.-L.); 3. xives. pain d'espice (ms. messin ds Romania t.15, p.181). B. 1. 1269 être au pain et au sel de «être nourri par» (Cartulaire de Pontigny, ch. 84 ds Du Cange, s.v. panis); 2. xiiies. j'ai mon pain cuit «j'ai mon existence assurée» ici employé p.iron. «ç'en est fait de moi» (Estormi, 480 ds Fabliaux, éd. Ph. Ménard, t.1, p.42); 3. 1515 manger son pain blanc le premier (Guillaume Cretin, OEuvres, éd. K. Chesney, p.236); 4. 1588 gaigner son pain (Montaigne, Essais, III, 2, éd. Villey-Saulnier, t.2, 811); 5. 1640 faire perdre le goust du pain (Oudin Ital.-fr., s.v. goust); 6. 1690 cela ne mange pas de pain (Fur.); 7. a) 1852 avoir du pain sur la planche «pouvoir vivre sans travailler (cf. aussi du pain cuit, supra)» (Humbert); b) 1888 arg. id. «avoir une collection de punitions» (Merlin, Lang. verte troupier, p.64); c) 1914-18 il y a du pain sur la planche «il y a beaucoup à faire» (Esn. Poilu, p.101); 8. a) 1842-43 manger du pain rouge «vivre d'assassinats» (Sue, Myst. Paris, t.1, p.259); b) 1866 ne pas manger de ce pain-là (Delvau, s.v. manger). C. Ca 1180 pain exprimant une notion de valeur dérisoire (Guillaume de Berneville, Gilles, 2898 ds T.-L.); 1480 pour du pain «id.» (Guillaume Coquillart, Droits nouveaux, 1908, éd. J. Freeman, p.225). D. 1. 1260 «masse en forme de pain» (Etienne Boileau, Métiers, 318 ds T.-L.); 2. a) ca 1350 pain de succre «bloc de sucre de forme de cône» (Ms BN fr. 2001 publié par Arveiller ds Romania t.94, p.163); b) 1677 chapeau fait à pain de sucre (Miege); 3. 1764 pain de singe (Valm.); 4. 1764 arbre du pain (ibid.); 1791 arbre à pain (ibid.). E. xiies. paens cucu p.allus. au fait que cette plante pousse au printemps, quand on entend à nouveau le chant du coucou (Glossaire de Tours, 331 ds T.-L. [lat. médiév. panis cuculi]); xives. pein à cocu (Antidotaire Nicolas, éd. P.Dorveaux, p.33); fin xves. pain de cocu (L'Arbolayre cité ds Roll. Flore t.3, p.339); 1762 pain de coucou (Ac.). F. 1864 arg. «coup (p.allus. à l'enflure produite)» (Chanson d'apr. Rossignol, Dict. arg., p.127: j'te vas lâcher un pain). Du lat. panis «pain», «nourriture, moyens de subsistance» et «motte, boule». Fréq. abs. littér.: 6719. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7200, b) 9946; xxes.: a) 13987, b) 8687. Bbg. Lecoy (F.). Pain bourgeois,... In: [Mél. Lombard (A.)]. Lund, 1969, pp.101-107. _ Quem. DDL t.9, 10, 16, 19. _ Thouvenot (Cl.). Le Pain d'autrefois. Paris, 1977, pp.23-35.

Wiktionnaire

Nom commun - français

pain \pɛ̃\ masculin

  1. (Indénombrable) Pâte cuite au four, à base de farine, d’eau et de levure de boulanger ou de levain.
    • Sophie emportait dans un petit panier du pain, qu’elle émiettait aux poules. — (Comtesse de Ségur, Les Malheurs de Sophie)
    • […], voilà vingt ans que ça durait ; tout en piochant ferme, et en ne vivant que de pain et de pommes de terre, il avaient pu, tout juste, payer les intérêts et les frais de renouvellement. — (Émile Thirion, La Politique au village, page 325, Fischbacher, 1896)
    • Il trempait son pain dans sa soupe et il en mordait d’énormes bouchées, […]. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 246 de l’édition de 1921)
    • Zaheira disparut vers la cuisine, revint avec des plats alléchants, disposa gentiment l’eau et le pain sur la table. — (Out-el-Kouloub, « Zaheira », dans Trois contes de l’Amour et de la Mort, 1940)
    • Le pain joue tant de rôles ! Nous avons appris à reconnaître, dans le pain, un instrument de la communauté des hommes, à cause du pain à rompre ensemble. Nous avons appris à reconnaître, dans le pain, l’image de la grandeur du travail, à cause du pain à gagner à la sueur du front. Nous avons appris à reconnaître, dans le pain, le véhicule essentiel de la pitié, à cause du pain que l’on distribue aux heures de misère. La saveur du pain partagée n’a point d’égale. […] Il est du pain comme de l’huile des lampes à huile. Elle se change en lumière. — (Antoine de Saint-Exupéry, Pilote de guerre, XXIV, 1942)
    • Le pain à mie compacte et bise, à la croûte épaisse couleur de couque, sent la farine honnête. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
    • — L’odeur de ce bon pain me remplit de bonheur
      Debout de bon matin, promesse d’un grand cœur.
      — (Case départ, 2011)
  2. (Boulangerie) Morceau de pain considéré en tant qu’unité de cuisson ou de vente, en général sous une forme définie : une baguette de pain, un pain de campagne, un pain azyme, …
    • On en sort le plus souvent avec de gros pains d'un kilo ou des miches qu'on conserve. Pour nous, le luxe c'était la baguette ou la ficelle qu'on achetait exceptionnellement et qu'on ne trouvait pas d'ailleurs tout les jours, […]. — (Jacqueline Roux, Jhroe, Société des Écrivains, 2008, page 97)
  3. (En particulier) (Paris) Baguette de 400 grammes (le terme baguette étant dans ce cas réservé à la baguette de 250 grammes).
    • Donnez-moi un pain s’il vous plaît.
  4. (Par extension) Tout objet qui prend la forme d’un pain.
    • La préparation du pain de poisson, pour laquelle des brevets ont été pris en France en 1870, est malheureusement peu pratiquée jusqu’ici. — (Albert Seigneurie, Dictionnaire encyclopédique de l’épicerie et des industries annexes, 1904)
    • Muni même d’un pain de savon, il prit, sur le bord d’un cours d’eau, hors la ville, son premier bain depuis seize mois. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 421 de l’édition de 1921)
    • Entre Yari et Sissy, dans une savane immense de gamba, nous avons croisé, ce matin, quatre Manga menant à Kano dix ânes chargés de pains de sel et de couffins de natron — une production de ce pays très particulier où abondent les mares salines. — (Louis Alibert, Méhariste, 1917-1918, Éditions Delmas, 1944, page 32)
  5. (Par extension) Nourriture, moyens de subsistance.
    • M. Fabre représentait l’Honneur, la Loyauté, la Probité, la vie régulière et laborieuse, le livret de Caisse d’Épargne, le pain gagné à la sueur d’un front d’exploité, — bref tout ce que les bourgeois proclament des lèvres comme des vertus civiques. — (Émile Armand, La revanche des "bandits tragiques", dans Les réfractaires, n°2, février-mars 1914)
  6. (Familier) Coup de poing.
    • Tu sais que ça lui va bien, un pain dans la gueule à ce nœud coulant ? — (Frédéric Dard (San-Antonio), Les huîtres me font bâiller, Fleuve Noir, 1995, page 96).
  7. (Musique) (Argot) Erreur grossière, fausse note, couac.
  8. (Argot militaire) Jour de prison[1].
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

PAIN. n. m.
Aliment fait de farine pétrie et cuite au four. Pain blanc. Pain tendre. Pain frais. Pain rassis. Pain dur. Pain sans levain. Pain de froment, de seigle, d'orge, etc. Pain long. Pain rond. Pain fendu. Miche de pain. Gros pain. Petit pain. Pain mollet. Pain au lait. Une fournée de pain. Croûte de pain. Une miette de pain. Un morceau de pain. Un quignon de pain. Une bouchée de pain. De la mie de pain. Chapelures de pain. Soupe au pain. Du pain trempé dans du vin. Couper du pain. Rompre un pain. Manger son pain sec, du pain tout sec. Pain bis ou Pain de seigle, Pain fait de farine de seigle et de froment. Pain noir, Pain fait de farine de seigle, de sarrasin et de froment. Pain complet, Pain fait d'un mélange de son et de farine. Pain de fantaisie ou Pain riche, Pain long et mince, à la mie très blanche, à la croûte dorée. Pain de gruau, Pain fait de fine fleur de froment. Pain de ménage ou de cuisson, Pain fait de farine de froment et cuit dans un four privé. Il s'oppose à Pain de boulanger. Pain de munition, Pain qu'on fabrique pour les soldats. Pain de régime, Pain d'où sont exclus les éléments nuisibles dans certains états maladifs. Pain de chien, Pain grossier destiné à la nourriture des chiens. En termes de Cuisine, Pain perdu, Tranches de pain trempées dans du lait et des œufs et que l'on fait frire à la poêle. Pain aux champignons, Sorte de mets fait avec de la croûte de pain et des champignons. Pain de poisson, de poulet, etc., Sorte de mets fait avec de la chair de poisson, de poulet, que l'on pile et que l'on fait cuire dans un moule. Pain d'épice, Sorte de gâteau fait avec de la farine de seigle, du miel, des épices, etc. Pain d'épice de Reims. Pain bénit, Pain qui est bénit au cours d'une messe solennelle et dont on distribue les morceaux aux fidèles dans les églises paroissiales. Prendre du pain bénit. Prov. et fig., C'est pain bénit, C'est un malheur bien mérité, c'est bien fait. On dit dans un sens analogue : C'est pain bénit de le tromper, il croit tout ce qu'on lui dit. Pain à cacheter, Sorte de petit pain sans levain et très mince dont on se servait pour cacheter des lettres et dont on se sert encore pour fixer un papillon de papier. Pain à chanter, Pain sans levain, coupé en rond, portant l'image ou quelque symbole de JÉSUS-CHRIST et que le prêtre consacre pendant la messe. Par extension, il se dit de Tout pain azyme. Voyez AZYME. Fig., Le pain des anges, le pain céleste, L'Eucharistie. On dit aussi figurément : La parole de Dieu est le pain des fidèles. L'Écriture sainte est le pain des forts. Fam., Il ne vaut pas le pain qu'il mange se dit d'un Fainéant, d'un homme qui n'est bon à rien. Fig. et fam., Il a mangé son pain blanc le premier, Il a été dans un état heureux, agréable et n'y est plus. Fig. et fam., Avoir son pain cuit, Avoir sa subsistance assurée, avoir de quoi vivre en repos. Il vieillit. Fig. et fam., Avoir du pain sur la planche, Jouir d'une certaine aisance qui assure l'avenir. Il signifie aussi Avoir du travail en réserve, de quoi s'occuper plus ou moins longtemps. Fig. et fam., C'est du pain bien dur à manger se dit d'une Condition fâcheuse où le besoin contraint à rester. Fig. et fam., Donner une chose pour un morceau de pain, La vendre à fort bas prix. Fig. et fam., Ôter le pain de la bouche à quelqu'un, Lui ôter les moyens de subsister. Fig. et fam., Long comme un jour sans pain, Fort long, fort ennuyeux. Fig. et fam., Il est bon comme le bon pain, comme du bon pain, C'est un homme extrêmement bon et doux. Fig. et fam., Promettre plus de beurre que de pain, Promettre plus qu'on ne veut ou qu'on ne peut tenir. Pop., Faire passer, faire perdre le goût du pain à quelqu'un, Le faire mourir.

PAIN désigne aussi, en général, la Nourriture, la subsistance. Gagner son pain à la sueur de son front. On veut m'ôter mon pain. Je dispute, je défends mon pain. Il a son pain assuré. Il n'a pas de pain. Il en est à mendier son pain. Ce petit emploi lui donnera du pain. Pain quotidien. Expression employée dans l'oraison dominicale : La nourriture de chaque jour, ou Ce qui suffit aux besoins journaliers. Fig. et fam., Pain quotidien, Ce que l'on fait tous les jours ou presque tous les jours. Ils passent leur vie à jouer, c'est leur pain quotidien. Il médit de tout le monde, c'est son pain quotidien.

PAIN se dit aussi de Certaines substances mises en masse. Pain de sucre. Pain de savon. Arbre à pain, Nom vulgaire du jaquier.

Littré (1872-1877)

PAIN (pin ; l'n ne se lie pas : pain au lait ; au pluriel, l's se lie : des pain-z au lait. Au XVIe siècle, Lacroix du Maine dit que pain était la prononciation parisienne, et qu'ailleurs on prononçait pin, mais il ne dit pas ce qu'était cette prononciation de pain) s. m.
  • 1Aliment fait de farine pétrie et cuite. Pain tendre. Pain rassis. Il vous a donné pour nourriture la manne, qui était inconnue à vous et à vos pères, pour vous faire voir que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu, Sacy, Bible, Deut. VIII, 3. Pourquoi nous reprocher sans cesse que nous renversons la nature, et qu'un corps ne peut être en plusieurs lieux, ni nous être donné tout entier sous la forme d'un petit pain ? Bossuet, Variat. IX, § 60. Je crains que vous ne fassiez pas bien le pain d'orge ; personne ne s'en accommode en potage ; j'en ai mangé avec du froment, qui est très bon, Maintenon, Lett. à Mme de la Viefville, 4 décembre 1709. (voy. quelques lignes plus bas le même fait raconté par Voltaire). Après avoir au Dieu qui nourrit les humains De la moisson nouvelle offert les premiers pains, Racine, Athal. II, 2. Le ministre Colbert avait vu le temps de la Fronde, temps où la livre de pain se vendit dix sous et davantage dans Paris et d'autres villes, Voltaire, Lett. à l'abbé Roubaud, 1er juillet 1769. Un soldat osa présenter au roi avec murmure, en présence de toute l'armée, un morceau de pain noir et moisi, fait d'orge et d'avoine, seule nourriture qu'ils [les Suédois en Ukraine] avaient alors… le roi reçut le morceau de pain sans s'émouvoir, le mangea tout entier, et dit ensuite froidement au soldat : Il n'est pas bon, mais il peut se manger, Voltaire, Charles XII, 4. Avant le seizième siècle, plus de la moitié du globe ignorait l'usage du pain et du vin ; une grande partie de l'Amérique et de l'Afrique orientale l'ignore encore ; et il faut y porter ces nourritures pour y célébrer les saints mystères de notre religion, Voltaire, Mœurs, 196. On ne mangea dans Paris que du pain bis pendant quelques mois (en 1709) ; plusieurs familles, à Versailles même, se nourrirent de pain d'avoine ; Mme de Maintenon en donna l'exemple, Voltaire, Louis XIV, 21. Si les habitants voluptueux des villes savaient ce qu'il en coûte de travaux pour leur procurer du pain, ils en seraient effrayés, Voltaire, Dict. phil. Agriculture. Le reste du petit-lait que l'on a mis en réserve sert à amollir le sec et grossier pain d'avoine qui est la principale nourriture du pauvre paysan savoyard, Saussure, Voy. Alpes, t. I, p. 344, dans POUGENS. Pour faire de bon pain et le plus sain, le blé doit être vieux et bien sec, Genlis, Maison rust. t. II, p. 69, dans POUGENS. Le pain de pommes de terre est composé de moitié amidon et moitié pulpe, d'un demi-gros de sel par livre de mélange, Genlis, ib. p. 83. L'homme prend tous les jours entre trois et quatre grammes de phosphate calcaire dans la quantité de pain qui fait sa nourriture la plus abondante, Fourcroy, Connaiss. chim. t. x, p. 404. dans POUGENS. Dans presque toute la France, l'habitant ne vit que de pain ; et, cette nourriture exigeant une quantité très volumineuse pour opérer la satiété, et d'autant plus volumineuse qu'elle est d'une qualité plus inférieure, ce n'est pas évaluer trop haut la consommation journalière à trois livres pour l'homme qui travaille, Toulongeon, Instit. Mém. scienc. mor. et pol. t. III, p. 109. Le Russe… Las de pain noir et de gland, Veut manger notre pain blanc, Béranger, Gaulois. La peine infligée au boulanger qui vole le pain du pauvre doit être au moins égale à la peine du pauvre qui vole le pain du boulanger, Alph. Karr, les Guêpes, 2 sept. 1840.

    Pain anglais, nom que porte à Paris un pain très blanc et très poreux.

    Petit pain, voy. PETIT.

    Pain second, nom, dans quelque provinces, d'un pain légèrement bis et qui vient immédiatement après le pain blanc.

    Pain de Gonesse, pain blanc renommé que les boulangers de Gonesse apportaient à Paris. On sait que le pain de Gonesse a été longtemps en grande réputation ; à la vérité, il était fort blanc, mais épais et massif ; d'ailleurs il se séchait aisément ; ce qui fut cause qu'on s'en dégoûta, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. III, p. 363.

    Pain mollet, sorte de petit pain blanc qui est léger et délicat. L'écume de bière qu'ils détrempent avec de la farine pour en faire le pain mollet, Genlis, Maison rust. t. II, p. 71, dans POUGENS.

    Pain de rive, voy. RIVE.

    Pain de munition, pain qu'on fabrique pour les soldats.

    Ils vont faire la guerre au pain, se dit de gens qui rentrent affamés au logis.

    Il mange son pain dans sa poche ou dans son sac, se dit d'un avare ou d'un homme qui vit retiré.

    Il ne mange pas son pain dans sa poche, c'est-à-dire il est dépensier, généreux. C'est un grivois qui ne mange pas son pain dans sa poche, Carmontelle, Prov. l'Écriv. des charniers, sc. 11.

    Il ne vaut pas le pain qu'il mange, se dit d'un fainéant, de quelqu'un d'inutile.

    Il sait son pain manger, il sait plus que son pain manger, se dit d'un homme habile, qui a voyagé, qui a été de plusieurs conditions. Gens qui savent leur pain manger, Savent bien aussi le défendre, Scarron, Virg. II.

    Il mange son pain blanc le premier, se dit d'un enfant, d'un homme qu'on prévoit ne devoir pas être toujours dans une condition aussi heureuse que celle où il est présentement. Bénissant Dieu qui ne leur avait pas fait manger leur pain blanc le premier, Racine, 1re lett. à l'aut. des Imag.

    Fig. Manger son pain à la fumée du rôt, ou, simplement, à la fumée, être témoin des plaisirs d'autrui sans y prendre part.

    Il a mangé plus d'un pain, il a couru le monde.

    Fig. Manger de plus d'un pain, user de variété, ne pas toujours puiser à la même source. Boccace n'est le seul qui me fournit… Il est bien vrai que ce divin esprit Plus que pas un me donne de pratique ; Mais, comme il faut manger de plus d'un pain, Je puise encore en un vieux magasin, La Fontaine, Servante.

    Fig. Ne manger que d'un pain, n'avoir aucune variété. C'est une étrange chose, que d'être obligé de ne manger que d'un pain, l'on s'en ennuie à la fin, Hauteroche, Crisp. médec. II, 1.

    Fig. Pain dérobé, plaisir qu'on obtient en cachette et par une sorte de vol. En l'amoureuse loi, Pain qu'on dérobe et qu'on mange en cachette Vaut mieux que pain qu'on cuit et qu'on achète, La Fontaine, Troqueurs. Pain dérobé réveille l'appétit, Ducerceau, Poésies, Nouvelle ève.

    Il a du pain, quand il n'a plus de dents, se dit d'un homme à qui le bien arrive quand il est vieux.

    C'est du pain bien long, c'est une entreprise de longue durée.

    C'est du pain bien dur, c'est une condition fâcheuse où le besoin force à rester. Ce monsieur Jaquillart me fait manger un pain bien dur, Picard, Maison en loterie, SC. 6.

    Long comme un jour sans pain, se dit d'une chose qui ennuie mortellement. Au bout d'une demi-heure, qui me parut longue comme un jour sans pain, etc. Comte de Caylus, Écosseuses, Œuv. t. x, p. 530, dans POUGENS.

    Il est bon comme le bon pain, comme du bon pain, se dit d'un homme bon et doux.

    Il promet plus de beurre que de pain, se dit de quelqu'un qui promet plus qu'il ne veut tenir.

    On l'a donné pour un morceau de pain, se dit de quelque chose de valeur vendu très bon marché. Mme la princesse de Conti eut Champ pour une pièce de pain qu'elle donna à la Vallière, Saint-Simon, 471, 243. Ils ont donné pour un morceau de pain telle composition que nous offririons inutilement de couvrir d'or, Diderot, Salon de 1787, Œuv. t. XIV, p. 7, dans POUGENS.

    Il y a là un morceau de pain à manger, c'est un ouvrage, une entreprise profitable.

    Pain sec, punition qu'on infligeait dans les colléges, et qui consistait à ne donner au délinquant que du pain pour son repas.

    Mettre au pain et à l'eau, se dit d'une punition dans laquelle on ne donne au délinquant que du pain et de l'eau pour toute nourriture. Alors qu'ont fait les druides [les inquisiteurs] ? ils ont fait condamner le vieux philosophe [Galilée] à jeûner au pain et à l'eau…, Voltaire, Dial. XXIX, 7.

    Fig. Je vois d'ici la tranquillité où vous étiez à Lambesc toute seule, pendant que votre cour se reposait avec le pain et l'eau de la paresse, Sévigné, 10 fév. 1672.

    Populairement. Faire passer, faire perdre le goût du pain, tuer.

  • 2 Par extension, la nourriture de chaque jour. Chaque jour amène son pain, La Fontaine, Fabl. VIII, 2. Ne te plains pas que Dieu te maltraite en te refusant toutes ces délices ; mon cher frère, n'as-tu pas du pain ? il ne promet rien davantage ; c'est du pain qu'il promet dans son Évangile, c'est du pain qu'il veut qu'on lui demande, Bossuet, Sermons, Nécessités de la vie, 1. Que le soir dans les bals, le matin dans les temples, Brillantes, on vous voie, une bourse à la main, Demander pour les Grecs des armes et du pain, P. Lebrun, Voy. de Grèce, x, 5.

    Pain quotidien, expression employée dans l'oraison dominicale pour signifier la nourriture de chaque jour, les besoins journaliers. J'ai ouï conter qu'on avait fait le procès dans un temps de famine à un homme qui avait récité tout haut son Pater ; on le traita de séditieux, parce qu'il prononça un peu haut : Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien, Voltaire, Correspondance, 26 sept. 1770.

    Fig. Pain quotidien, ce que l'on fait habituellement. Il médit sans cesse, c'est son pain quotidien.

    Pain des prisonniers, le pain que l'on distribue journellement aux prisonniers. On condamnait autrefois certains délinquants à payer tant pour le pain des prisonniers.

  • 3Pain du roi, se disait du pain que le roi donnait pour la nourriture des prisonniers, et qui se prenait sur le fonds des amendes. La cour envoya Chandenier au château de Loches, au pain du roi comme un criminel, Saint-Simon, 38, 182.

    Il a mangé du pain du roi, il a été en prison.

    Il a mangé du pain du roi, se disait aussi pour signifier qu'un homme avait été militaire.

  • 4Nom donné au morceau de pâte, avant qu'il soit cuit. Mettre le pain au four. Pétrissez vite trois mesures, et faites cuire des pains sous la cendre, Sacy, Bible, Genèse, XVIII, 6.

    Du pain cuit, du pain qui a subi la cuisson au four.

    Fig. Du pain cuit, ouvrage fait d'avance, épargne faite pour l'avenir. Voilà du pain cuit.

    Avoir son pain cuit, avoir sa subsistance assurée.

    Avoir du pain cuit sur la planche, ou, simplement, avoir du pain sur la planche, avoir de quoi vivre en repos, sans travailler (en Berry, on dit avoir du pain sur l'ais).

    Fig. Elle a pris ou emprunté un pain sur la fournée, se dit d'une fille qui a eu un enfant avant de se marier. Ainsi que vous pleine d'enseignements, Oricène [la maîtresse d'Amadis] prêchait, faisant la chatte-mitte ; Après mille façons, cette bonne hypocrite, Un pain sur la fournée emprunta, dit l'auteur : Pour un petit poupon l'on sait qu'elle en fut quitte, La Fontaine, Œuvres diverses, Ballade sur les romans (1667)

    Pain sans levain, ou pain azyme, pain que les Juifs mangeaient en faisant la pâque. Vous mangerez des pains sans levain pendant sept jours, Sacy, Bible, Exode, XII, 15.

  • 5Pain de proposition, se dit des douze pains qui étaient offerts à Dieu dans l'ancienne loi les jours de sabbat, et dont les prêtres et les lévites avaient seuls droit de manger. Comme il [David] entra dans la maison de Dieu, et mangea des pains de proposition, dont il n'était permis de manger ni à lui, ni à ceux qui étaient avec lui, Sacy, Bible, Évang. St Math. XII, 4.

    Pain d'affliction, pain que les Juifs mangeaient en souvenir de leur sortie d'Égypte. Vous ne mangerez point pendant cette fête de pain avec du levain ; mais pendant sept jours vous mangerez du pain d'affliction où il n'y ait point de levain, parce que vous êtes sortis de l'Égypte dans une grande frayeur, Sacy, Bible, Deutéron. XVI, 3.

    En style mystique, pain de douleur, le temps qu'on passe dans l'affliction. Le Seigneur vous donnera du pain de douleur et de l'eau d'affliction, Sacy, ib. Isaïe, xxx, 20. Tu ne mangeras qu'un pain de douleur, c'est-à-dire un pain que tes sueurs auront détrempé, avant qu'il puisse être employé à ta nourriture, Bourdaloue, Dim. de la septuagés. Dominic. t. I, p. 339.

    On dit de même : un pain de larmes. Jusqu'à quand vous nourrirez-vous d'un pain de larmes ? Sacy, Bible, Psaume LXXIX, 6.

    Pain d'amertume, chose qui afflige. La vérité n'est plus pour eux qu'un pain d'amertume, Massillon, Carême, Dégoûts.

    En style de procédure ecclésiastique, être condamné au pain de douleur, être condamné au pain et à l'eau.

  • 6Pain bénit, pain que le prêtre bénit, et qu'on coupe par morceaux pour le distribuer aux fidèles durant une messe solennelle. Un morceau, un chanteau de pain bénit.

    Rendre le pain bénit, donner à l'église le pain qui doit être bénit ; aller présenter ce pain à l'offrande. Il rendit le pain bénit d'une manière solennelle, Hamilton, Gramm. 11. J'oubliais de vous dire que Mlle Clairon a déjà rendu le pain bénit, voilà ce que c'est que de quitter le théâtre, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 13 juin 1766.

    Fig. C'est pain bénit, se dit d'une disgrâce qui arrive à quelqu'un qui l'a bien méritée. [Tromper] C'est conscience à ceux qui s'assurent en nous ; Mais c'est pain bénit, certe, à des gens comme vous, Molière, Éc. des mar. I, 3. Ils disent que c'est pain bénit de venir ronger un homme de robe à la campagne, et qu'à Paris c'est vous qui rongez les autres, Dancourt, Maison de camp. SC. 21.

  • 7Nom que l'on donne quelquefois à l'hostie.

    Pain céleste, pain des anges, pain de l'âme, l'eucharistie. Le sacrement auquel nous participons dans la communion, est le pain de l'âme et son aliment, Bourdaloue, Serm. 23e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. IV, p. 412.

    Fig. Pain du ciel, pain de vie, Jésus-Christ et sa doctrine. Nos pères ont mangé la manne dans le désert, selon ce qui est écrit : Il leur a donné à manger le pain du ciel, Sacy, Bible, Év. St Jean, VI, 31. Le pain de Dieu est celui qui est descendu du ciel, et qui donne la vie au monde, Sacy, ib. VI, 33. Jésus leur répondit : Je suis le pain de vie ; celui qui vient à moi n'aura point de faim, Sacy, ib. VI, 35. Demandons-lui que chaque jour il nous fournisse le pain qui doit entretenir la vie de nos âmes, le pain de sa grâce, ce pain supersubstantiel, pour me servir de l'expression même de l'Évangile, Bourdaloue, 5e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 203.

    Pain de la parole de Dieu, ou, simplement, pain de la parole, enseignement des vérités morales et religieuses. Le devoir de Brousson était de distribuer le pain de la parole à ses frères, Voltaire, Louis XIV, 36.

    Le pain des forts, les vérités de la religion chrétienne. Ah ! si nous ne sommes infatigables à instruire, à reprendre, à consoler, à donner le lait aux infirmes et le pain aux forts, Bossuet, le Tellier. Le pain qu'on y distribue est la force des forts, Massillon, Avent, Disp. Je crus voir devant moi Un de ces champions des vérités nouvelles Que les anges de Dieu servaient, couvaient des ailes, …nourris déjà du pain caché du fort, Lamartine, Joc. v, 180.

    En termes de l'Écriture, il ne faut pas donner aux chiens le pain des enfants, c'est-à-dire il ne faut pas communiquer les choses saintes aux personnes profanes.

  • 8 Fig. Subsistance. Gagner son pain. Elle a considéré les sentiers de sa maison, et elle n'a point mangé son pain dans l'oisiveté, Sacy, Bible, Prov. de Salom. XXXI, 27. Une erreur qui donne du pain à tant de personnes, Molière, Am. méd. III, 1. C'est le pain de ses enfants qu'il a joué, Hamilton, Gramm. 3. Vous serez heureux dans cette maison, et vous y gagnerez du pain pour le reste de vos jours, Lesage, Guzm. d'Alf. VI, 7. Les soldats se firent mahométans pour avoir du pain, Voltaire, Mœurs, 55. Il est vrai que, faible, infirme, découragé, je reste à peu près sans pain sur mes vieux jours et hors d'état d'en gagner, Rousseau, Lett. à M. d'Yvernois, Corresp. t. VII, p. 67, dans POUGENS. Cette entreprise doit m'assurer du pain, sans lequel il n'y a ni repos ni liberté parmi les hommes, Rousseau, Corresp. du Peyrou, t. III, p. 14. Quand, cessant de pourvoir à ma subsistance, elle verrait le pain prêt à lui manquer, Rousseau, Confess. v. Le pauvre aime mieux du pain que la liberté, Rousseau, Lett. de la mont. 9. Mme Hébert : Ah ! monsieur, c'est le garçon le plus honnête ! - Sophie : C'est un malheureux qui gagne son pain comme nous, et qui a uni sa misère à la nôtre, Diderot, Père de famille, II, 4. Et que ne fait-on pas des hommes avec de l'honneur et du pain ! Marmontel, Bélis. ch. 14.

    Manger le pain de quelqu'un, recevoir de lui de quoi vivre. Ceux qui mangent son pain le trompent par leurs discours, Sacy, Bible, Ecclésiast. XX, 18. On jugea que c'était un serviteur ingrat et malhonnête qui décriait celui dont il avait longtemps mangé le pain, Voyer, Marquis D'Argenson, Mém. p. 247, dans POUGENS. Je mangerais volontiers avec elle le pain qu'elle aurait gagné, jamais celui qu'elle aurait reçu ; j'en appelle sur ce point à son témoignage, Rousseau, Conf. X.

    Manger le pain de quelqu'un, signifie aussi être à son service comme domestique.

    Ôter le pain, faire perdre les moyens de subsister. La perte de ce procès ôte le pain à vous et à vos enfants, Bossuet, Sermons, Nécessités de la vie, 1. Champagne, au sortir d'un long dîner qui lui enfle l'estomac, et dans les douces fumées d'un vin d'Avenay ou de Sillery, signe un ordre qu'on lui présente, qui ôterait le pain à toute une province, si l'on n'y remédiait, La Bruyère, VI.

    Ôter à quelqu'un le pain de la main, même sens. Je n'avais qu'un héritage ; on me l'a brûlé ; ah ! l'on m'ôte le pain des mains, Bossuet, Sermons, Nécessités de la vie, 1.

    S'ôter le pain de la bouche pour quelqu'un, se priver du nécessaire afin de lui fournir de quoi vivre.

    Mettre le pain à la main, fournir le pain qui fait vivre. Pourquoi donc, reprit le roi, avez-vous battu ce pauvre laboureur qui vous met le pain à la main ! Saint-Foix, Œuv. t. III, p. 307, dans POUGENS.

    Fig. Mettre le pain à la main de quelqu'un, être la première cause de sa fortune.

    Fig. Tremper son pain de ses larmes, vivre dans une componction continuelle.

    Ancien terme de droit. Être en pain de père et de mère, être soumis à la puissance paternelle.

    Dans le langage général, être au pain de quelqu'un, recevoir de lui un salaire pour quelque emploi. Qu'est-ce qu'un citoyen de Genève qui se dit libre, et qui va se mettre au pain d'un fermier général ? Voltaire, Lett. d'Alembert, 7 mars 1758.

  • 9Pain de chien, pain grossier destiné à la nourriture des chiens.

    Pain de cretons, voy. CRETONS.

    Terme de vénerie. Pain salé, composition d'argile et de sel qu'on fait lécher aux cerfs, aux daims et aux chevreuils, dans les parcs.

  • 10Pain d'épice, voy. ÉPICE.

    Il aime le pain d'épice, se disait d'un juge qui taxait trop haut ses vacations.

    Pain d'épice, coquille univalve.

    Pain perdu, nom donné en cuisine provinciale, surtout dans la Flandre française, à la brioche frite.

  • 11Pain aux champignons, aux mousserons, à la crème, sorte de mets fait avec la croûte d'un pain, des champignons, des mousserons, de la crème.
  • 12Pain à cacheter, petit rond de pain sans levain, dont on se sert pour cacheter les lettres.

    Pain d'autel, hostie. On dit aussi : pain à chanter, voy. CHANTER, v. n. n° 1.

    Pain à chanter, se dit aussi du pain à cacheter et d'une espèce de pain qu'on emploie dans les offices, pour couvrir le dessus et le dessous des nougats.

    Voltaire a dit en ce dernier sens, pain enchanté. Mme d'Argental, qui est l'adresse même, coupera le papier avec ses petits ciseaux, et le collera bien proprement à sa place, avec quatre petits pains qu'on nomme enchantés ; vous savez par parenthèse, pourquoi on leur a donné ce drôle de nom, Lett. en vers et en prose, 137.

  • 13Certaines substances mises en masse, et dont la forme est comparée à celle d'un pain. Pain de sucre, pain de bougie, pain de vieux oing, pain de savon, etc. se disent de ces matières préparées sous la forme dans laquelle on les vend. En pain de sucre, en forme de cône. Les femmes, sous le règne de Charles VI, étaient coiffées d'un haut bonnet en pain de sucre ; elles attachaient au haut de ce bonnet un voile qui pendait plus ou moins bas selon la qualité de la personne, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. IV, p. 115, dans POUGENS. On est surpris de voir cette montagne [le Môle], qui de Genève paraît un pain de sucre, se prolonger dans la direction de la vallée de l'Arve, Saussure, Voy. Alpes, t. II, p. 127, dans POUGENS.

    Pain sacré, morceau de cire bénit qu'on enchâsse dans des reliquaires.

    Pain de noix, pain d'olives, masse formée du résidu des noix, des olives, quand on en a extrait l'huile.

    Pain de noix est aussi le nom, en quelques provinces, du nougat de noix.

    Pain de roses ou chapeau de roses, nom qu'on donne au mare de roses qui reste dans l'alambic, après qu'on en a tiré l'eau, l'huile ou d'autres extraits.

    Terme rural. La masse de vendange qui surnage sur la cuve au-dessous du chapeau.

  • 14Pain d'acier, sorte d'acier qui vient d'Allemagne, différent de celui qu'on nomme acier en bille.

    Pain de liquation, alliage de cuivre avec trois fois son poids de plomb, auquel on donne la forme de pains aplatis.

    Terme de monnaie. Pain d'affinage, l'argent qui se fixe, en masse plate, dans la coupelle où il a été mis pour l'affiner.

  • 15Pain de nœuds, morceau, fragment de pierre d'ardoise.

    Terme de sculpteur. Masse de terre préparée et corroyée pour modeler.

  • 16Arbre à pain, le jaquier. L'arbre à pain sauvage porte des fruits hérissés de grosses pointes… tandis que l'excellente variété qu'on cultive aux îles des Amis produit des fruits lisses, couverts d'une pellicule très mince, Labillardière, Instit. Mém. scienc. phys. et math. sav. étrang. t. I, p. 472. Quand on le cueille avant sa maturité, il a le goût d'artichaut, et on le mange comme du pain, Raynal, Hist. phil. VI, 22.

    Pain de coucou, alleluia.

    Pain-de-hanneton, les fruits de l'orme.

    Pain-de-loup, espèce de champignon.

    Pain-de-pourceau, voy. CYCLAME.

    Pain-de-singe, fruit du baobab.

  • 17Pain fossile, concrétion calcaire.

    Pain ou miche de quatorze sous, masse de strontiane sulfatée.

    Pain de corbeau, variété de mica en masse.

PROVERBES

À mal enfourner on fait les pains cornus ; c'est-à-dire le principal d'une affaire, c'est de la bien commencer.

Il va à la messe des morts, il y porte pain et vin, se dit d'un homme qui déjeune avant d'aller à la messe.

Tel pain, telle soupe, c'est-à-dire les choses sont bonnes suivant la matière qu'on y met.

Pain coupé n'a point de maître, se dit lorsqu'à table on prend le pain d'un autre.

Liberté et pain cuit, c'est-à-dire on est heureux quand on a du bien et qu'on n'est sujet à personne.

Pain tendre et bois vert mettent la maison au désert, c'est-à-dire les dépenses mal entendues ruinent les maisons.

Le pain d'autrui est amer, c'est-à-dire il est pénible de tenir d'un étranger sa subsistance.

HISTORIQUE

XIIe s. As esquiers serai comme mendiz, Por aigue boivre ne por mengier pain bis, Raoul de C. 204. Uns huem [un homme], fait lur li reis, qui a mun pain mangié, Qui à ma curt vint povres e mult l'ai eshalcié, Pur mei ferir as denz ad sun talun drescié, Th. le mart. 134.

XIIIe s. Les sergens seculers qui seroient au pain et sel de Pontegni [nourris par Pontegni], Du Cange, panis. [Je] N'avoie qu'un cheval qui me trouvoit [gagnoit] mon pain, Berte, LXXIII. Sire, tu nos pestras de pain de lermes, Psautier, f° 98. Chascun pain d'oint [graisse], s'il poise cinq livres ou plus, doit obole de tonlieu, Liv. des mét. 318. Donner m'a mis au pain menu, la Rose, 14666. Compaignie se fet… par solement manoir ensamble à un pain et à un pot, Beaumanoir, XXI, 5. Ly rois Philippe establi que les talemeliers [boulangers] demourans dedens la banlieue de Paris peussent vendre leur pain reboutiz, c'est assavoir leur reffus, si comme leur pain raté, que rat ou soris ont entamé, pain trop dur ou ars ou eschaudé, pain trop levé, pain aliz [trop compacte], pain mestourné, c'est à dire pain trop petit, qu'ilz n'osent mettre à estal, Du Cange, panis. Pain ferez [gauffres], crespes et autres choses, Du Cange, ib. Un denier tournois sur chacun pain de sel, appelé salignon, Du Cange, ib.

XIVe s. Une boueste d'yvoire à mettre pain à chanter, garnie d'argent, De Laborde, Émaux, p. 426.

XVe s. Le marquis lui promettoit [à la reine de Hongrie] qu'il la feroit tenir au pain et à l'eau, Froissart, II, III, 233. Hardi fu, moult de maulx souffri, De froit pain plusieurs fois manga, Deschamps, Miroir de mariage, p. 14. Pourement ay esté peüz ; De pain secont vivoit mon maistre, Et cellui dont me faisoit paistre Fut presque quart, nel vueil noier [nier], Deschamps, Poésies mss. f° 457. Tel a pou blet [peu de blé], qui a assez pain cuit, Deschamps, ib. f° 36. On dit communement qu'on s'ennuye bien d'ung pain manger, le Jouvencel, dans LEROUX DE LINCY, Prov. t. II, p. 494. Faulte de blanc pain faict aulcunes fois manger le brun, Perceforest, t. VI, f° 76. Sera tenus le dit fournier de prendre cascun samedi le blé des moeutures des mollins de Corbye pour faire le blanc pain du couvent… et pour faire pain d'escuier [pain inférieur], on lui delivrera blé des greniers, Du Cange, panis. Deux burettes d'or à mettre le vin et l'eaue à chanter à la chapelle du roy nostre sire, De Laborde, Émaux, p. 426. Si je estoye un pauvre home qui allast querir le pain pour Dieu, l'on ne me devroit pas faire ce que l'on me fait, Les 15 joyes de mariage, p. 87.

XVIe s. Les dits Crouaz sont cruels à la guerre ; car ils tuent tout ce qu'ils peuvent, et ne prennent jamais prisonniers ; aussy on leur a fait de tel pain soupes, Lettres de Louis XII, t. I, p. 247, dans LACURNE. Il l'enveloppa si bien qu'il sembloit un petit pain de sucre, Marguerite de Navarre, Nouv. LII. Et celui qui ne l'a voulu vendre a esté contraint de faire petit pain (comme on dit) et repaistre ses amis, qui le venoient visiter, de discours d'architecture, Lanoue, 116. Cest entretien ne leur seroit pas baillé pour les engraisser en leurs maisons (car ce seroit, comme on dit, pain perdu), Lanoue, 278. Enfans mariés sont tenus pour hors de pain et pot, c'est à dire emancipés, Loysel, 56. Couleur de pain bis, D'Aubigné, Faen. I, 2. Pour manger en paix et en seureté le pain de son infidelité, D'Aubigné, Vie, CIV. Pain bien levé et bien cuit… ne trop rassis ne trop tendre… on leur donnera panade ou pain gratté avec bouillon de chapon, Paré, XXIV, 22. La plus subtile farine pour le pain de la premiere table ; et l'autre pour en faire du pain rousset, avec d'autre farine de segle, De Serres, 822. Le pain le plus delicat est celui qu'on appelle pain mollet ; que les boulangers font par souffrance, n'estant permis par la police… le pain dit bourgeois, et celui nommé de chapitre, suivent le mollet. …le bourgeois s'esleve plus en rondeur, que celui de chapitre, qui est plus pressé et plus plat… le bis-blanc suit après ; il est un peu gris ; finalement le bis… tous lesquels pains faits par boulengers, qu'on nomme estrangers, sont dits, pain-chalan (hor-mis celui de Gonesse) qu'on vend à discretion sans autre police que des places…, De Serres, 822. Le pain rousset vient après le blanc, puis le bis, finalement celui des chiens, faisant la quatriesme sorte, qu'on tire du plus grossier des bleds, et des reliefs des farines des autres pains, De Serres, 825. Pain de mesnage, De Serres, 824. Des potages liés et espés, comme pain gratté, dans lequel aura esté mis un peu d'eau roze, De Serres, 928. Pain de pourceau, ceste herbe est ainsi ditte, parce que les pourceaux se repaissent de ses racines, les fouillans dans terre avec affection, De Serres, 607. La decoction de la graine de pain-de-coucu, De Serres, 931. Faire de pierre pain, comme on dit, c'est là où est la peine, Brantôme, Louchaly. Un serviteur ne se plaint De son pain-gagnant service, Loys le Caron, Poésies, f° 60, dans LACURNE. À bon goust et faim n'y a mauvais pain, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 206. À faute de chapon, pain et oignon, Leroux de Lincy, ib. Avec du pain et du vin il fera quelque chose [par ironie, il ne peut gagner sa vie], Leroux de Lincy, ib. p. 207. Au pain et au couteau [être familiers], Leroux de Lincy, ib. p. 208. Mettre le pain en un four froid, Leroux de Lincy, ib. p. 211. Rendre pain pour fouace [rendre la pareille], Leroux de Lincy, ib. Nul pain sans peine, ib. p. 358. On se fasche bien de manger pain blanc, Génin, Récréat. t. II, p. 246. Quiers-tu meilleur pain que de fourment ? Cotgrave Pain tant qu'il dure, vin à mesure, Cotgrave Où pain faut, tout est à vendre, Cotgrave De tout s'avise à qui pain faut, Cotgrave Pin [Jean du], theologien, medecin, poete françois et orateur, autres l'appellent du Pain ; mais c'est à l'imitation des Parisiens qui ont ce dialecte ou façon de prononcer pain pour pin, Lacroix du Maine, Biblioth. p. 258, dans LACURNE.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PAIN. Ajoutez :
18Pain de hanneton, nom que les enfants et les gens du peuple donnent aux fruits de l'orme.
19 Pain du pauvre, espèce de potiron qui vient de Valparaiso, Journ. offic. 13 oct. 1874, p. 6997, 3e col.
20être né avant son pain, se dit d'un orphelin laissé sans ressources. Coluchon était né avant son pain, comme disent les paysans, c'est-à-dire que le pauvre orphelin restait sans aucunes ressources, De Curzon, Une vie de paysan, dans Bull. de la Société académ. de Poitiers (séance du 4 juin 1873), p. 99. Nous qui sommes nés avec du pain sur la planche, comme on dit à la campagne, nous ne nous rendons pas compte des poignantes difficultés que doit résoudre pour subsister l'homme qui est né avant son pain, ID. ib.
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Étymologie de « pain »

Picard, poin, pan ; wallon, pon, pan ; Basse-Normand. poin ; prov. pan, pa ; port. pão ; ital. pane ; du lat. panis. Dans panis, les étymologistes voient le radical sanscrit , nourrir, qui a donné le sanscrit pita, pain, le grec παίομαι, le latin pabulum, pascor.

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Du moyen français pain, de l’ancien français pain, pan, du latin panem, accusatif singulier de panis (« pain »). Le pain désigne dès l’origine le résultat de la cuisson de la matière panifiable, c’est-à-dire une pâte levée à base de farine et de levain. Aussi dès le XIIe siècle, il existe une grande diversité de formes de pains, à savoir les boules, les boulots, les ficelles, les épis, les tourons, les bâtards, les fougasses, les saucisses ou saucissons, les baguettes, etc.
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Phonétique du mot « pain »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
pain pɛ̃

Fréquence d'apparition du mot « pain » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « pain »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « pain »

  • Le meilleur pain est celui de la maison.
    Proverbe catalan
  • Le travail est le pain nourricier des grandes nations.
    Mirabeau
  • Le pain n'a pas raison contre le couteau.
    Proverbe guadeloupéen
  • Faute de pain, on mange de la galette.
    Proverbe québécois
  • Avant de mordre, vois si c’est pain ou pierre.
    Proverbe serbo-croate
  • Le théâtre doit faire de la pensée le pain de la foule.
    Victor Hugo — Les Burgraves, Préface
  • Mangez, moi je préfère, Probité, ton pain sec. […] Mangez, moi je préfère, Ô gloire, ton pain bis. […] Mangez, moi je préfère, Ton pain noir, liberté !
    Victor Hugo — Les Châtiments, Chanson, I, 10
  • Le luxe est le pain de ceux qui vivent de brioche.
    Isaac Félix, dit André Suarès — Voici l'homme, Albin Michel
  • Je juge un restaurant par son pain et son café.
    Burt Lancaster
  • Changement de corbillon fait trouver le pain bon.
    Adrien de Montluc — La Comédie des proverbes
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Traductions du mot « pain »

Langue Traduction
Anglais bread
Espagnol pan de molde
Italien pane
Allemand brot
Chinois 面包
Arabe خبز
Portugais pão
Russe хлеб
Japonais パン
Basque ogia
Corse u pane
Source : Google Translate API

Synonymes de « pain »

Source : synonymes de pain sur lebonsynonyme.fr

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Nombre de points du mot pain au scrabble : 6 points

Pain

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